Portrait : Betty, l’ “executive woman” du camp Dahomey
Publié le 16 février 2010
Samedi 13 février, sur le camp Dahomey, une petite file d’attente s’est formée devant la clinique mobile de la Croix-Rouge française (CRF). Malgré les trois jours de deuil national, les patients sont au rendez-vous. Une jeune femme, sort de la tente avec un enfant dans les bras. Tout sourire, Betty se présente comme faisant partie du comité de gestion de l’eau du camp Dahomey.
Le camp Dahomey, qui regroupe plus de 6000 personnes, est installé sur le chantier en construction d’un campus, dans le quartier de Bel-Air. Ici, tout le monde connaît Betty et la salue sur son passage… Betty Alexandre, 26 ans, épouse de Gabriel Junior, mère de deux enfants, Terry Bonhomme, 9 ans et Godson 2 ans et demi et belle-maman de D’Actha, 10 ans. Depuis le 12 janvier, la famille vit « sous la tente que des amis nous ont prêté ». Plus chanceux que d’autres, qui n’ont que des draps pour rafistoler un abri… « Tu vois c’est ma maison là-bas », dit Betty en montrant une grande baraque en béton, qui est toujours debout. « Quand ca a tremblé, nous étions tous dedans et sommes sortis sans blessure… la maison est fissurée mais n’est pas tombée, Dieu soit loué… », raconte la jeune femme. « Mais depuis, je ne suis pas rentrée, j’ai peur, même d’aller chercher des vêtements… »
Ce jour-là, Betty organise avec Benoît, le docteur de la CRF, le centre de soins mobile. « Je vais te chercher des gens pour t’aider à travailler », dit la jeune femme au médecin qui commente : « Betty nous aide depuis le début, elle s’occupe de tout le monde… Elle a aussi besoin qu’on s’occupe d’elle », dit-il en souriant…
« On travaille bien avec la Croix-Rouge »
A l’arrivée des Croix-Rouge haïtienne et française, Betty s’est impliquée dans le comité de gestion de l’eau, créé par pour gérer et entretenir les équipements d’eau installés ici : « Je suis allée voir la Croix-Rouge à Delmas c’est comme ça que je suis entrée en contact avec la CRF. Ils nous ont installé un réservoir d’eau potable de 45m3 et avec la communauté, on vient de finir d’installer 100 latrines. Et puis on a la clinique mobile qui vient deux fois par semaine ici. On travaille bien avec la Croix-Rouge ici ! » dit-elle en souriant, le petit Godson vissé à son épaule.
Avant le 12 janvier, Betty avait une vie bien remplie. Un brin coquette, elle annonce fièrement : « Avant j’étais mannequin et danseuse… Bachata, salsa, merengue, tango… j’ai pris et donné des cours, j’ai participé à des compétitions ici en Haïti… mais depuis le séisme tout s’est arrêté… » Et de poursuivre : « J’ai aussi travaillé dans la communication comme présentatrice pour la radio et la télé locale… Mon mari est avocat, mais en Haïti, même avant le séisme y’avait pas de boulot… C’est pourquoi j’aimerais partir d’ici. » Betty rêve d’une vie meilleure ailleurs… « Mes parents sont aux Etas Unis et m’ont envoyé de l’argent pour nous aider. Sans eux je ne serai pas là… »
« Nous ne manquons pas d’eau, grâce à la Croix-Rouge, nous avons maintenant des latrines, mais c’est la nourriture, et les abris, des habits aussi dont nous manquons Et du travail… », lâche-t-elle. Pour la nourriture, la solidarité communautaire joue mais les prix sont parfois passés du simple au double si ce n’est pire… « Avant, un kilo de riz coûtait 180 gourdes, aujourd’hui c’est 1020 gourdes (NDLA : 1 US dollar = 38 gourdes). » Ce qui explique aussi le nombre de vols qui augmente dans les camps.
En cette veille de 14 février, qui aurait dû être jour de carnaval, Betty et ses enfants vont retourner à l’église. L’Eglise un lieu où bon nombre d’Haïtiens ont passé une grande partie de leur temps ces trois derniers jours.