Présente depuis plus de 15 ans aux côtés de la Croix-Rouge Haïtienne, la Croix-Rouge française reste mobilisée en Haïti pour répondre aux conséquences du séisme du 12 janvier 2010. Entretien avec le Président national de la Croix-Rouge française, le professeur Jean-Jacques Eledjam.

Quel regard portez-vous sur l’action menée par la Croix-Rouge française en Haïti depuis quatre ans ?

Compte tenu de l’ampleur inégalée de cette catastrophe (qui a fait, rappelons-le, plus de 217 000 victimes et laissé plus de deux millions de personnes sans abri,) je crois qu’il convient de saluer la mobilisation massive de l’ensemble du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Les efforts conjoints des acteurs haïtiens et de la communauté internationale ont permis de diminuer considérablement le nombre de personnes déplacées dans les camps. Donner un logement durable et un environnement de vie décent à ces familles reste une priorité, tout comme la lutte contre le choléra toujours présent aujourd’hui, alors que ce fléau peut être endigué. La Croix-Rouge française est au premier rang des acteurs engagés dans ces deux domaines.

La Croix-Rouge française reste donc mobilisée…

Aujourd’hui, une équipe de 25 expatriés et près de 250 employés locaux sont sur le terrain pour mener nos différents projets. Notre engagement se poursuit en 2014, oui, et se poursuivra à plus long terme concernant les programmes de développement et de lutte contre les vulnérabilités dans ce pays qui figure parmi les plus pauvres au monde. Nous nous devons également de poursuivre nos programmes de renforcement des capacités de la Croix-Rouge haïtienne.

Quelles sont les priorités de la Croix-Rouge française aujourd’hui ?

Selon les statistiques de l’ONU-HABITAT (programme des Nations unies pour les établissements humains) fin 2013, 170 000 personnes vivent encore dans les camps, dans des conditions de grande précarité. Notre soutien à ces populations reste indispensable car les perspectives de relogement à court terme ne sont pas clairement identifiées. Nos actions dans les camps visent à assurer un accès aux services de base (eau et assainissement) et une plus grande autonomie des populations vis-à-vis de l’aide ; ces actions seront développées sur de nouveaux sites en 2014. En complément, nous poursuivons nos programmes de prévention et de préparation aux risques de catastrophes car ces populations sont particulièrement exposées. Nous menons en parallèle un programme de rénovation urbaine et de reconstruction de l’habitat dans le quartier de Delmas 7-13, zone métropolitaine de Port-au-Prince. Ce programme comprend un volet important de relance de l’activité économique. En outre, nous avons renforcé au sein du Mouvement international Croix-Rouge nos actions de lutte contre le choléra, devenu endémique en Haïti.

En votre qualité de médecin, vous devez être particulièrement sensible à cette épidémie, n’est-ce pas ?  

Vous avez raison. D’autant que cette maladie est évitable et traitable ! La Croix-Rouge française a été particulièrement active lorsque les premiers pics d’épidémie sont apparus en octobre 2010, et elle reste très investie. Elle reste engagée en 2014 dans le cadre du plan décennal lancé par les gouvernements haïtien et de la République dominicaine pour l’éradication du choléra sur l’île d’Hispaniola. Ce combat est donc majeur. En 2013, les équipes de la Croix-Rouge sont intervenues essentiellement auprès des communautés vivant dans le département de l’Ouest, en lien avec le ministère de la santé Publique et des Populations (MSPP) et la Direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement (DINEPA). L’enjeu est de briser la chaîne de transmission de la maladie.

Pensez-vous que la situation humanitaire va s’améliorer dans les mois qui viennent ?

Les problématiques humanitaires auxquelles se heurte encore le pays méritent toute notre attention et notre engagement auprès des autorités, auprès de la Croix-Rouge haïtienne, auprès des communautés elles-mêmes. Les programmes de relèvement menés depuis le séisme de janvier 2010 prendront sans doute fin dans les deux années qui viennent. En revanche, la Croix-Rouge française, présente bien avant cette catastrophe, va continuer d’appuyer la Croix-Rouge haïtienne dans des programmes à long terme dans le département de l’Artibonite où les besoins sont plus structurels. Ces projets seront maintenus au moins pour les deux prochaines années.

Propos recueillis par Géraldine Drot