Quand le jardinage participe aux soins
Publié le 3 novembre 2016
Les 14, 15 et 16 octobre dernier, le Centre de Médecine Physique et de Réadaptation pour Enfants (CMPRE) de Bois Larris était présent et partie prenante des « Journées des plantes de Chantilly », un événement de référence dans le monde du jardin. Depuis six ans, cet établissement de santé propose à ses jeunes patients un atelier « Autour du jardin » ; un outil pédagogique intégré au parcours de soins.
Durant ces trois journées, le parc du Domaine de Chantilly a pris des allures de pépinière. Ce grand jardin éphémère a réuni 250 exposants et parmi eux, à l’entrée du parc, le stand du Centre de Médecine Physique et de Réadaptation pour Enfants de Bois Larris, emplacement offert par la Fondation du Domaine de Chantilly. Une opportunité pour faire connaître et valoriser les initiatives de cet établissement de santé, et plus particulièrement le projet « Autour du jardin », activement soutenu par le Rotary Club de Chantilly.
Un projet pédagogique et de soins
Le CMPRE de Bois Larris prend en charge une centaine d’enfants et d’adolescents, atteints de pathologies de type locomoteur et/ou neurologique, en hospitalisation à temps complet ou en hospitalisation de jour. Durant leur séjour, plus au moins long, les patients bénéficient d’un enseignement scolaire, ce centre de rééducation étant lié par convention à l’Education nationale, six enseignants sont mis à disposition.
Cet établissement de la Croix-Rouge française, propose aux enfants une prise en charge globale et pluridisciplinaire. Dans le cadre des pathologies de type neurologique, il n’existe aucune barrière entre le projet de soins et la scolarité, bien au contraire. C’est ainsi, qu’est né le projet « Autour du jardin » en 2009/2010, initié par l’unité d’enseignement du CMPRE. Ce projet a pris racine sous forme de jardins situés au sein de l’école de l’établissement. Il est destiné notamment aux enfants de 5 à 11 ans qui souffrent de troubles spécifiques des apprentissages, communément appelés les « troubles Dys » pour dyslexie, dysphasie, dysorthographie ou encore dyspraxie.
Pour ces enfants, la maladie et/ou le handicap n’est pas visible, la société n’a, par conséquent, pas la même bienveillance qu’avec les pathologies de l’appareil locomoteur.
« Les enfants que nous accueillons sont en situation d’échec en milieu ordinaire car ils ont du mal à apprendre à écrire, parler, compter ou bien à se concentrer du fait de leurs troubles cognitifs. Ce projet « Autour du jardin » avait donc pour but premier de leur redonner confiance en eux et de leur faire acquérir un statut d’apprenant », explique Leila Izerghouf, coordinatrice pédagogique du CMPRE de Bois Larris. Un pari relevé notamment pour Pierre, 10 ans : « On apprend beaucoup de choses durant cet atelier. Comme par exemple, avant je ne savais pas planter des fraises -mon grand-père ne voulait jamais m’apprendre- alors que maintenant je sais planter des fraisiers. Et pour les tomates - pour faire bien tenir les tomates- maintenant, je sais qu’il faut mettre des bâtons. »
…mais pas seulement
Depuis six ans, une trentaine d’élèves de grande section de maternelle au CM2 s’initie au travail de la terre : il sème, cultive, récolte et mange leur production. Mais plus qu’un support pédagogique, cet atelier est motivationnel, il permet de sortir le savoir de la théorie, comme nous l’explique Leila Izerghouf : « notre projet n’est pas occupationnel, il répond à des besoins pédagogiques particuliers et propres à chacun en lien avec leurs difficultés. A travers le travail du jardin, nos élèves intègrent, sans s’en rendre compte, certains apprentissages que ce soient la lecture, les mathématiques ou encore les sciences et, plus globalement, une meilleure culture générale.
Ainsi pour planter, il faut lire les notices d’utilisation des graines, il faut mesurer les plantations ou encore calculer la pluviométrie. On travaille également avec la saisonnalité, c’est important d’apprendre la patience car la nature prend son temps. Il permet ainsi d’accéder à des exigences scolaires et d’intégrer des règles sociales car ces enfants face à l’échec ont tendance à s’isoler. »
Et un enfant mieux dans sa tête, c’est aussi un patient plus enclin à se mobiliser pour se soigner. L’équipe médicale et paramédicale est convaincue des bienfaits de la mise en place de ce projet « Autour du jardin », comme en témoigne Laurence Borie, orthophoniste au CMPRE : « Ce projet fait appel au processus multisensoriel de la mémorisation (vue, toucher, ouïe, odorat, goût) et à la mémoire kinesthésique, il multiplie les modalités de mémorisation et c’est bénéfique pour ces enfants. »
Une analyse partagée par le Docteur Aurélie Lucet, médecin chef du CMPRE de Bois Larris, qui a vu la différence entre le avant et le après : « Parfois, nos petits patients deviennent des champions de la rééducation mais ils ont du mal à transposer ces progrès dans la vie quotidienne. Cet atelier permet ainsi une mise en situation écologique de ce qui est appris en rééducation et de confirmer une acquisition durable de ces progrès. Ils ont ainsi une vision plus concrète de ce que leur apporte la rééducation.»
Nathalie Auphant