Moins visibles que les blessures physiques, les traumatismes consécutifs à l’ouragan Matthew sont néanmoins bien réels.

Chaque jour, la clinique mobile Croix-Rouge se déplace dans les villages reculés du département de Grande Anse, ravagé par l’ouragan Matthew début octobre. Le dispositif permet de dispenser des soins primaires et de sensibiliser la population aux risques de choléra.

Soigner les blessures morales s’avère tout aussi essentiel au regard du traumatisme subi par la population. « Chaque jour, je vois des enfants qui présentent des séquelles sévères liées à la perte de leur maison ou d’êtres chers », déplore Emilie Gauthier-Paré.

Emilie fait partie de l’équipe médicale de la clinique mobile déployée dans le Sud-Ouest d’Haïti, par la Croix-Rouge canadienne et la Croix-Rouge française. Son rôle est d’apporter un soutien en premiers secours psychologiques. « Plusieurs enfants arrivent à la clinique avec l’estomac vide, ce qui ajoute à leur stress », raconte Emilie.

L’intervention de la spécialiste en soutien psychosocial est essentielle dans ce contexte. Observer, écouter et mettre en contact sont les trois grands principes qui guident sa mission. Elle doit pouvoir identifier rapidement les services disponibles au sein de la communauté, tels que l’église, les voisins, la famille, les amis, les volontaires de la Croix-Rouge haïtienne. Elle peut ensuite orienter les personnes qui requièrent un soutien spécialisé vers les services sur place ou, dans les cas plus graves, vers des professionnels en santé mentale. 

La tâche est rendue particulièrement ardue par l’ampleur du récent désastre. Un puissant ouragan comme Matthew a touché une grande partie de la population, et causé des dommages sévères aux foyers, aux récoltes, aux bâtiments, et à l’infrastructure. « Lorsque le tissu de la société est touché à ce point, dit Emilie, tout le monde en souffre, même les plus résilients ont de la peine à venir en aide aux plus démunis. » 

« Mon plus grand défi est de composer avec les ressources que je trouve sur place », souligne Émilie. Dans le village de Moline, elle a identifié une personne qui lui a été d’un énorme secours : « Lors de notre arrivée, le curé du village nous a chaleureusement accueilli. Je lui ai ensuite référé une famille qui n’avait pas mangé depuis plusieurs jours. » 

Du haut de ses huit ans, un œil infecté, Medjinn Precilien, arrive seule à la clinique mobile que l’équipe vient d’installer à Anse d’Ainault. Elle habite à plus d’une demi-heure de marche. Medjinn, sa mère, son beau-père, ses quatre sœurs et ses deux frères ont tout perdu. Grâce à une distribution de kits d’abris, ils ont reconstruit tant bien que mal un logis pour se mettre à l’abri du vent et de la pluie. Medjinn était à la maison lorsque l’ouragan a frappé. Elle n’oubliera jamais ce cauchemar.  Comme toutes les jeunes filles de son âge, elle aimait bien jouer avec sa poupée. Sa poupée s’est envolée avec tout ce que sa famille possédait.

Aujourd’hui, elle rêve de devenir médecin pour aider les gens qui ont besoin de soins. Marion Lahuec, logisticienne médicale et infirmière à la Croix-Rouge française, lui applique une pommade antibiotique, lui donne des consignes sur son application et sur l’importance de se laver les mains. 

Toute personne ayant subi une crise ou assisté au malheur de ses proches est susceptible d’être affectée d’une façon ou d’une autre. Au premier contact, la déléguée peut déceler des indices signalant un état de choc : le manque d’appétit ou encore, chez les enfants, la perte d’intérêt à s’amuser. « Il est important d’encourager les enfants à jouer, ce qui à leur âge représente un comportement normal », explique Marion, qui leur met à disposition des ballons, des crayons, du papier, de la peinture. « Il n’est pas nécessaire que ce soit sophistiqué. Il suffit de permettre à l’enfant de retrouver un semblant de normalité. » 

Depuis le 28 octobre dernier, la Croix-Rouge canadienne et la Croix-Rouge française, en étroite collaboration avec le ministère haïtien de la santé et la Croix-Rouge haïtienne, ont pris en charge plus de mille patients (près de 150 personnes par jour) dans les communes de Beaumont, Pestel, Corail, Moron, Anse d’Ainault, Les Irois et Dame Marie.

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Source OCHA

Crédit photo : Maria Santto