Yoan a été repéré par une équipe mobile francilienne du Samu social de la Croix-Rouge française. Ce grand jeune homme, originaire de Bretagne, a eu 18 ans il y a quelques mois. Mais pour lui, la majorité n’a pas été synonyme de fête entre amis… son anniversaire a malheureusement sonné le glas de sa prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Yoan s’est donc subitement retrouvé à la rue.

Comme beaucoup de jeunes placés à l’ASE, Yoan a passé de nombreuses années en famille d’accueil : « Je n’ai jamais vraiment connu mes parents biologiques, ma mère a d’abord voulu accoucher sous X mais elle s’est ensuite rétractée. J’ai été placé en pouponnière mais apparemment elle ne venait pas me rendre visite très souvent. Quand la situation de ma mère s’est stabilisée, je suis venu vivre avec elle, j’avais 3 ans… Tout ça on me l’a raconté, je ne m’en souviens pas. Finalement, ma mère a changé de vie, a déménagé dans le Sud et j’ai été placé en famille. […] J’ai changé souvent de famille parce que j’étais infernal et parfois violent… Les familles ne m’ont pas fait de cadeau non plus […], faut croire que je n’aurais jamais dû être là ! ». A 14 ans, Yoan est placé en foyer, un nouvel environnement dans lequel il s’adaptera avec beaucoup de difficulté.

« Je n’aimais pas aller en cours, j’étais dans une classe avec que des « cas sociaux », du coup je séchais tout le temps. Les éduc’ m’ont inscrit sans me demander en 3ème pro. Après on m’a dit que j’allais faire un CAP boucher-charcutier, mais moi j’aime bien les animaux… comment j’aurais pu faire ça franchement ? ». Yoan est orienté malgré lui et faute de mieux car ses résultats scolaires ne lui laissent pas la possibilité d’apprendre le métier de paysagiste vers lequel il aurait pourtant voulu s’orienter : « travailler en plein air, avec les arbres, les plantes, ça m’aurait calmé ».

De 16 à 18 ans, les travailleurs sociaux du foyer essaient tant bien que mal de le maintenir dans une voie professionnelle mais Yoan ne « tient pas », il arrive en retard le matin, parfois ne se présente pas sur son lieu de stage, il traîne avec quelques rares copains qu’il s’est fait au foyer. Il essaiera aussi à plusieurs reprises de retrouver la trace de sa mère en multipliant les allers-retours pour Paris.

« A 18 ans, je savais qu’on ne pouvait pas me garder, les éduc’ m’avaient expliqué que je ne bénéficierai pas du contrat jeune majeur parce que je n’avais pas voulu continuer l’apprentissage. J’ai préféré partir avant qu’on me foute dehors… J’en avais marre d’être rejeté, cette fois c’est moi qui suis parti ! ». Depuis, Yoan erre autour de la gare Montparnasse. Les nuits d’hiver les plus froides, il trouve refuge aux urgences, mais les agents de sécurité ne le laissent pas longtemps user de cette stratégie de survie. Les bénévoles du Samu social le connaissent bien et ont réussi à le convaincre de rejoindre un Centre d’hébergement d’urgence. Depuis, il a ouvert ses droits avec l’aide d’une assistante sociale et semble d’accord pour entamer un nouveau chapitre de sa vie : il a accepté d’être accompagné dans une unité spécialisée pour jeunes.

« Aujourd’hui, j’ai besoin d’être stable, je sens que mon état physique et psychologique s’est dégradé.  Quand tu vis à la rue, tu deviens parano, t’as peur pour ton sac, tes affaires, ta peau ! Un mec m’a menacé une fois avec un couteau. [...] J’ai besoin d’être accompagné, besoin que l’on m’aide… je n’y arriverai pas tout seul ! »

Entretien réalisé en janvier 2017.

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