L'Autabus : aller à la rencontre de ceux qui ne peuvent pas se déplacer
Publié le 13 décembre 2013
Le véhicule sillonne les routes du sud-ouest du département pour aller à la rencontre des habitants et distribue des colis à ceux qui en ont besoin. Plus qu'une aide alimentaire, c'est un premier levier pour accéder à un public isolé et l’accompagner d’un point de vue social et psychologique. En partenariat avec le Conseil général, diverses associations, acteurs privés et élus, ce projet solidaire est né mi-mai 2013. Retour sur les premiers effets de ce dispositif local durable.
Aller au devant des personnes isolées
Les premiers rayons du soleil peinent à percer la brume automnale ce matin dans la campagne tarnaise quand le clocher de Puylaurens apparaît. C'est la première étape de l'Autabus et aussi la plus importante. Au volant, Michel est radieux car une belle journée s'annonce. A ses côtés, son binôme Danielle vérifie qu'il ne manque aucun colis car à l'arrière du camion, c'est plein. La veille, les bénévoles de Lavaur ont préparé méticuleusement les colis à distribuer en suivant les fiches des bénéficiaires. Car « le but est d'adapter l'aide aux besoins de chacun », comme le souligne Dolorès. Cette bénévole ne fait pas partie de l'équipe dédiée exclusivement à l'Autabus mais à celle de l'unité locale. Le dispositif fonctionne sur le travail de deux groupes : ceux sur le terrain et ceux en charge de la logistique. Dolorès sait exactement ce qu'il y a dans l'épicerie de la délégation quant à Brigitte, elle connaît les besoins des familles bénéficiaires. A elles deux, les colis sont remplis avec efficacité et sans oubli car dans la main, Brigitte tient les fiches individuelles de chaque bénéficiaire de l'Autabus. Pour ce colis, elle va chercher dans la vesti-boutique un lit parapluie parce qu'elle sait que la famille n'en a pas. Pour celui-ci par contre, elle vérifie bien que les aliments pour enfant ne sont pas solides car le bébé de la famille, atteint de mucoviscidose, ne peut pas absorber certains aliments.
Dans ces deux cas, ce sont des « colis de suivi ». Cela suppose que les bénéficiaires ont déjà eu un entretien avec les membres d'Autabus, explique Brigitte. Durant trois mois ces personnes reçoivent de l'aide avec un rendez-vous tous les 15 jours pour faire le point sur leur situation. Dans l'Autabus, une table et des banquettes ont été installées, constituant un espace d’accueil ; c'est là qu'ont lieu les entretiens. Un moyen de connaître les besoins des personnes avec précision mais aussi de s'assurer qu'ils répondent aux critères d'aide. Il y a aussi les « colis d'urgence » car durant les tournées, « il y a toujours la possibilité que de nouvelles personnes viennent à notre rencontre, comme ça nous sommes prêts ».
Pour Caroline Durand, présidente de la délégation départementale, il est important de souligner que « l'Autabus n'est pas une épicerie sociale mobile ». C'est un outil qui répond à une problématique territoriale particulière. Dans le Tarn, l'habitat est dispersé ce qui entraine les populations majoritairement rurales à l'isolement dans des zones souvent enclavées. L'autre constat : la misère locale. Ces populations sont réduites à un chômage endémique.
Dans ce contexte, il est apparu comme une évidence aux bénévoles de la Croix Rouge française d'aller au-devant de ceux qui ne pouvaient le faire d'eux-mêmes pour des raisons de mobilité, de peur ou de méconnaissance de leurs droits.
Dans le courant du second semestre 2011, Caroline Durand a rencontré Sylvie Gaulene, responsable de la Maison du Conseil Général de Puylaurens, afin de trouver une solution commune et durable à la précarité dans le monde rural. Avec le travail précieux des assistantes sociales qui couvrent le département et l'aide d'autres associations locales, l'idée d'Autabus est née. Un outil fondamental qui permet à tous les acteurs du projet d'être le plus présents possible sur l'ensemble du territoire.
Le choix de l'alimentaire est donc un moyen d'attirer les personnes vivant dans la précarité mais l'objectif premier est de créer du lien social. Les bénévoles dialoguent régulièrement avec les bénéficiaires pour prendre la dimension de leurs difficultés et y répondre en trouvant des solutions adaptées. D'où l'importance des entretiens et du travail en commun avec les assistantes sociales. Sur les 323 communes que compte le département 53 ont accès à ce dispositif. Cela représente pour l’instant 71 familles bénéficiaires soit 150 personnes, mais aussi plus de 2,5 tonnes de nourriture distribuées et 2 000 km parcourus, en à peine six mois.
Sortir de l'isolement et avancer
L'autre plus du projet c'est la création de deux emplois d'insertion professionnelle financés par le Conseil général. Deux chauffeurs se relaient durant la semaine : Christophe et Noémie. Leur rôle est déterminant car ils ont un contact direct avec les bénéficiaires. C'est eux qui remettent les colis aux familles, à l'arrière du camion. Un moment d'échange et de convivialité qui vient compléter l'entretien plus formel.
Pour Michel Mace, responsable opérationnel du véhicule, le succès d'Autabus révèle « l'étendue de la précarité dans les zones rurales » et repose sur un enjeu de taille : « éviter d'assimiler ce projet à une aide alimentaire ». Car beaucoup de personnes perçoivent encore l'Autabus comme une épicerie mobile et solidaire. L'objectif pour l'équipe de la Croix-Rouge du Tarn est donc de changer cette image, et ça fonctionne. Certains bénéficiaires, dont Nicolas, voient cette aide comme « un coup de pouce, le temps de rebondir ». « C'est une aide alimentaire mais pas seulement, ça permet de sortir de l'isolement et d'avancer ». Pour ce jeune homme l'implication des bénévoles a porté ses fruits, il vient chercher son dernier panier car il a trouvé un travail à Toulouse. Ce genre de nouvelle éclaire la journée de Michel, Danielle et Noémie et justifie leur combat quotidien.
Prochaine étape du fourgon : Blan. La commune a reçu l'initiative avec beaucoup d'entrain grâce à son maire très mobilisé. Jean-Claude De Bortoli a même proposé à la délégation d'accueillir l'Autabus. Une place de parking sécurisée va bientôt voir le jour ; « une très bonne nouvelle » pour Jacques Fontes, vice-président de la délégation. Il voit dans ces partenariats un gage de pérennité du projet. Pour Jacques Fontes, le défi à relever désormais : « élargir l'initiative à tout le département ». Ce projet pilote pourrait bien intéresser d'autres communes touchées, elles aussi, par la pauvreté. D’ailleurs l'Autabus essaime déjà dans la région. Un projet similaire va voir le jour en décembre dans le Gers et un autre est à l’étude dans les Hautes-Pyrénées. L’Autabus, une expérience qui mérite d'être diffusée sur l'ensemble du territoire français car l'isolement et la solitude affectent également les populations urbaines.