Le 9 novembre 2011 s’est tenue à Paris la première journée nationale consacrée à l’activité textile à la Croix-Rouge. Collectes, chantiers d’insertion, recyclage, enjeux économiques... plus de 60 personnes étaient présentes pour échanger sur leurs pratiques et tracer des pistes de réflexion pour l’avenir.

Collecte de vêtements neufs et usagés, lieux d’accueil pour bénéficier de vêtements gratuits (vestiaires) ou acheter à bas prix (vestiboutiques), tri et recyclage via des chantiers d’insertion, la Croix-Rouge a développé depuis de nombreuses années une activité sociale textile importante. « Mais jusqu’ici, faute de chiffres précis, explique Didier Piard, directeur de l’Action Sociale, nous n’avions pas une vision claire du réseau et de la manière dont il se structurait. »

A l’image des autres secteurs d’intervention de la Croix-Rouge (les journées nationales de la prison, etc.), « l’organisation d’une journée nationale du textile devenait nécessaire ! », ajoute-t-il. Le 9 novembre dernier, 65 membres des délégations venus de toute la France ont donc répondu présents pour participer à la Première Journée nationale Textile organisée à Paris. L’occasion de faire le point sur les pratiques, d’échanger des idées entre délégations, et de mieux mesurer l’importance de cette activité au sein de la Croix-Rouge.

Le textile, créateur de richesses

Premier constat, « le textile est devenu une activité incontournable de la Croix-Rouge », souligne Didier Piard, chiffres à l’appui. Pascal Charcosset, chargé de mission Textile ouvre, en effet, la journée en dévoilant pour la première fois les résultats d’une vaste enquête menée dans toutes les délégations sur l’année 2010*.

Avec 771 vestiaires et vestiboutiques, plus de 10 000 bénévoles impliqués, près d’1,5 millions de bénéficiaires et 20 000 tonnes traitées, « l’activité textile de la Croix-Rouge représente 1/6e de la collecte nationale de textile, c’est un volume très important, souligne Pascal Charcosset. Et ce, ajoute-t-il, alors qu’on a peu de conteneurs.Ce résultat est intéressant, cela nous a permis de travailler sur certaines représentations de l’activité qui étaient fausses ».Autre bilan positif, souligne-t-il, le concept de la vestiboutique inauguré au début des années 2000, est en plein essor : « les années précédentes, nous avions à peine une dizaine d’ouvertures par an, nous en sommes à plus de 40 cette année ! »

L’engouement pour les vestiboutiques avec leur offre textile à petits prix s’explique aussi par le besoin de trouver des fonds pour financer d’autres activités, comme le soulignent de nombreuses délégations présentes dans la salle. Certaines avancent des chiffres d’affaire qui montent parfois à plusieurs dizaines de milliers d’Euros ! La plupart ont cependant continué à aider gratuitement des personnes très défavorisées dans les vestiboutiques, en distribuant notamment des chèques (délégation de Poitiers) ou des bons (délégation Portes Océanes, en Gironde). Car « se vêtir fait partie des besoins fondamentaux, rappelle Armand Perego, Président de la Commission action sociale de la Croix-Rouge, mais il ne faut pas avoir peur de l’argent, précise-t-il, c’est le nerf de la guerre ! Nous en avons besoin pour d’autres actions sur le terrain social. »

Beaucoup de délégations ont effectivement développé d’autres actions complémentaires de leur distribution de vêtements : des ateliers (couture à Angoulême, informatique à Montpellier, coiffure à Sens...), mais aussi des initiatives spécifiques à certains territoires comme, par exemple, l’achat d’un camion pour rendre visite aux personnes âgées isolées en campagne pour la délégation de la Creuse.Les chiffres 2010 montrent également que le textile a contribué à créer environ 110 postes par le biais de contrats directs, aidés, ou en chantiers d’insertion. « Le textile peut être créateur d’emplois précise Didier Piard, les délégations peuvent passer des accords avec certaines structures d’insertion pour les accompagner », mais, « attention, rappelle Pascal Charcosset, créer de l’emploi, c’est bien, dans la mesure où il y a une forme de durabilité ! ».

La collecte et le recyclage en débat

Si l’importance de l’accueil, la création d’ateliers et d’emplois font l’unanimité, les questions des méthodes de collecte et de recyclage des textiles s’avèrent plus complexes à aborder. Certaines délégations privilégient l’option conteneurs, d’autres l’apport volontaire de vêtements qui présente l’avantage d’être souvent de meilleure qualité. « Nous avons abandonné les conteneurs, explique ainsi la trésorière de la délégation du Loiret, car nous avions trop de textile de mauvaise qualité, et trop de volume : il est difficile de trouver autant de bénévoles pour effectuer le vidage des conteneurs et le tri. »

Dans le Bas-Rhin, la délégation a choisi de faire appel à deux sociétés, l’une pour le vidage des conteneurs, l’autre pour le recyclage des déchets, c’est-à-dire des textiles inutilisables en boutique, « cela évite de tout mettre en déchetterie, explique son représentant, et l’entreprise nous verse 16 centimes par tonne récoltée, cela fait un apport intéressant. » Si le choix des méthodes de collecte est laissé libre à chacune des délégations, Hervé Lebiez, directeur de Eco-TLC, organisme chargé d’aider à la récupération et à la valorisation des textiles, tient à rappeler que « si la tonne de textile vaut aujourd’hui 15 centimes, il y a trois ans, elle en valait zéro. Le textile est soumis à une fluctuation de ses cours, il n’est donc pas forcément intéressant de miser sur le volume pour la Croix-Rouge. »

Par ailleurs, il souligne «l’attention de plus en plus grande portée par les collectivités au mobilier urbain », qui peut remettre en cause la disposition de conteneurs. Solution possible pour pallier à ce problème : mutualiser l’action au niveau régional pour louer un espace de stockage commun et proposer une action à la fois en direction des collectivités mais aussi des collecteurs et des opérateurs de recyclage. C’est l’option partiellement retenue par les délégations des Bouches-du-Rhône et de la région Nord Ouest. Pascal Charcosset rappelle aussi « qu’il ne faut pas oublier que la force de la Croix-Rouge, c’est la présence et le contact humain et que ceux-ci sont moins présents avec les conteneurs. Le conteneur de proximité, à côté de la délégation, peut être une option intéressante », ajoute-t-il.

Certains restent bien loin de ces enjeux économiques, cependant. « C’est bien les délégations qui font des chiffres d’affaire de 50 000, 70 000 Euros, souligne le représentant de la délégation de Mulhouse, mais je rappelle que, dans ma ville, la moitié de la population n’est pas imposable. Nous avons beaucoup de bénéficiaires... et peu de dons. En janvier, je ne sais même pas si j’aurais encore quelque chose à vendre dans la vestiboutique ! »Claude Frégeac, responsable des dons en nature au siège de la Croix-Rouge, en profite pour rappeler à tous l’existence du catalogue national des dons dans lequel les délégations peuvent puiser en cas de besoin : « Depuis deux ans, nous avons intensifié notre collecte, souligne-t-il, nous avons aujourd’hui un stock de marchandises qui représente une valeur marchande de 27 millions d’Euros, dont 42 % de textile. Vous recevez régulièrement le catalogue par mail, pensez à le consulter ! » Si ce catalogue des dons peut permettre de pallier certains manques, « ce ne peut être la seule solution», reconnaît Didier Piard avant de conclure la journée sur la nécessité de réfléchir aux questions de mutualisation des moyens, mais aussi à celles de la solidarité entre délégations : « C’est important de savoir qu’on n’est pas seuls ! Organisez des rencontres départementales et interdépartementales et pensez à nommer des référents textiles, explique-t-il. Il y a des ponts à créer entre vous, le réseau est là, et on peut commencer à penser de manière plus cohérente l’activité. »

Rendez-vous est pris pour faire le bilan lors de la prochaine « Journée Textile » qui est destinée à devenir un événement régulier.

* Bilan partiel de l’enquête lancée en mai 2010. Résultats extrapolés à partir des réponses de 51% des délégations.