Une journée pour le Droit International Humanitaire
Publié le 4 avril 2012
C'était l'occasion idéale pour sensibiliser les participants à l’importance et à l’utilité du DIH, l’une des missions fondamentales du Mouvement Croix-Rouge et Croissant-Rouge.
« La Croix-Rouge de Belgique organise ce type de manifestation depuis plusieurs années, explique Caroline Brandao, responsable de la diffusion du DIH à la Croix-Rouge française. Nous avions pour habitude d’y envoyer des plaideurs, et ils n’étaient pas mauvais ! L’idée est donc née d’organiser en France un événement similaire pour promouvoir le DIH. » C’est donc au sein de l’Ecole militaire, à Paris, qu’a eu lieu cette journée.
Dans un premier temps, un quiz sur le DIH et les valeurs du Mouvement Croix-Rouge et Croissant-Rouge a été organisé, faisant s’affronter 14 équipes de 3 personnes, suivi d’un procès simulé qui s’adressait aux étudiants d’universités et d’écoles de guerre en Master 1 et 2 en droit, criminologie, sciences politiques et relations internationales.
Ce concours s’est articulé autour d’un cas pratique fictif mettant en scène un conflit armé au cours duquel des violations du DIH ont été commises. Sur le banc des accusés : Alban Doufaki, fils du président de la Kustanasie (pays fictif où se déroulent les faits), ministre de l’Intérieur et chef des Armées. Il est soupçonné d’avoir commis ces exactions lors du conflit qui opposait les deux principales ethnies du pays.
Une fois le cadre posé, 3 joutes oratoires se sont succédées. Neuf équipes de 2 étudiants se sont exprimées, portant la robe noire et sur un ton solennel, face à un jury composé d’experts en Droit International Humanitaire.
L’art de la plaidoirie
Dans le grand amphithéâtre Foch de l’Ecole militaire (mis gracieusement à la disposition de la Croix-Rouge française), le calme se fait : mesdames et messieurs, membres du jury – au nombre de 6 – prennent place à la table qui fait face au public. Membres de la Cour pénale internationale, avocats ou professeurs de droit international, tous ont accepté de participer bénévolement à cette journée afin de promouvoir cette matière auprès des jeunes et des étudiants en particulier, et ce d’une manière ludique et originale.
Les plaidoiries peuvent commencer, chaque équipe assumant le rôle de procureur, celui d’avocat des victimes ou de la défense. « L’accusé est prié d’adopter un autre comportement face à la Cour », assène le Président du Jury, alors que les joutes oratoires sont sur le point de commencer. L’accusé, costume blanc et lunettes noires, ne semble pas prendre les charges qui pèsent sur lui au sérieux, et fait des clins d’œil à l’assistance.A ses côtés, ses avocats, en verve, font de leur mieux pour démontrer son innocence : « Alban Doufaki n’est absolument pas coupable de crime contre l’humanité, et nous allons le démontrer point par point. Il ’a jamais incité ses militants à s’en prendre aux membres de l’ethnie Dzuliea », avancent-ils.
Du côté du bureau du procureur, le son de cloche est différent : « la Kustanasie est signataire de nombreux traités sur les Droits de l’Homme et pourtant elle les bafoue ! En n’ayant pas protégé une partie des citoyens dont il a la responsabilité, Monsieur Doufaki a commis un crime ! ». Tous, dans le rôle qui est le leur, vont tenter d’accuser ou d’innocenter le suspect, de convaincre la Cour du bien fondé de leurs arguments, ce qui ne fût pas toujours chose facile.
Et l’ambiance est réellement formelle : qui dit concours, dit prix à remporter, et ceux-ci en valent la peine : un stage de six mois au Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie (TPIY) pour l’équipe qui a obtenu le Prix des meilleures conclusions ; un cours de DIH d’une semaine au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Genève pour le duo ayant obtenu le Prix de la meilleure plaidoirie ; un stage de trois mois au bureau DIH de la Croix-Rouge française pour le vainqueur du prix d’éloquence, et, enfin, un lot d’ouvrages sur le DIH pour l’équipe ayant obtenu le Prix du public.
« Ce type de concours est idéal pour permettre aux étudiants de découvrir la matière, précise Maître Cyril Laucci, conseiller juridique auprès du greffe de la Cour pénale internationale et président du jury dans ce procès fictif. Les équipes étaient de grande qualité, et j’espère que même ceux qui n’ont pas gagné de prix auront gagné un appétit pour le DIH. C’est précisément quand on ne gagne pas que l’on repart avec un esprit de revanche qui donne envie de s’accrocher vraiment au sujet ! »
Nouvelles perspectives
Certains participants ont été récompensés par un prix, d’autres pas, mais tous ont largement contribué à la réussite de cette journée. Jean-François Akandji-Kombe, professeur à l’Ecole de Droit de la Sorbonne et doyen honoraire de la Faculté de Droit de Caen, souligne en effet l’importance de sensibiliser les jeunes à la question humanitaire, et ce de manière pédagogique.
« Les délibérations du jury ont été extrêmement intéressantes, ajoute-t-il. Nos débats et les opinions divergentes des membres du jury étaient le reflet du grand intérêt de cette journée et de la qualité des prestations. » Et ce type de concours peut également offrir de nouvelles perspectives aux futurs professionnels qui y participent, tant grâce au travail fourni pour participer que grâce aux rencontres faites sur place. Gabrielle Delplanque, étudiante en Master 2 à l’Université d’Aix-en-Provence, a obtenu le Prix de l’éloquence. « Je compte passer le concours du Barreau au mois de septembre prochain et l’obtention de ce prix aujourd’hui m’invite à poursuivre dans cette voie, confie-t-elle. De plus, j’ai eu l’occasion de discuter avec des professionnels aguerris, ce qui est toujours très intéressant pour nous, étudiants. »
Pour Maître Cyril Laucci également, les concours sont une porte d’entrée intéressante dans une carrière professionnelle : « cette découverte de la matière peut avoir beaucoup d’impact, explique-t-il. Je suis un ancien du concours Pictet (1) et je ne ferais pas le métier qui est le mien aujourd’hui si je n’avais pas participé à ce concours lorsque j’étais étudiant en Droit ».
Arthur Langoüet et Kelly Gillet, gagnants du Prix de la meilleure plaidoirie et étudiants à l’Université Lyon III, abondent en ce sens. S’ils estiment que faire carrière dans le DIH est aujourd’hui difficile pour de jeunes juristes, ce Prix les encourage tous deux à poursuivre vers une carrière d’avocats et à participer à d’autres concours. « C’est très instructif et cela nous permet de nous mettre en situation ! », précisent-ils.
En participant au procès simulé organisé par la Croix-Rouge française, les étudiants se sont par ailleurs familiarisés avec le fonctionnement d’une Cour et avec le monde judiciaire, avec l’art de la plaidoirie et avec les techniques de rédaction des documents judiciaires. Cet évènement sera sans doute renouvelé l’année prochaine, peut-être même avec d’autres universités étrangères de la francophonie.
(1) Le concours Jean Pictet est une formation en DIH d’une semaine destinée. Il consiste à « faire sortir le droit des livres » par des simulations et des jeux de rôles permettant au jury du concours d’évaluer les connaissances théoriques et pratiques du DIH des étudiants.