Manifeste pour l’inclusion bancaire en France
Publié le 7 décembre 2011
Le professeur Jean-François Mattei, président de la Croix-Rouge française, Patrick Kanner, président de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS) et François Soulage, président du Secours Catholique, ont présenté conjointement, mercredi 7 décembre à Paris, le Manifeste pour l’inclusion bancaire en France des populations fragiles. Objectifs : rendre visible le phénomène, pointer les besoins en termes de politiques publiques, le manque de moyens privés, proposer, enfin, des solutions concrètes.
« La vocation de la Croix-Rouge est de lutter contre les facteurs majeurs d’exclusion et de faire évoluer les pratiques. C’est pourquoi nous nous engageons aujourd’hui avec la publication de ce manifeste. » C’est en ces termes que le Professeur Jean-François Mattei a rappelé la volonté de la Croix-Rouge française de se mobiliser pour les causes justes, malgré sa tradition certaine de neutralité.Et c’est peu dire qu’avec plus de 5 millions de personnes victimes d’exclusion bancaire, le phénomène n’est pas à ignorer. Accès refusé à un guichet ou à un conseiller personnel, mauvais fonctionnement du compte et des moyens de paiement entraînant des frais d’incident en cascade ou encore incompréhension des modalités des crédits renouvelables… Autant de difficultés qui touchent tout autant des bénéficiaires de minima sociaux, des chômeurs, des travailleurs pauvres ou des ménages issus de la classe moyenne confrontés au malendettement.
Globalement, toute personne dans une situation déjà précaire ou fragile est concernée par le risque d’exclusion bancaire, qui peut faire basculer certaines d’entre elles dans une précarité plus grande encore.
Des conséquences sociales graves
Si l’exclusion bancaire n’est pas généralement le premier sujet qui interpelle – on parle d’abord des problèmes d’alimentation ou de logement - elle a néanmoins des conséquences sociales préoccupantes pour les personnes touchées.Le professeur Mattei a rappelé que ce phénomène «est en premier lieu une privation dans la vie quotidienne, une diminution du ‘reste à vivre’ - peut-on accepter qu’un bénéficiaire du RSA percevant une indemnité de 400 euros par mois soit contraint de payer jusqu’à une centaine d’euros de frais bancaires mensuels ? C’est également un renoncement : comment des personnes cherchant à s’en sortir peuvent-elles faire des projets sur le long terme, liés à la mobilité, la formation ou la santé, sans avoir accès au crédit ?Cette exclusion bancaire entraîne également le « malendettement », quand le seul choix est d’avoir recours à des crédits renouvelables à taux trop élevés.Enfin, elle provoque le mal-être personnel et familial des ruptures, des tensions, voire des actes extrêmes… Des conséquences qui aggravent incontestablement la spirale de l’exclusion sociale».
Autant de répercussions inquiétantes qui ont donc conduit les auteurs de ce Manifeste à s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour endiguer le phénomène, constatant que les politiques publiques ne sont pas suffisamment vigilantes sur cette question de société et que les moyens privés sont insuffisants.
Un problème contre lequel on peut agir
Sans nier que des efforts ont été consentis pour lutter contre l’exclusion bancaire au cours de ces dernières années - telle la loi sur le crédit à la consommation et sur le surendettement de 2010 - force est de constater que les lois en vigueur ne répondent que partiellement au problème.«Les lois se sont focalisées sur l’accès au crédit, a précisé François Soulage, président du Secours Catholique, alors que toute la question repose sur la prévention des risques : de manière générale, peu d’efforts ont été consentis en terme d’éducation, d’accompagnement ou de prévention. » « Les réponses à l’exclusion bancaire ne sauraient reposer uniquement sur l’amélioration des conditions d’accès aux produits et services bancaires », indiquent ainsi les auteurs du Manifeste. «
Pour favoriser l’inclusion bancaire des personnes vulnérables et fragilisées, deux dynamiques d’actions parallèles doivent être impulsées : rapprocher à la fois les banques des populations fragiles et les populations fragiles des banques », a précisé le président de la Croix-Rouge française, évoquant « l’illettrisme de l’argent » qui touche certaines personnes. Les auteurs du Manifeste, désireux d’établir ou de poursuivre le dialogue avec l’ensemble des acteurs publics ou privés autour de cette question de société, proposent aujourd’hui des solutions concrètes via la mise en œuvre d’un dispositif d’observation, de certification et d’incitation des établissements bancaires à faire évoluer leurs pratiques.
Les trois réseaux préconisent en outre de renforcer l’accompagnement budgétaire des populations fragiles, en mettant l’accent sur la prévention : identifier les difficultés le plus tôt possible permet généralement d’éviter le pire. « Ce Manifeste est un manifeste d’interpellation, a rappelé Patrick Kanner, président de l’UNCCAS. L’objectif est bien la construction d’un autre modèle avec les partenaires bancaires qui considèrent que la pauvreté n’est pas une fatalité. » « Nous nous sommes emparés de cette question, l’avons portée dans le débat public et souhaitons associer toutes les personnes concernées, a ajouté le Professeur Jean-François Mattei. Il ne s’agit pas de proposer des solutions ficelées mais d’inviter tous ceux qui sont impliqués à prendre leurs responsabilités, eu égard à l’ampleur du problème. »