Samuel Carvou est ergothérapeute.Il est à l’initiative d’un projet innovant qui permettra de mieux accompagner les personnes vivant avec des difficultés cognitives, et leur famille.

Samuel Carvou est ergothérapeute au sein de l’Equipe spécialisée Alzheimer (ESA) Croix-Rouge de Marines, dans le Val-d’Oise. Il est à l’initiative d’un projet innovant qui permettra de mieux accompagner les personnes vivant avec des difficultés cognitives, et leur famille. A travers ce nouveau dispositif, il prône une société plus accueillante et facilitante pour les personnes âgées.

En quoi consiste votre métier d’ergothérapeute ?

L’ESA dans laquelle j’interviens dépend d’un Service de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Aujourd’hui, beaucoup de personnes âgées atteintes de maladies neurodégénératives sont confrontées à des troubles cognitifs qui impactent leur autonomie et ont des conséquences sur leur vie quotidienne. L’entourage est souvent désemparé, mal informé, peu voire pas orienté. Mon travail consiste à intervenir au domicile de la personne pour évaluer sa situation, ses besoins et ceux de sa famille. Ensemble, nous déterminons des objectifs liés au maintien de son autonomie qui sont ensuite mis en œuvre par des assistants de soins en gérontologie (ASG), sur une quinzaine de séances.

Vous êtes à l’origine d’un projet destiné aux personnes présentant des troubles cognitifs. Comment est-il né ?

A Marines, il existe plusieurs structures Croix-Rouge destinées aux personnes âgées vivant avec des difficultés cognitives : l’ESA, le SSIAD et la Halte répit-détente Alzheimer (HRDA). Cette dernière est gérée par des bénévoles spécialement formés qui accueillent, une demi-journée par semaine, des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou apparentée, en leur proposant des activités ludiques axées sur l’échange et la convivialité.

La particularité de notre projet, c’est qu’il est né de l’envie commune des bénévoles et salariés Croix-Rouge de réfléchir ensemble à des solutions nouvelles. En effet, nous partagions tous le même constat : l’aide que nous apportons est trop souvent limitée dans le temps ou correspond seulement à une étape de l’évolution des difficultés.

Nous voulions être moteurs et construire pour chaque personne une réponse personnalisée et évolutive. Nous avons donc décidé de partir des besoins concrets et avons réalisé une enquête auprès de 108 personnes – personnes âgées, aidants familiaux, commerçants, maires, professionnels de structures d’accompagnement… L’idée était de mieux appréhender le vécu des personnes et familles concernées mais aussi les connaissances de la population concernant les maladies neurodégénératives entraînant des troubles de mémoire et d’attention.

Plusieurs éléments clés sont ressortis de l’enquête, notamment le manque d’information et d’orientation vers les structures spécialisées, le besoin d’améliorer la coordination entre les intervenants ou encore une aide jugée mal adaptée à la spécificité des troubles cognitifs… Sur cette base, notre groupe de travail a formulé une série de propositions.

Pouvez-vous nous présenter plus en détails le cœur de votre projet ?

La survenue d’une pathologie neurodégénérative affecte la personne présentant des troubles cognitifs mais aussi les membres proches de sa famille. Elle a une incidence sur l’entourage – les amis les voisins, les commerçants… – et entraîne l’intervention de professionnels proposant un soutien. Nous avons donc souhaité proposer des actions qui puissent agir sur l’ensemble des systèmes qui s’imbriquent autour de la personne.

La première étape sera de créer, d’ici fin 2018, un dispositif ressource qui apportera conseils et informations aux personnes concernées par des troubles cognitifs, à leur famille mais aussi au grand public. Nous souhaitons ouvrir un lieu d’accueil dans un cadre convivial où, autour d’un café, chacun pourra poser une question, s’informer sur les structures d’accompagnement, les activités proposées ou tout simplement discuter… La création de ce lieu s’accompagnera également de l’ouverture d’une ligne téléphonique dédiée et, nous l’espérons, de points d’information mobiles, au plus près du lieu d’habitation des personnes concernées. Cela se fera en lien avec les mairies des villages présents sur notre territoire.

Ce dispositif permettra aussi de favoriser les rencontres entre les différents acteurs présents sur notre territoire afin de de pouvoir échanger sur l’aide mise en place et de proposer des actions cohérentes et complémentaires

De plus, l’objectif de ce dispositif est vraiment de favoriser l’inclusion et la participation sociale des personnes âgées. Tout l’enjeu est de proposer un accompagnement qui place la personne et sa famille au centre des actions – des actions qui seront menées conjointement par des professionnels et des bénévoles.

C’est pourquoi nous chercherons à organiser des temps de rencontre auprès d’acteurs de proximité tels que les structures d’accompagnement à domicile, les médecins libéraux, les infirmiers libéraux, les pédicures, le personnel des services publics (gendarmerie, poste), les mairies, les commerçants…

Notre volonté est de participer à une sensibilisation de ces différents acteurs concernant les pathologies associées au public accompagné, l’expression de ces pathologies au quotidien, la prévention des risques au domicile.

Nous voulons aussi aider ces acteurs à mieux identifier les personnes pouvant nécessiter une aide, chercher ensemble des solutions pour faciliter leur orientation vers des services de soutien et les aider à poser des gestes simples pour aider les personnes atteintes dans leur quotidien.

Nous souhaitons que les personnes âgées soient considérées comme des personnes à part entière, qui peuvent toujours apporter leur contribution à la vie de leur famille et à la société.

Quelles seront les prochaines étapes ?

Nous avons beaucoup d’idées ! Prochainement, une seconde équipe de bénévoles HRDA va proposer à Magny-en-Vexin des temps d’accueil car les besoins sont importants.

Nous souhaitons également moduler l’intervention à domicile des aides-soignantes de notre SSIAD en proposant des soins du quotidien (toilette, habillage) plus adaptables et flexibles au rythme des personnes présentant des troubles cognitifs.

L’objectif est de faire en sorte que les personnes accompagnées gardent un sentiment de contrôle et de responsabilité sur ces actes du quotidien là où, dans la réalité, le temps d’intervention n’est pas toujours adapté.

Nous souhaitons aussi, par l’accompagnement de l’ESA, nous donner réellement les moyens de mettre en œuvre un des axes du Plan Maladies Neurodégénératives 2014-2019 qui est de « renforcer la prévention et le rôle de la personne malade et de ses proches dans la gestion de la maladie au travers de l’éducation thérapeutique ».

Nous voulons créer, avec la personne accompagnée et son entourage, un contexte favorable pour qu’ils perçoivent la situation autrement et qu’ils puissent transposer dans leur quotidien des solutions pour maintenir un équilibre satisfaisant.

Nous voudrions aussi proposer des activités intergénérationnelles pour offrir aux personnes une ouverture sur le monde extérieur, une interaction avec des enfants sur les temps d’accueil HRDA mais aussi dans d’autres lieux comme les écoles ou les bibliothèques.

Enfin, nous prévoyons d’organiser des activités de loisirs avec les aidants pour leur permettre de se retrouver, de partager des moments conviviaux entre eux, de type cinéma ou expo. C’est un besoin qui est aussi fortement ressorti de l’enquête.

A travers la mise en place de ces différentes actions, nous souhaitons favoriser la mise en place d’un accompagnement global et continu des personnes dès l’apparition des premières difficultés. Nous voulons, ainsi, participer à un changement de regard de la société et permettre l’émergence d’une solidarité de proximité.