La solidarité : Grande oubliée de la campagne présidentielle
Publié le 19 avril 2017
Tribune de Jean-Jacques Eledjam, Président de la Croix-Rouge française.
Les débats électoraux se suivent et se ressemblent … Face aux grands enjeux économiques et au climat d’insécurité qui bouleversent notre pays, force est de constater que la lutte contre la pauvreté et la grande exclusion, l’aide aux plus démunis et le soutien aux plus fragiles sont les grands oubliés de cette campagne présidentielle.
Ne juge-t-on pourtant pas une société à la manière dont elle accompagne celles et ceux qu’elle laisse parfois au bord du chemin ? Nos dirigeants n’ont-ils pas à cœur de porter une vision de notre société qui fait sens, bienveillante et humaine ?
Pourtant, aucun des 11 candidats à la magistrature suprême ne défend une vision innovante et aboutie de la solidarité, ni ne propose les moyens nécessaires à une politique sociale efficace.
Or l’urgence sociale n’a jamais été aussi pressante.
Notre pays se remet à peine d’une crise économique et sociale d’une ampleur sans précédent depuis les années 30. Avec la montée des inégalités, la cohésion sociale est fragilisée. Avec l’afflux de milliers de réfugiés et la guerre qui fait rage au Moyen-Orient, l’Europe est confrontée à la pire crise humanitaire depuis des décennies.
La dégradation de la situation économique a aggravé la précarité et l’exclusion dans une société plus individualiste. Les inégalités s’accroissent et prennent des formes multiples: territoriales, sanitaires, éducatives, numériques, dans l’accès au logement et à l’emploi. Les jeunes, les familles monoparentales, les personnes âgées sont particulièrement fragiles.
La solidarité est plus que jamais indispensable et ces nouvelles formes de précarité méritent de réinventer les actions de solidarité : la Croix-Rouge française s’y attèle chaque jour !
Parce que oui, à la Croix-Rouge française, nous sommes des urgentistes. Oui, on nous attend et nous répondons présents à chaque catastrophe, lors de chaque épisode dramatique que vivent nos concitoyens. En France, et partout dans le monde, fort du Mouvement international qui est le nôtre. Oui nous sommes des urgentistes… mais pas seulement.
Depuis plus de 150 ans, la Croix-Rouge française accueille et accompagne les plus fragiles. En amont, pendant et après des épisodes de vulnérabilités, quelles qu’elles soient, nous sommes aux côtés des populations pour les aider à se préparer, à affronter et à se reconstruire sur un modèle durable.
Humanité, volontariat, universalité, indépendance, neutralité, impartialité, unité sont les valeurs inhérentes à notre précieuse institution mais la Croix-Rouge française va au delà en portant une vision singulière de la société telle qu’elle devrait être.
Cette vision, la Croix-Rouge française entend bien la défendre et la promouvoir !
Une vision selon laquelle la pauvreté, l’exclusion, la maladie, ces maux dont souffrent nombre de nos concitoyens, ne peuvent être résolus que collectivement. Parce qu’ils relèvent d’une responsabilité partagée et que chacun est en mesure d’apporter une partie de la réponse attendue.
Une vision qui invite les pouvoirs publics (Etat, collectivités locales), les entreprises, les associations et bien sur les citoyens eux-mêmes à mutualiser leurs efforts et leurs énergies au profit d’un monde plus juste et bienveillant.
Une vision qui tend à considérer la personne en situation de vulnérabilité, non comme un bénéficiaire, mais comme un acteur.
Une vision enfin qui porte l’engagement citoyen comme le fer de lance d’une action efficace et humaine valorisant l’engagement libre et volontaire.
La Croix-Rouge française a de multiples visages, elle intervient sur de nombreux fronts avec ses 60 000 bénévoles constamment sur le terrain. 150 ans d’histoire, d’engagement, d’innovation, d’expérience, nous ont appris que même dans nos actions quotidiennes, seuls nous sommes démunis. Parce que c’est ensemble, en unissant nos différences et nos complémentarités, que nous avancerons.
Cher(e)s candidat(e)s, vous aspirez à présider la France lors des cinq prochaines années. Cette responsabilité vous honore autant qu’elle vous engage.
Aurez-vous la volonté, serez-vous en capacité de créer les conditions favorables pour engager notre société dans un avenir plus solidaire, moins cloisonné et excluant. Vous donnerez-vous, nous donnerez-vous, les moyens de nos ambitions ? Etes-vous prêts à relever ce défi et inscrire la solidarité au cœur de votre projet pour la France ?
Il n’est pas trop tard…
Tribune parue, le 19 avril 2017, sur www.huffingtonpost.fr