Cinq mois après le séisme, une des préoccupations majeures des Haïtiens est de trouver du travail. Le marché de l’emploi n’était déjà pas réjouissant avant la catastrophe, mais depuis, la situation s’est aggravée.

La situation de l’emploi en Haïti avant le tremblement de terre était déjà précaire. Non seulement le pays connaissait un taux de chômage d’environ 35% de la population active, affectant particulièrement les femmes et les jeunes, mais aussi parmi ceux qui se considéraient occupés, il y avait une grande majorité de sous-employés, auto employés et de « working poor » (source : contribution du ministère de l’Assistance sociale et du travail et du Bureau international du Travail au Post Disaster Needs Assessments 2010). Depuis la catastrophe, la situation s’est évidemment aggravée et derrière les chiffres se cachent des personnes, qui, au fil des rencontres, expriment toutes le même besoin : celui ce trouver un emploi.

Au camp Maurice Bonnefil (qui regroupe 7000 personnes), au cours d’une réunion avec une vingtaine de membres de la communauté pour parler des solutions d’approvisionnement en eau, la conversation a vite dévié : « Nous avons besoin de travail. Il y beaucoup de jeunes ici, des talents, des étudiants qui ne trouvent pas d’emploi… Certains avaient leurs parents qui les aidaient, mais ils se sont retrouvés seuls », raconte d’une seule et même voix la petite assemblée. « Je travaillais pour une entreprise de construction mais elle a été détruite et depuis je n’ai pas de travail », explique Claude, membre du comité d’assainissement de Bonnefil. Impliqué pour sa communauté, Claude est un des relais (bénévole) de la Croix-Rouge française. « Le gouvernement ne fait rien, personne n’est jamais venu nous voir depuis le séisme. Il ne nous donne pas de travail non plus… ».

Alors comment font les gens ?

« Beaucoup de familles vivent grâce à l’aide que des parents leur envoient depuis les Etats-Unis, le Canada ou la France », explique Scott, un jeune homme installé au camp Mésiane, dans le quartier de Cité militaire, en bas de Port-au-Prince. Il a récemment été recruté par la CRF pour intégrer l’équipe de promotion à l’hygiène. Mais quand on n’a pas cette chance…

« Est-ce que la Croix-Rouge française ne pourrait pas nous employer ? ».

Cette question est récurrente et bien légitime, les sollicitations sont nombreuses, les CV s’amoncèlent. Pour quel poste ? La plupart d’entre eux n’en a pas la moindre idée, il faut travailler, c’est tout. Des exemples comme ceux-ci, il y en a tous les jours. A l’image de ce jeune journaliste de Pétion-ville dont le SMS arrive un soir sur le téléphone d’un délégué : « Est-ce que la Croix-Rouge française peut me donner un travail en soirée ?». Il est difficile pour tout le monde de joindre les deux bouts… Après un coup de fil, le jeune homme comprend que la CRF ne propose pas ce type d’emplois. Son profil ne colle pas à celui d’un manutentionnaire ou d’un ouvrier… Il en sourit.

L’attente envers les organismes humanitaires est énorme et ceux qui, comme la Croix-Rouge, appuient certaines de leurs actions sur le volontariat et la participation communautaire, (comme pour l’entretien des douches et des latrines d’urgence), se trouvent parfois confrontées à de l’incompréhension, quand d’autres acteurs ont fait le choix de payer pour tout.

Pour Betty, résidant au camp Dahomey, c’est la même chose. « Il faut que je travaille. L’école de Terry (son premier fils) est payante, c’est 500 dollars haïtiens par mois (2500 gourdes ou 50 USD). Mon mari n’a pas de travail non plus. Nous voulons déblayer notre maison, mais sans argent, comment faire ?».

La jeune femme a de plus en plus de mal à vivre à Dahomey où près de 7000 familles se sont réfugiées. « La pluie a déchiré notre tente, je vais très souvent à Carrefour, non loin de Port-au-Prince, chez ma tante avec mes fils ». L’insécurité monte dans ce quartier de Delmas. « L’autre jour, la Croix-Rouge est venue donner des tickets aux familles afin qu’elles bénéficient d’une distribution de kits hygiène, mais des bandits sont arrivés et on a dû tout arrêter, il y a eu des tirs. Pour les distributions, ici, je ne vois pas comment on peut faire sans l’intervention de la police », déplore Betty.A Dahomey, la réouverture du lycée, dont le terrain avait servi à l’installation de latrines d’urgence, a conduit à leur destruction…

« Le gouvernement a proposé deux terrains pour déplacer la population, à Sous matelas et Titan 1, mais personne ne veut y aller. C’est là où les gens qui n’ont pas les moyens de payer enterrent leurs morts ! », se révolte la jeune femme.

Loin de disparaître, les difficultés sont toujours présentes au quotidien pour une grande majorité des habitants de la capitale, qui pourtant, gardent cette même envie de s’en sortir et y travaillent d’arrache pied !

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