La halte répit Alzheimer de la Croix-Rouge française, à Châlons-en-Champagne (Marne), est un centre unique en son genre : cette permanence ouvre ses portes deux après-midi par semaine à une dizaine de malades d’Alzheimer. L’objectif de la structure, fondée voici deux ans, est certes d’entourer les malades, mais surtout de permettre aux familles de respirer, ne serait-ce que quelques heures, et d’avoir du temps pour elles. Un moment de répit dans l’accompagnement permanent de la pathologie.

Dès l’entrée, le ton est donné. Grands-mères pétulantes attablées autour d’un café, bénévoles préparant un gâteau pour le goûter… La halte répit Alzheimer vise avant tout à faire partager un moment de convivialité. La permanence accueille onze personnes, deux fois par semaine, à raison de cinq personnes par après-midi.

Cette structure est la seul à assurer ce type de prise en charge ponctuelle, à la fois au sein de la Croix-Rouge française et à l’échelle de la région (la délégation locale d’Epernay a repris le concept et ouvert sa propre halte répit depuis). Il n’existe dans le département que des placements définitifs pour les malades ou des accueils en structures médicalisées. La halte répit a au contraire vocation à accueillir les malades comme des personnes avant tout, à les aider à retrouver certains gestes, certaines sensations, de façon ludique. Et surtout permettre aux familles de souffler, de profiter de quelques heures de liberté. De vivre pour soi et non à travers l’autre.

Quand il n’y a pas de réponse à la souffrance…

Elisa Schajer, la présidente de la délégation locale de Châlons-en- Champagne a monté ce projet voici trois ans, après une conférence sur la maladie d’Alzheimer. Des accompagnants (conjoints ou enfants de personnes atteintes de la maladie) racontaient leur souffrance, cette charge très dure qu’est la vie avec un malade car l’accompagnement doit être permanent.

"J’ai vu à la télévision un reportage sur un centre de ce type installé dans le sud et j’ai eu envie de faire la même chose. Cela ne demande pas beaucoup de moyens. Les familles n’en peuvent plus, elles ont besoin d’être tranquilles quelques heures. Elles souffrent et rien n’est fait pour leurs proches, hormis les accueils médicalisés. Quand il n’y a pas de réponse à la souffrance, la Croix-Rouge doit s’en occuper."

D’autant plus que la demande est là : Elisa Schajer estime à environ 600 personnes le nombre de malades dans la commune et son agglomération. Un an plus tard, en 2005, le projet était réalisé, avec l’aide d’associations et de l’école d’infirmières locale.

La halte répit obéit à un principe simple : un soigné, un soignant, afin d’accorder aux premiers toute l’attention qu’ils demandent. Les activités sont choisies de façon à faire retrouver aux "accueillis" (selon l’euphémisme en vigueur au sein de la halte), des gestes de tous les jours, des automatismes oubliés, qui correspondent aux goûts de chacun. Les loisirs proposés sont d’ailleurs déterminés après un entretien avec chaque famille. "Notre objectif n’est pas de soigner mais de faire passer un après-midi agréable aux personnes et surtout de décharger les familles", martèle la présidente. Lucette, bénévole depuis un an, confirme : "On est là pour leur apporter de l’amour, s’occuper d’eux, être à leur écoute."

L’après-midi commence par la confection d’un gâteau, de manière à faire éplucher un fruit, remuer, mélanger une préparation, aux soignés. Puis vient la promenade, une séance de jardinage ou de jeux. Favori de ces messieurs-dames, les triodominos, un sorte de condensé de dominos et de loto, qui permet de faire travailler la mémoire tout en conservant un côté ludique. Le tout dans une ambiance qui fleure bon le thé dansant : Simone, aux faux-airs de môme Piaf avec sa voix rauque et son visage frêle, reprend à tue-tête "Marinella" de Tino Rossi, suivie par le reste du groupe.

Cet après-midi, les "accueillis" sont cinq - quatre femmes et un homme -, tous l’air éveillé, intelligent. Impossible de deviner leur maladie si l’on n’est pas au courant. Roger, toujours l’allure du chef d’entreprise qu’il était autrefois, précise qu’il vient "pour la mémoire si l’on veut mais surtout pour l’ambiance. On est en bonne compagnie !". Le groupe affiche d’ailleurs une belle unité et refuse de se séparer.

 17 heures, la halte répit doit néanmoins fermer ses portes. Claudine vient chercher Rolande, sa belle-mère. La jeune femme se dit soulagée depuis l’existence de la halte répit. Elle a ainsi la possibilité de faire ses courses notamment et d’autres activités. "Ces instants de liberté sont précieux pour moi et puis cela fait du bien à ma belle-mère de voir d’autres personnes que mon mari et moi." Les deux femmes s’éloignent. Rolande quitte à regret la halte et ses amis.

Agnès NOEL