Portrait - Valérie Tabuy
Publié le 8 mars 2017
Depuis début 2010, elle a rejoint la direction nationale de l’urgence et du secourisme (DUS) en qualité de chargée de suivi des départements du sud-est de la France. Autrement dit, les soirées, les nuits, les week-end d’astreinte, elle connaît.
Retour aux sources donc pour celle qui fit ses débuts à la délégation départementale du Val-de-Marne en 1993 comme secrétaire. A force de côtoyer les secouristes du département et surtout leur leader charismatique, Alain Rissetto (par ailleurs vacataire à la DNUS), elle devient très vite bénévole au sein de l’UNIR (unité nationale d’intervention rapide), le précurseur du centre opérationnel pour les opérations de secours au niveau national et international.
Très vite, elle se sent happée par le goût du terrain, s’investit de plus en plus dans les missions en France (les inondations dans l’Hérault, à Montauban, l’organisation des Journées Mondiales de la Jeunesse, la Coupe du monde de football en 1998, le cinquantième anniversaire du débarquement, etc.).
Formée à la situation d’exception, elle est impliquée sur ces opérations jusqu’en 1999 en base arrière et sur site dans l’organisation de la logistique et le suivi des effectifs, acquérant expérience et légitimité sur le terrain. La flamme Croix-Rouge est allumée, Valérie fait le choix du bénévolat.
Embarquement pour l’international
Commence alors la grande aventure à l’international. Approchée en base arrière pour le Rwanda, puis le Kosovo, en avril 1999. L’UNIR est immédiatement mobilisée et, dans le même temps, la délégation nationale de l’urgence et du secourisme organise l’opération «un colis pour une famille» : l’envoi des cartons dans les délégations départementales, le rapatriement des camions à Marseille ou dans le Val-de-Marne…
Le BTC (formation de délégué en mission international) en poche, Valérie est déclarée apte pour assurer le convoyage des véhicules en Albanie. « J’ai soudain pris conscience d’appartenir à un Mouvement international en me retrouvant sur le bateau du Comité international de la Croix-Rouge ».
La mission durera trois mois, finalement. La voilà parachutée dans la région d’Elbasan, chargée de vérifier le travail de distribution des colis auprès des familles, une mission orchestrée par la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Le président de la Croix-Rouge française, le Professeur Marc Gentilini, exprime alors le souhait d’aider la population du Kosovo.
Départ immédiat pour la Drenica avec pour mission d’évaluer les besoins et le matériel nécessaire pour réhabiliter les maisons détruites. « Il faut alors négocier avec des chauffeurs de camions, solliciter l’aide des militaires français. L’arrivée d’une femme dans ce monde exclusivement masculin laisse sceptique, d’autant plus dans cette région rurale extrêmement rude, pour ne pas dire rustre. Au quotidien, je travaille avec un architecte albanais et une équipe de 5 hommes. Passé l’effet de surprise, ils m’ont plutôt choyée et protégée ». Valérie va jusqu’au bout de sa mission, soit 8 mois de terrain, sept jours sur 7. Elle enchaîne avec une seconde mission de 6 mois, dans la région de Pristina cette fois.
Passé ce baptême du feu à l’international, tout s’enchaîne. A peine rentrée en France en 2001, elle repart pour le Gabon, chargée par la Croix-Rouge de suivre le programme Sida. Nous sommes aux grands débuts des CTA (centres de traitement ambulatoire) en Afrique. Le projet est soutenu par le président Bongo et donc suivi de très près par l’ambassade de France. Sur place, Valérie se retrouve seule représentante de la Croix-Rouge française.
Elle doit d’abord simplement suivre l’avancée des travaux de construction, aux côtés de la jeune société nationale gabonaise. Mais elle va s’investir bien davantage, et pour cause : le président Gentilini vient inaugurer le CTA en avril 2001 avec Bernadette Chirac ! « Face à une telle pression, je n’avais pas d’autre choix que de faire avancer les choses ! J’ai dû faire preuve d’audace pour parvenir à constituer le personnel du centre avant cette échéance et j’y suis parvenue ». Du coup, la Croix-Rouge française lui demande de rester afin d’organiser la logistique, le recrutement et le secrétariat du CTA pendant un an. « Lorsque l’on a 34 ans, que l’on est blonde aux yeux clairs, on apprend vite à mettre en avant son tempérament, son sens de l’humour et son tact en Afrique, pour se faire respecter ! Et cela est encore plus vrai lorsque l’on travaille sur un sujet aussi sensible que le Sida avec tout ce que cela comporte de tabous, de préjugés ! » Au Gabon, les femmes sont fortes et Valérie a la chance d’être entourée de plusieurs femmes de tête qui l’aideront à s’intégrer.
De retour au pays, Valérie décide de reprendre ses études pour obtenir le titre de coordinatrice de programme de développement. Le sésame en poche, un an plus tard, elle a ainsi acquis les méthodes qui lui auraient été bien utiles sur le terrain ! Pour elle qui avait fui le baccalauréat, c’est une belle revanche puisqu’elle obtient l’équivalent d’un mastère. Elle recontacte aussitôt la Croix-Rouge. « Je ne me voyais pas travailler pour une autre organisation humanitaire. Les valeurs de la Croix-Rouge, sa neutralité et surtout la façon dont elle mène ses programmes de développement aux côtés du personnel des pays me sont très chers. La stratégie de l’association est très forte. En quelques mois dans un pays, on voit des résultats concrets et efficaces ! » Après une expérience décevante au Tchad, Valérie enchaîne ainsi les missions sida en Afrique jusqu’en 2005. Puis vient l’heure du bilan.
Nouveau virage et retour aux sources
Désireuse de poser ses valises, Valérie intègre la direction des relations et des opérations internationales au siège de la Croix-Rouge, à Paris. Dans la continuité de son parcours, elle gère durant deux ans les CTA qu’elle a ouverts et assure le suivi des missions sur place. Ces programmes évoluant, deux ans plus tard Valérie rejoint les pôles géographiques comme adjointe du responsable. Tout en étant le lien avec les équipes de terrain, elle arrive dans un autre monde : « Je réalise alors la contrainte de l’argent pour pouvoir mener à bien nos projets et la pression que cela représente. J’apprends également les règles de la diplomatie avec les sociétés nationales avec qui nous collaborons, la dimension politique de notre Mouvement... »
L’année 2009 marque la fin de 10 ans de collaboration avec la direction des opérations internationales et avec Antoine Peigney, son second mentor. « Oui, mon attachement aux valeurs de la Croix-Rouge est lié également à ces hommes fortement engagés, à leurs convictions, à leur droiture », reconnaît Valérie. Et c’est finalement vers Alain Rissetto qu’elle retourne en décembre 2009. Elle souhaite se recentrer sur les activités nationales de la Croix-Rouge, se recentrer sur elle-même également. Elle saisit l’occasion d’une création de poste à la direction de l’urgence et du secourisme pour présenter sa candidature. Son profil ne pose évidemment aucune question, elle est accueillie à bras ouverts. Quant à elle, est se sent tout simplement épanouie : « J’ai le sentiment de retrouver ma maison, le réseau, les bénévoles, mais aussi le secourisme, la gestion de l’urgence. Travailler pour 10.000 secouristes qui sont prêts à tout pour servir la Croix-Rouge me procure une immense fierté et beaucoup d’énergie. Je n’éteins jamais mon téléphone professionnel, excepté durant les vacances. Mais je ne suis jamais réveillée en pleine nuit pour rien !».
Bénévole, volontaire, salariée mais toujours bénévole dans son cœur. Cette passionaria parvient par son enthousiasme à briser toutes les barrières et les préjugés qui cristallisent parfois les débats au sein de l’association. Elle donne aussi à réfléchir sur le sens de son engagement à la Croix-Rouge. « Je n’ai pas un travail, dit-elle, mais une mission.»