Ehpad Fondation Dantjou-Villaros travaille sur la verticalité des personnes âgées
Publié le 3 octobre 2019
Permettre à une personne âgée, de se tenir à nouveau debout, même quelques minutes. Miser sur ses capacités, parfois oubliées. Pour favoriser son mieux-être psychologique et physiologique. Dit comme cela, le geste a l’air simple. Mais bien souvent, que ce soit en maison de retraite ou à domicile… il n’en est rien. Depuis deux ans, l’équipe de l’Ehpad Fondation Dantjou-Villaros de Perpignan y prête pourtant une attention toute particulière, remobilisée sur cette thématique par le biais d’une formation "Humanitude". Témoignages…
Elisa Akpa, ergothérapeute
« Le travail sur la verticalité des personnes âgées que nous menons a en fait débuté, il y a quelques années déjà, au PASA (pôle d’activités et de soins adaptés) de l’Ehpad, où sont accueillis, en journée, certains résidents de l’établissement souffrant de la maladie d’Alzheimer ou de troubles apparentés… Cela s’est fait de façon assez logique car au PASA, un de nos critères d’inclusion est que les personnes soient en capacité de se déplacer seules, y compris si elles doivent s’aider d’un déambulateur, ou même si elles sont en fauteuil roulant. Lors du repas qu’y partagent le midi les résidents, tous s’installent, ou sont accompagnés à s’installer, sur une chaise. Cela semble… tout bête. C’est pourtant essentiel. En termes de sociabilité. Pour être et se sentir "d’égal à égal" avec les autres. Essentiel aussi pour des questions de posture lors du repas– essayez donc de manger engoncé dans un fauteuil, le buste parfois un peu en arrière, les pieds ne touchant pas terre, le mouvement du bras perturbé par un accoudoir un peu épais ! Comment, dans ses conditions, être capable de manger seul facilement, convenablement ? Pas évident !
Cette attention portée aux postures et positions facilitant la vie des personnes accompagnées a pris de l’ampleur en 2017, à l’occasion d’une formation Humanitude, suivie par l’ensemble du personnel de l’Ehpad. Un point important car cette démarche est vraiment un projet d’équipe. Le fait d’installer les aînés sur des chaises lors des repas, le midi, s’est ainsi mis en place dans la salle de restauration commune. Ce n’a pas été simple… ça ne l’est d’ailleurs toujours pas tout le temps aujourd’hui. Ne serait-ce qu’en raison du nombre réduit de professionnels accompagnant les résidents – à midi quatre aides de vie et deux aides-soignantes sont présentes pour les repas, et le soir elles sont deux fois moins nombreuses… Impossible dans ces conditions de généraliser la pratique en soirée. Sans compter que se posent des questions très pratiques, type que faire des fauteuils quand les gens sont à table ? Il nous faudrait un parking à fauteuils !
Il n’empêche… La prise en compte des capacités de chacun est redevenue, pour l’équipe, de l’ordre du réflexe. Tout comme l’attention prêtée à la prise en compte de leurs souhaits. Certains peuvent préférer rester dans leur fauteuil –parce qu’ils s’y sentent en sécurité, parce que tel ou tel jour ils se sentent douloureux, ou parce qu’ils n’ont tout simplement pas envie de bouger, de se lever pour se réassoir… Je pense à un monsieur, atteint de la maladie de Parkinson, accompagné au PASA, qui parfois va, mais parfois se sent moins bien. Qui était un peu réticent au début à sortir de son fauteuil, mais qui maintenant, à chaque fois qu’il se lève pour gagner sa chaise, remercie du regard, ou lance une petite phrase du type "vous voyez, je suis un peu plus grand que vous en fait" »
Amélie Maillard, infirmière coordinatrice
« Définie par Yves Gineste et Rosette Marescotti, l’Humanitude se veut philosophie de soins visant à rapprocher le soignant et le soigné dans leur humanitude/humanité, à améliorer les soins et le prendre soin des personnes âgées, et à les accompagner, dans le respect de leur autonomie, "debout, jusqu’à la fin". Cette démarche, à laquelle toute l’équipe de l’établissement a été formée – soignants mais aussi animatrice, personnel administratif, de la restauration, ou de la maintenance - a profondément modifié notre quotidien. Y compris au plan organisationnel – exemple : respecter le rythme des résidents pour le petit déjeuner suppose d’avoir, à l’étage, de quoi leur offrir à manger quand ils sont prêts. Cela paraît simple, mais ce n’est pas usuel.
En matière de verticalisation, toilettes évaluatives et repas évaluatifs réalisés pour tous les nouveaux résidents et, pas à pas, pour ceux étant là depuis plus longtemps, nous sont d’une grande aide. Cela nous permet de définir les postures dans lesquelles la toilette est la moins douloureuse pour tel ou tel. La position dans laquelle tel ou tel est le plus à l’aise à table… si elle a des problèmes de déglutition, ou ne peut manger que certaines textures par exemple. Etc. Tout est discuté en équipe, et noté… afin que chacun agisse en cohérence avec les autres.
Verticaliser une personne, l’accompagner à se lever, à s’asseoir sur une chaise… c’est essentiel en matière de respect d’autrui, de prise en compte de ses capacités. Et c’est essentiel aussi au plan physiologique, car les pertes d’autonomie liées à l’alitement ou à l’immobilisation dans un fauteuil roulant s’installent en quelques jours et évoluent très vite lorsque l’on est âgé. Verticaliser quelqu’un, l’accompagner à se lever, pour une toilette ou pour s’asseoir à table est ainsi bénéfique au niveau musculaire, pour l’endurance cardio-vasculaire, cela facilite aussi la respiration, une meilleure circulation sanguine, la proprioception et donc l’équilibre. Cela permet d’éviter la perte de certaines fonctions, et permet donc de prévenir certaines pathologies. Ce n’est pas rien ! D’autant que c’est aussi une question de confiance en soi, de dignité. Et les résidents nous le disent d’ailleurs, à travers x petites phrases, du type "On est quand même mieux ! ", "Enfin je vois ce que je mange ! " »
Propos recueillis par Elma Haro