Reportage à la Fondation Chiris de Grasse
Publié le 22 mars 2007
"C’est une maison bleue, accrochée à la colline…" L’histoire de la Fondation Emilie Chiris, à Grasse (Alpes-Maritimes), aurait bien pu, elle aussi, inspirer une chanson. Cette maison d’enfants à caractère social, bâtie sur les flancs des pré-Alpes, accueille une trentaine de jeunes en placement administratif ou judiciaire. Si "foyer" est le terme consacré pour désigner ce type de structure, il faut bel et bien parler ici de maison.Cette ancienne demeure d’une riche famille grassoise de parfumeurs du XIXème siècle – les Chiris – accueille depuis 1977 des enfants et adolescents placés pour quelques mois ou plusieurs années. Un père en détention, une mère en proie à des problèmes d’alcool ou de drogue, un contexte de violence familiale… les jeunes pensionnaires du lieu (les plus petits ont 3 ans) ont en commun une enfance douloureuse.L’équipe d’éducateurs, autour de Richard Joy, le directeur, de Françoise Tardy, la psychologue et de Pascal Lémir, le chef de service, s’attache à leur recréer un univers bienveillant.
Raviver les feux de l’enfance
La configuration des lieux contribue au bien-être des enfants : une superbe vue sur la vallée, un terrain de deux hectares pour "respirer", deux salles à manger au caractère familial dont seuls les extincteurs indiquent le caractère collectif du lieu, un seul étage abritant des chambres individuelles ou à deux lits, joliment décorées par Thérèse, lingère et confidente des plus petits… Tout rappelle l’univers familial.La vie en collectivité est rythmée par des règles, strictes sans être rigides. Les enfants font ici l’apprentissage tant de la liberté que des responsabilités. A partir de 15 ans, plus autonomes, ils sont hébergés dans un petit mas annexe puis, éventuellement, dans un studio en ville pour leur permettre de réaliser un projet professionnel."La mixité volontaire des parties communes permet d’être dans la vie normale", souligne Pascal Lemir. Tous les enfants, ici, sont scolarisés. Certains participent à des activités sportives extra-scolaires. "C’est important, explique Guillaume, un éducateur, qu’ils sortent de la structure et participent à des activités contribuant à les socialiser". En effet, les violences qu’ils ont pu subir peuvent les inciter à se replier sur eux-mêmes, par crainte d’affronter le monde des adultes.
Retisser du lien
Chaque professionnel de la Fondation, par l’attention portée aux enfants, participe à leur reconstruction. Françoise Tardy les aide à mettre en mots leur souffrance. "Ils vivent parfois le placement comme une punition. Il faut alors les déculpabiliser et les apaiser. Quelles que soient les causes du placement, les enfants restent attachés à leurs parents". Les dessins qui ornent les murs de son bureau témoignent parfois de fortes carences affectives.Au centre de Grasse, un "espace familial" permet de restaurer des liens familiaux. La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale a profondément modifié la relation entre les professionnels et les familles, qui auparavant, étaient écartées du processus de reconstruction : "elles deviennent acteur du placement", précise Pascal Lémir. Enfants et parents se retrouvent alors durant quelques heures dans un appartement rénové, en présence d’éducateurs.
Ce travail d’équipe permet aux éducateurs d’avoir la bonne distance avec les enfants. Ils ne doivent pas se substituer aux parents. "Il faut donner le meilleur de soi sans trop s’attacher" précise Nassima. Pas facile quand un enfant en quête d’affection vous dit : "j’aimerais bien que tu sois ma mère"…