Entre Lille et Dunkerque, les 152 petits mètres du Mont-noir lui suffisent à dominer les plaines de la Flandre et à offrir un cadre naturel privilégié aux enfants et adultes handicapés accueillis ici. Sur la petite commune de Saint-Jans-Cappel, une propriété de la Croix-Rouge française baignée dans la verdure, y regroupe l’institut médico-éducatif (IME) « La Sapinière » et un foyer de vie, « Les résidences du coin du loup ».

L’IME reçoit des enfants et adolescents de 5 à 20 ans présentant une déficience intellectuelle moyenne à profonde, souvent liée à des troubles autistiques ou ce qu’on appelle plus largement des troubles envahissants du développement. Les 44 enfants ont pour certains à peine accès au langage et présentent des stéréotypies (mouvements répétitifs incontrôlés), des rituels, des troubles régressifs, des troubles alimentaires. Ils sont parfois capables d’une grande violence envers eux ou envers les autres. Ils ont donc besoin et méritent, plus que tout autre, d’un environnement protecteur, d’une attention chaleureuse, d’un accompagnement où l’humanité est le maître-mot.

Ici, « on élabore un projet individualisé pour chaque jeune, en fonction de ses compétences et de ses besoins », explique Marie-Angèle Baffin, chef de service éducatif à l’IME. Au programme, donc, l’enseignement, avec deux professeurs des écoles détachés de l’Education nationale, qui accueillent les enfants en petits groupes de niveau, jamais plus de 4 ou 5, et avec l’appui d’un éducateur spécialisé. Les enfants profitent également d’activités « TIMI » (Travail individuel, motricité, interaction) : activités d’éveil, d’objets ou de situations du quotidien. Encadrés par des éducateurs et des moniteurs, ils s’appliquent à fixer leur regard, leur attention, à manipuler, ranger, pour gagner en autonomie. Alternent aussi des activités sensorielles (Snoezelen*, musique, relaxation, jardin des senteurs…), des sportives, artistiques, loisirs et sorties.

Sur le plan thérapeutique, en plus des séances de kinésithérapie, d’orthophonie, de psychomotricité et de psychothérapie, les enfants peuvent compter sur trois partenaires à quatre pattes : Fanny, Ulan et Tintin, les chevaux et poneys du centre. « Les animaux permettent de diminuer les angoisses, de travailler la communication et constituent des renforçateurs », explique Anne, l’équithérapeute.

Renforçateurs ? C’est qu’à l’IME, les apprentissages sont guidés par la méthode ABA, une approche comportementale qui s’appuie sur le renforcement, c’est-à-dire que chaque bonneréponse ou action réussie est suivie d’une récompense (un bonbon, un bravo, une activité ludique) qui permet de « renforcer » cet apprentissage. En termes d’outils de communication, un matériel varié est utilisé pour multiplier les interfaces d’échange avec les enfants : objets, affiches et classeurs remplis d’images et de pictogrammes permettent de créer les associations mot-image-objet. Enseignants et éducateurs font aussi appel au langage signé. Tout est mis en œuvre pour communiquer par-delà le langage, écrit ou parlé.

Autre élément cher à l’approche de l’IME : « L’enfant est au centre de notre projet, mais le projet n’a de sens qu’avec la famille : les parents, comme les frères et sœurs. Nous rencontrons les familles autant que nécessaire et nous leur rendons visite à domicile, pour les aider dans certaines tâches (toilette, repas) parfois difficiles à gérer », tient à ajouter Muriel Deresme, la directrice du pôle.

Quelques mètres au-dessus du bâtiment de l’IME, on trouve le Foyer de Vie-Foyer d’accueil médicalisé (FAM). 35 adultes handicapés vivent ici, la plupart en hébergement complet. Le foyer est découpé en petites unités de vie chaleureuses et familiales, où chacun dispose de sa chambre personnalisée. Florence, Malika ou Michel sont fiers de nous faire visiter leurs pénates : posters d’un chanteur fétiche pour l’un, oiseaux et papillons peints au pochoir pour l’autre…

L’expression des résidents est favorisée dans tous les domaines. Les activités sont au choix (de la poterie à l’aérobic en passant par l’art floral ou le soin des animaux), les « corvées » aussi : chacun doit mettre la main à la pâte pour entretenir et animer le foyer, « comme à la maison », et en fonction de ses aspirations et de ses capacités : préparation des repas, vaisselle, ménage, etc. Deux ombres au tableau. « Faute de place en structures adultes, 11 jeunes de 20 ans restent à l’IME, le plus âgé a 27 ans ; ce sont autant de jeunes enfants que nous ne pouvons pas accueillir, se désole Muriel Deresme. Pourtant, nous nous devons de prendre en charge la détresse des familles ». Autre souci : les bâtiments anciens et vétustes présentent des problèmes liés à l’accessibilité. Des projets de réhabilitation de l’IME et d’extension du Foyer-FAM sont à l’étude.

* dispositif de stimulation multisensoriel (musique relaxante, matelas à eau, effets lumineux, odeurs…) permettant d’éveiller la sensorialité d’une personne et de réduire les tensions.

Valérie Devillaine