Créé en 1994, le Service de soins et d’aide à domicile de Dijon s’adresse aux enfants et adolescents porteurs de plusieurs handicaps. Une de ses missions est de contribuer à leur socialisation en intervenant dans leur environnement familier : domicile, structure d’accueil petite enfance, école. Si le décret d’août 2000 a fait avancer les choses dans ce domaine, l’intégration des enfants handicapés - et qui plus est polyhandicapés - dans la vie sociale se fait encore au compte goutte.

Comme tous les mercredis, le taxi dépose Brandon devant la halte-garderie Balzac.

Quelques minutes plus tard, il fait son apparition dans le groupe, dans les bras de Claudie, l’éducatrice de jeunes enfants : "Bonjour, Brandon est là !". Claudie annonce volontairement son arrivée aux autres enfants, pour qu’ils fassent attention à lui et que, de son côté, Brandon comprenne bien que la séance commence. Polyhandicapé depuis l’âge de un an suite à une bronchiolite, il est admis depuis six mois seulement dans la structure et a encore besoin d’un temps d’adaptation.

D’abord sur la défensive, il s’approche peu à peu, en se déplaçant sur son derrière. Un quart d’heure plus tard, on le retrouve en train de jouer et de rire parmi les autres enfants. "Brandon a des difficultés de communication, explique Claudie. Il observe d’abord, prend ses repères au niveau des personnes, des objets présents dans la pièce." Durant ce temps d’intégration au groupe, l’éducatrice rejoint Julien. Polyhandicapé également, il fait presque partie des murs. Agé de sept ans, il fréquente la halte-garderie depuis six ans déjà. Intégré il y a trois ans au service de soins et d’aide à domicile (SSAD) de Dijon, l’équipe a tout simplement poursuivi l’accompagnement de l’enfant.

Claudie le hisse de sa chaise pour l’allonger sur le tapis en mousse. C’est l’heure de la lecture. Aussitôt, une nuée d’enfants vient spontanément s’asseoir autour d’eux. Julien, paisible, regarde les images, bercé par la voix de l’éducatrice. "Raconter des histoires est notre rituel, dit-elle, C’est un moment d’échanges entre tous les enfants, en toute liberté. Julien fait partie du groupe. Les enfants lui apportent des jeux, des livres. Lui se manifeste par des vocalises, des sourires, des mimiques. Il participe à sa façon."

Encourager l’autonomie de l’enfant

L’éducatrice, entourée de l’équipe de la structure, accompagne ainsi Brandon et Julien deux fois par semaine. Les activités varient selon l’état et l’humeur du jour : collage, jeux d’eau, écoute musicale, piscine à balles, tout est fait pour développer de nouvelles sensations. "Je les pousse à faire des choses qui les changent de leur quotidien à la maison. Je provoque beaucoup les jeux en groupe, pour accroître leur aisance dans le groupe, pour susciter les échanges. Ce travail se fait à leur rythme et nécessite une grande observation pour repérer tous les détails dans leur comportement. Mon rôle est de les faire progresser, de les stimuler, de les encourager à pousser plus loin leurs capacités."

Accompagner l’enfant, encourager son autonomie et son intégration dans la société, telle est la priorité que s’est fixée le SSAD, en réponse à la demande des parents.

Pour Muriel, la mère de Brandon, il était totalement inenvisageable que son fils vive reclus à la maison : "Il est important de lui montrer qu’il existe autre chose que la maison et sa famille. De même qu’il est nécessaire qu’il acquière de l’autonomie, qu’il apprenne un minimum à parler, écrire, compter. Grâce au contact avec d’autres enfants, il a déjà acquis plus d’aisance. Avant, il refusait toute présence étrangère et paniquait. Nous avons appris également des techniques pour le coucher, l’habiller, le lever par étapes, avec Claudie et l’équipe du SSAD.

L’éducatrice de jeunes enfants est en effet une "personne ressource" pour la famille comme pour le personnel des six structures petite enfance qui accueille actuellement ces enfants polyhandicapés. Claudie possède en effet une certaine technicité, une approche professionnelle du handicap et de l’enfant pris en charge. Elle les aide à l’observer différemment, à travailler selon ses capacités à travers des jeux ou des exercices. "Notre rôle est d’être à l’écoute de l’équipe accueillante et des parents, pour comprendre leurs difficultés et les aider à les surmonter", explique Carole, chef de service au SSAD.

Le service d’aide à domicile est un véritable atout car il instaure très vite une relation de confiance avec les parents et les professionnels de la petite enfance. Le projet de vie de l’enfant est réfléchi et mis en place en totale complémentarité.

Rosie Gérardin, la directrice de la halte-garderie Balzac, participe régulièrement à des réunions-bilan au SSAD : "La présence de Claudie est très importante. On se soutient mutuellement". Salariée de la structure depuis 1978 puis responsable, elle a toujours accueilli des enfants handicapés, pour répondre, tout simplement, à la demande de parents. "Accueillir un enfant handicapé n’est pas plus difficile que pour un enfant sain. Pour moi, c’est tout à fait naturel. Il y a seulement des contraintes à prendre en considération comme l’obligation d’un accueil individualisé par un professionnel. Je ne fais aucune différence entre les enfants puisque la prise en charge de l’enfant handicapé a été discutée dès le départ avec l’équipe et les parents."

Agathe, enfant à plein temps

A ce jour, six enfants polyhandicapés sont accueillis dans des structures petite enfance à Dijon et deux sont scolarisés en maternelle. Parmi eux, Agathe, quatre ans, fait figure d’exception. Elle est en effet la seule enfant à être prise en charge à plein temps dans une crèche du CHU de DIJON. Polyhandicapée depuis une méningite contractée à 9 mois, elle a été acceptée sans problème dans cet établissement qu’elle fréquentait avant sa maladie.

Cette solution s’est avérée très bénéfique, comme en témoigne sa mère, Stéphanie : "Agathe a toujours eu un contact facile avec les enfants et une entière confiance. Ils lui font des bisous, elle adore leur compagnie. Pour moi, il était fondamental qu’elle vive parmi des enfants valides et qu’elle ait un rythme de vie normal. Comme eux, elle doit se lever le matin, s’habiller, partir en voiture pour faire ses activités . Cela la fait progresser." Hormis une chambre spécialement aménagée et trois séances de kinésithérapie par semaine, assurée par le SSAD, Agathe vit la crèche au même titre que ses petits camarades. Son nom et sa photo figurent sur son casier, au milieu des autres.

Le jour de notre visite, Agathe assiste à une séance de musique et de chant parmi une dizaine d’enfants. De sa petite main, elle bat la mesure…

Photos : © S. Kalimerov