Avec près de 7 000 bénéficiaires, et plus de 800 lettres distribuées chaque jour, le service de domiciliation postale géré par la Croix-Rouge à Toulouse est le plus grand de France. Une activité méconnue mais indispensable pour l‘accès aux droits.

Chaque matin dès 9 heures, la «Dom’ », comme l’appellent les bénévoles de l’unité locale de Toulouse, prend des allures de ruche. Situé sur l’Île du Ramier à Toulouse, le plus grand centre de domiciliation postale de France s’apprête à ouvrir ses portes. Si le public n’arrive qu’à partir de 9h45, les bénévoles préparent déjà leur journée marathon. Ils enfilent leurs gilets, avalent un café et prennent place pour le briefing de 9h30 assuré par un référent. L’activité quotidienne intense qui s’annonce ne laisse aucune place à l’improvisation. 

Contrairement à l’aide d’urgence ou aux maraudes, ce service proposé par la Croix-Rouge (encadré par un agrément accordé aux associations dans le cadre de la loi de 2014 sur l’accès au logement) reste très méconnu. « La domiciliation permet à toute personne sans domicile stable d’avoir une adresse postale donnant accès à ses droits, détaille Josette, responsable de l’activité domiciliation pour l’unité locale de Toulouse. Ces droits, ce sont les prestations sociales, l’accès à l’emploi, l'aide médicale de l'État (AME), l’inscription scolaire ou encore l’ouverture d’un compte bancaire. On propose une boîte aux lettres individuelle et l’attestation que nous fournissons fait office de justificatif de domicile. » 

L’adresse : un premier pas vers la réinsertion

Un précieux sésame pour des mamans solos, des victimes de violence, des personnes sans domicile fixe, des gens du voyage, d’anciens détenus, des couples non déclarés, des retraités en itinérance... « Ils viennent directement ou sont envoyés par des associations partenaires ou les Permanences d’accueil, d’information et d’orientation. Et nous les accueillons tous sans discrimination », poursuit-elle. 

Avec son sens inné de l’écoute et de l’organisation ainsi que son immense ouverture d’esprit, Josette encadre les 63 bénévoles dont 15 référents qui gèrent au quotidien ce site. Il bénéficie d’une convention gratuite d’occupation des locaux avec la Mairie de Toulouse qui accueille dans un bâtiment contigu son Espace social avec un restaurant, un service douches, une laverie et un accueil social. 

« Ce partenariat avec la Croix-Rouge est une évidence, expose Stéphane Cazeaux, responsable de l’Espace social du Grand-Ramier pour la Mairie de Toulouse. Nous aidons le même public : nous, avec les repas sur place ou à emporter distribués de manière inconditionnelle, anonyme et gratuite et les permanences sociales et vous avec la domiciliation postale et l’accompagnement. »

Partenaires et complémentaires, les deux entités partagent le même volontarisme et le même travail sur l’accès aux droits et l’aide aux plus démunis.

Près de 500 personnes accueillies chaque matin

9 heures 45...Dans la cour, Alexander, sourire aux lèvres et autorité naturelle, gère le flux des arrivants et les demandes de rendez-vous. « La vie est difficile pour ceux qui viennent ici. Alors le sourire, c’est ma marque de fabrique. Et je suis anglophone, ça peut servir pour la communication », explique le bénévole qui aime « trouver des solutions et gérer les profils difficiles ». 

Héritées du Covid, les distances de sécurité ont été maintenues dans des files toujours plus denses au fil de la matinée. Ceux qui viennent chercher leur courrier sont orientés vers les guichets 1 et 2 en fonction de leur numéro de bénéficiaire. « Ce système par numérotation évite les problèmes d’homonymie et le risque d’erreur », précise Josette, toujours en quête d’une organisation optimisée. 

Au guichet 1, ce matin-là, Nadia, référente bénévole, n’arrête pas. « J’aime le contact, aider, aiguiller. Je viens 4 fois par semaine, matin et après-midi, sauf le mercredi. Ce jour de repos m’aide à recharger les batteries, car émotionnellement, c’est puissant ! », avoue-t-elle pudiquement.  

Les lettres sont distribuées et la présence de chaque bénéficiaire est pointée. Car pour recevoir la précieuse attestation d'élection de domicile valable un an et renouvelable, les bénéficiaires de la domiciliation doivent se présenter physiquement et personnellement au moins une fois tous les trois mois, sinon leur boîte aux lettres est résiliée.

Bienveillance et pédagogie

Domicilié dans ce centre depuis son arrivée à Toulouse en 2020, Genci, réfugié albanais, ne manque pas une occasion de saluer les équipes. Il faut dire qu’il connaît tout le monde car il travaille depuis quelque temps au restaurant social à côté. Alors le petit bonjour à Maria, Josette, Marc et les autres, c’est sa pause. « Je me sens bien ici parce que j’y suis connu et écouté… » souffle-t-il. D’une voix chevrotante, il raconte son parcours de vie complexe, ses ennuis de santé, son handicap, ses démarches pour les papiers et son combat pour sortir de la précarité « grâce à l’aide apportée par le centre de domiciliation de la Croix-Rouge ». 

Orienté ici par le restaurant social voisin, Samuel est lui aussi dans une situation précaire sur laquelle il ne souhaite pas s’étendre. Cet Américain, père de deux enfants, espère que son statut va changer grâce à l’adresse postale dont il bénéficie désormais. « Ça va m’aider pour obtenir mon titre de séjour, pour me permettre de scolariser mes enfants. Je me bats pour eux, pour que notre situation s’améliore », confie-t-il.

En haut de l’escalier, sur la plateforme, des bénéficiaires ont rendez-vous pour ouvrir leur boîte aux lettres ou la renouveler dans des bureaux dédiés. Référent et bénévole depuis sept ans, Marc les reçoit avec bienveillance et pédagogie. Il leur explique le principe et les règles de la domiciliation. Présenter un justificatif d’état civil en est une. « L’entretien d’ouverture du dossier est important. L’accès à l’AME et la demande de logement restent les motivations principales. Et pour demander un logement social, il faut une adresse postale. Alors quand on ne voit plus les personnes, on veut croire qu’elles ont trouvé une solution, un toit fixe », se convainc-t-il.  

Une après-midi plus administrative

A 12h30 quand le centre ferme ses portes, les bénévoles n’ont pas pour autant fini leur journée. Toujours encline à peaufiner ses fiches de formation ou ses documents d’accueil, Josette répond aux mails et prépare les plannings. Les équipes de l’après-midi se consacrent au tri, au classement du courrier, au téléphone et aux mails. L’ambiance est plus calme, le coup de feu est passé. Les gâteaux maison adoucissent des tâches répétitives mais nécessaires au bon fonctionnement du centre. A 16h30, la journée se termine et chacun emprunte la passerelle de l’Île du Ramier pour rejoindre le tramway ou la rocade et retrouver son chez-soi, en espérant secrètement que ceux qu’ils ont aidés ce jour-là connaîtront bientôt, eux-aussi, ce privilège... 

Texte et images C Digital / Rédaction : Nathalie FAURE / Photos : Léa Koutzenko / https://www.lagencecdigital.com/

Le centre de domiciliation postale de Toulouse en chiffres

  • 43 000 dossiers dans la base
  • 7 000 dossiers actifs en 2024
  • 500 personnes accueillies / matin
  • 800 lettres reçues / jour
  • 63 bénévoles
  • 15 référents