Avec Adriana, auprès des SDF
Publié le 3 avril 2009
Face à l'estafette du Samu social pilotée par la Croix-Rouge, la blonde-top-modèle-comédienne-femme d'affaires-animatrice-télé Adriana Karembeu distribue des sandwichs jambon-Vache qui rit aux SDF. Il est 20 h 30 mardi et c'est la soupe populaire à 200 m de la gare d'Orléans. Dom, à la rue depuis qu'il a perdu son job et a été expulsé, s'approche en titubant de l'ambassadrice de l'organisation caritative qui célèbre sa décennie d'engagement.
"C'est vous, Adriana ?" demande-t-il. "Oui, vous n'êtes pas déçu j'espère", rétorque-t-elle du haut de son 1,85 m. "Vous êtes la vraie Adriana, celle qui passe à la télé, pas une doublure ? Attendez, l'original, pas la photocopie ? Euh, je peux vous serrer la main ?" réplique celui qui aura finalement droit à la bise.
"Cela m'aide à relativiser"
Deux policiers municipaux s'adressent alors au sans-abri "bouche bée". "Tu vois, on t'a pas menti.Le prochain coup, tu nous croiras", répètent-ils, avant de dégainer leur téléphone portable pour immortaliser la bénévole et belle d'un soir.Trois fois par an, la Slovaque la plus francophile âgée de 37 ans fait une "sortie terrain" aux côtés des forces vives de la Croix-Rouge. A la prison des femmes de Strasbourg ou dans une école au Niger. Sans meute de journalistes mais avec pudeur et candeur. Sans hauts talons mais avec la parka fluo aux couleurs de l'association, des bottes d'Iroquois et une chemise de bûcheronne."Cela m'aide à relativiser même si ma vie n'est pas dans les palais. A la Croix-Rouge, je me considère comme une apprentie, j'ai envie de voir comment ça marche, je veux rester crédible", nous confie-t-elle. Dans ce petit marathon de la solidarité, celle qui est apparue dans "Astérix aux Jeux olympiques" s'invite d'abord dans un centre d'accueil des demandeurs d'asile. Elle écoute les malheurs des uns et des autres qui, pour la plupart, n'ont jamais vu la "miss" que sur papier glacé. Elle s'inquiète du sort de Daniel, un Roumain de 25 ans sourd et muet, abandonné ici par sa mère et un beau-père maltraitant. Elle câline Jora, un nourrisson arménien "trop mignon" âgé de 10 jours. A l'heure du coucher du soleil, la voilà en route pour une maraude.
"Eux, ils le font tous les soirs !"
Adriana croise Pascal, quinquagénaire barbu qui délire, persuadé qu'il va "avoir le prix Nobel de physique". Il tient péniblement sur ses deux béquilles."J'ai eu une fracture du tibia après être tombé dans un trou", raconte-t-il. Ça, c'est vrai.L'ex-étudiante en médecine l'aide à s'asseoir sur un banc avant de lui donner des conseils de rééducation et de s'improviser serveuse. "Vous voulez un café ?" Puis, elle cherche du sel et du poivre pour la soupe à la tomate de Michel, "presque" 50 ans, qui a trouvé refuge incognito dans un immeuble privé : "un pauvre placard à côté du compteur électrique".
Elle pose sa main sur l'épaule de Blandine, mère d'un bébé de 11 mois qui vient "d'être placé", caresse Malicia et Isis, deux des chiens de Loïc qui fut squatteur en Bretagne. Direction maintenant le centre d'hébergement d'urgence. A l'entrée de la structure qui affiche complet, Antoine, 25 ans, grille sa cigarette. Le érémiste titulaire d'un CAP de cuisine menace de s'étouffer quand son regard croise celui de "la femme de Christian Karembeu" prête à dispenser... les gestes de premier secours ! "J'hallucine. Quand je vous voyais dans la pub, je me disais : Ça, c'est du baratin, c'est pour son image. Je ne pensais pas que vous étiez si engagée. Quand même, venir jusqu'ici, dans un coin perdu, c'est bien", encense-t-il. Gênée par tant de compliments, la star des podiums montre du doigt les maraudeurs qui l'accompagnent.
"Eux, ils le font tous les soirs, ça, c'est bien !" A 22 heures, elle part à la rencontre de Francis qui cauchemarde sous un pont tagué au bord de la Loire. Plus glauque tu meurs ! Le campeur d'infortune, allongé dans sa tente elle-même protégée par une bâche, écoute la radio. Il accepte la chaleur d'un potage, mais pas plus. "J'espère que vous n'aurez pas froid, bonne nuit", dit, d'une voix ultradouce, Adriana en guise d'adieux couverts par le bruyant passage d'un train.
Reproduction de l'article d'Aujourd'hui en France - le Parisien, avec l'aimable autorisation de Vincent Mongaillard