Tiphaine a 21 ans, elle vit en région Bourgogne-Franche-Comté et est étudiante en 2ème année pour devenir infirmière. Après un parcours scolaire sans embûche, le bac ES en poche, elle décroche sans aucune difficulté le sésame d’entrée pour l’école d’infirmier, son rêve : « Je voulais me sentir utile. Si je le suis pour les autres, je serai en phase avec moi-même et je pourrai être fière de moi ».

Seul bémol, l’institut en formation de soins infirmiers où elle a été acceptée se situe à une centaine de kilomètres de chez ses parents, il lui faut donc trouver un logement : « Heureusement que mes jobs saisonniers m’ont permis de mettre de l’argent de côté, je bossais tous les étés depuis mes 16 ans… cueillette de fruits, ménage, baby-sitting, je prenais ce que je trouvais ! En milieu rural, le travail ne court pas les rues et encore moins les jobs étudiants parce que tu as l’impression de prendre la place d’une mère de famille. ». Issue d’un milieu très modeste, ses parents ne peuvent l’accompagner financièrement dans la réalisation de ses études.

Régler le loyer, les factures d’énergie, mettre de l’essence toutes les semaines, acheter les manuels, remplir le réfrigérateur, attendre la bourse qui vient toujours avec du retard... les mois se ressemblent tous et le compte bancaire est toujours dans le rouge : « Je rogne sur tout : les frais médicaux comme les vêtements. Mais le pire, c’est d’aller en stage avec l’estomac qui gargouille. Le matin, je mangeais des bonbons pour me donner le sucre nécessaire pour avoir de l’énergie. ». « C’est plutôt cocasse comme situation, on nous apprend à l’école à quel point il faut prendre soin de sa santé, se préserver, bien manger pour augmenter son espérance de vie, faire des bilans de santé pour prévenir les différentes maladies, moi je n’ai pas de quoi m’acheter des fruits et légumes frais, encore moins du miel quand j’ai mal à la gorge ».

Pour Tiphaine, le fait d’avoir une voiture, un appartement à soi et de faire des études était signes d’autonomie sociale et financière mais surtout synonyme d’un énorme sacrifice. « En réalité, les gens ne se rendent pas compte, tout le monde pense que tu es privilégiée parce que tu fais des études ! Alors que toute ta bourse passe dans le paiement de l’essence pour te rendre sur ton lieu de stage… parfois, tu fais jusqu’à 150 kilomètres aller-retour par jour ! Le jour où ta bagnole ne veut pas démarrer c’est l’angoisse parce que tu ne peux pas l’emmener chez le garagiste, tu ne peux pas en acheter une autre d’occasion et tu arrives en retard au stage ! Pour ça, tu risques une mauvaise appréciation sur l’ensemble de ton stage, c’est la double peine ! ».

« J’ai failli tout abandonner, je pleurais tous les jours… en plus, la fatigue ne me quittait pas, comme je me nourrissais mal, un simple rhume pouvait durer plusieurs semaines… avec les examens, j’étais à bout physiquement et psychologiquement ! ». Résignée, elle se décide à en parler à sa formatrice. Celle-ci l’oriente vers l’assistante sociale qui ne fait pas grand-chose à part lui dire d’essayer les associations caritatives. Ce n’est pas sans ressentir une certaine honte qu’elle se rend au centre de distribution alimentaire de sa commune. « J’étais très anémiée à cette époque, les colis m’ont permis de reprendre du poil de la bête ! Les bénévoles étaient très attentifs à me donner de la nourriture que j’aimais bien, les fruits, les légumes parfois même de la viande rouge ! ça me rappelait les produits frais du jardin de mes parents. »

Entretien réalisé en février 2017.

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