Ils se garent aux abords des hôtels sociaux des Hauts-de-Seine pour accueillir celles et ceux éloignés du soin et du droit commun. A bord de ces deux véhicules “Croix-Rouge au coin de la rue”, infirmières et conseillers numériques sont prêts à en découdre avec la précarité.

A Clichy, ce 26 janvier, les deux camions “Croix-Rouge au coin de la rue” sont garés côte à côte. Ils resteront deux semaines dans la ville du nord-ouest parisien, comme le veut le calendrier du projet. 

Depuis le avril 2022, ces deux véhicules sillonnent les Hauts-de-Seine, du nord au sud, en restant 15 jours par point de chute. Le but de cette ritournelle est de couvrir les 82 hôtels sociaux du département. Et l’opération est bien ficelée : l’un des camions se consacre à la santé quand l’autre se concentre sur le volet numérique et l’accès aux droits. Si les deux disciplines peuvent sembler éloignées, elles ont en réalité beaucoup de points communs ; car comment avoir/bénéficier des médicaments ou une consultation gratuite sans couverture sociale ? Plus pragmatique encore : comment se déplacer jusqu’à son rendez-vous médical sans GPS ?  

Les deux accompagnements sont ainsi complémentaires : le premier consiste à accueillir des personnes ayant des difficultés à accéder au système de santé et le second prend le relais au sortir du bilan infirmier, pour faire le point sur le numérique (“Est-ce que vous avez Doctolib ?”, “Savez-vous utiliser l’application GPS ?”, “Y a-t-il une permanence de soin près de chez vous ?”). 

Ce jeudi de janvier, aux côtés de Delphine, Halimeh, David et Mohammed - et entre les lignes de leurs confidences - on (re)découvre l’importance de mettre sur le devant de la scène les problématiques de santé et notamment celles des femmes, des mères. Des problématiques souvent intimes et pourtant profondément collectives.

Des femmes à la santé négligée 

Comment se porte la santé des femmes précaires en France ? Mal, répond le rapport du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) de 2017. “Les femmes représentent 64% du total des personnes ayant reporté ou renoncé à des soins au cours des douze derniers mois, soit 9,5 millions de femmes chaque année”, explique ce dernier. A bord du camion médicalisé, les cas de figure ne font que confirmer les conclusions de l’implacable rapport. Les mères, les précaires, les isolées et les sans-papiers sont contraintes de se priver d’une bonne santé. D’un suivi régulier, ou même basique.

Si le camion médicalisé accueille des profils pluriels - soit autant d’hommes que de femmes - certaines situations relatives à la maternité se répètent inlassablement. “Les cas fréquents, ce sont les grossesses non suivies. Les médecins font les premiers examens et on oriente après/ensuite vers la PMI* pour le suivi ou les PASS* gynécologiques”, témoigne Delphine, infirmière libérale et pionnière du dispositif. 

Ce qui marque la professionnelle, ce sont les mères coupées des soins, enceintes ou venant tout juste d’accoucher. “C’est peut-être parce que je suis une femme que ça me touche”, lâche-t-elle. Et de raconter : “un jour, une dame s’est présentée au camion. Elle venait d’accoucher et n’avait aucun suivi post-grossesse au bout d’une semaine, ni pour elle, ni pour son bébé”. Delphine et sa collègue déclenchent alors le médecin pour une consultation et assurent immédiatement un premier suivi, “on pèse le bébé, on prend les rendez-vous à la PMI et avec la sage-femme”, se remémore-t-elle, encore secouée à l’idée qu’une telle situation puisse se produire en France. 

Trouver des solutions pour tous

Outre la santé gynécologique et infantile, pléthore d’autres cas de figure se présentent aux camions. Les problèmes d’hypertension non suivie, de rupture de traitement pour le diabète ou encore d’allergies non traitées, comme pour Aminata, venue ce matin avec ses trois enfants. “La Croix-Rouge m’a contactée lundi pour me demander si ça m'intéressait de venir en consultation. J’ai dit oui. C’est pratique pour moi, l’AME (l’aide médicale d’Etat, ndlr) ne m’a pas encore été accordée, alors toute aide par rapport à ma santé et mes allergies, c’est bien”, témoigne-t-elle.  

Ce rendez-vous avec les soignantes permet de dresser un premier tableau et d’aiguiller la personne sur la suite des événements. “Dans cet entretien, on va essayer de déceler si les patients ont - ou pas - un suivi médical. Si c’est une personne qui a une couverture sociale, on l’oriente vers le droit commun, si elle n’en a pas, il faut qu’on trouve la solution pour que son suivi soit fait”, précisent les infirmières, Delphine et Halimeh.

Lorsqu’un problème de santé immédiat ou aigu est rencontré (grippe, Covid-19 et autre angine), ces dernières contactent Europe Assistance, pour une téléconsultation instantanée. “Pour tTout ce qui sera chronique, comme une hypertension, on va déclencher le médecin de la Croix-Rouge, et convenir d’un rendez-vous entre lui et la personne.”

Ne rien laisser au hasard 

Une fois le bilan infirmier passé, la seconde étape a lieu dans l’autre camion pour s’assurer que les personnes ayant frappé à la porte de “Croix-Rouge au coin de la rue” pourront bel et bien se rendre à leurs rendez-vous médicaux. Cela passe par le volet digital du dispositif. Prendre rendez-vous en ligne avec un médecin, se renseigner sur ses droits… “On ne peut pas couper au numérique. Il y a beaucoup de pédagogie à faire”, confie Mohammed, conseiller numérique. 

David et Mohammed orientent ce jour-là Aminata vers la PASS la plus proche. Et donnent à Yana - une autre femme venue au camion - le contact d’une pharmacie dans laquelle elle pourra obtenir gratuitement des produits normalement non remboursés. Les conseillers s’assurent surtout qu’elle possède bien un GPS sur son smartphone pour pouvoir se rendre facilement à l’adresse donnée. 

Yana et Aminata sortent de “Croix-Rouge au coin de la rue” avec des solutions en poche pour accéder à des médicaments, une consultation, un spécialiste. Et prendre pour une - trop rare - fois soin de leur santé. 

* Protection maternelle et infantile (PMI)

*  Permanence d'accès aux soins de santé (PASS)