Depuis des semaines, faisant face à une crise sanitaire inédite, les équipes secouristes de la Croix-Rouge française sont en première ligne pour mener des opérations de prompt secours et permettre de soulager le SAMU et la BSPP submergés par les appels. Olivier Renaud et Audrey Finitzer, secouristes bénévoles dans le département des Hauts-de-Seine, témoignent de ce qu’ils vivent au quotidien, entre mesures de protection, aide aux populations et fierté d’être utiles.

Olivier Renaud, chef d’intervention, directeur local de l’urgence et du secourisme et membre du bureau de l’unité locale de Montrouge

« La crise que nous connaissons actuellement est sans précédent. Pour y répondre, la Croix-Rouge française témoigne d’une force de frappe impressionnante et d’une véritable capacité de réorganisation qui lui a permis de s’adapter rapidement, à tous les échelons de l’association. Au niveau du département des Hauts-de-Seine, une cellule spécifique a été montée pour renforcer notre action et faire face à l’afflux des appels et à l’augmentation du nombre d’interventions sur le terrain. Avec six véhicules qui tournent tous les jours, les opérations de prompt secours sont incessantes. Sur le terrain, on rencontre toutes les situations, de la simple fièvre à la détresse respiratoire sévère et les victimes n’ont au final pas de profil particulier : tous les âges sont touchés, avec ou sans pathologies existantes.

Avec cette crise, il a également fallu mettre en place une logistique nouvelle : les interventions sont plus longues et plus fatigantes car il faut prendre en compte le temps d’habillage et de déshabillage supplémentaire du fait des protections individuelles à enfiler ainsi que la désinfection systématique des véhicules après chaque transport de victime. Cette désinfection s’effectue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, siège de la régulation du SAMU 92. On est ainsi passé d’une heure environ par intervention en temps normal à au moins une heure et demie actuellement...

Le message important pour tout le monde est le même que celui rappelé presque tous les jours par les soignants : il faut rester chez soi ! En effet, c’est toute la chaîne de secours qui est sous tension. Donc plus les comportements seront raisonnés, plus nous serons en mesure de réaliser des prises en charge dans les meilleures conditions possibles.

Les équipes sont soudées et les bénévoles extrêmement mobilisés malgré le stress et la fatigue. D’ailleurs, gestion de crise oblige, nous sommes tous amenés à diversifier nos activités, pour faire de la logistique, répondre au téléphone... il y a aussi davantage de perméabilité entre nos actions sociales et nos actions de secours. Car, il ne faut pas l’oublier, cette crise est également sociale. A Montrouge par exemple, nous sommes confrontés à des situations compliquées avec les personnes sans-abri qui ne peuvent plus se nourrir, et ont du mal à trouver des points d’eau ou recharger leur téléphone portable. Là encore, nous nous sommes adaptés et, dès les premiers jours du confinement, les maraudes Covid-19, organisées par le département et spécialement équipées, sont venues se substituer aux maraudes traditionnelles.

Tout l’enjeu pour nous et pour nos équipes est de tenir dans la durée. C’est une crise qui va s’installer dans le temps et il faut que nous soyons capables de fournir le même niveau de qualité de service, malgré la fatigue et le volume croissant de sollicitations. En sortant d’une intervention, l’autre jour, nous avons été applaudis par des habitants à leur fenêtre. Ça fait chaud au cœur et ça donne du courage. D’habitude, on se sent utiles, mais là encore plus. »

Audrey Finitzer, équipier secouriste à l’unité locale de Châtenay-Malabry et chef des missions de secours du groupement Sud du 92

« Depuis l’annonce du confinement, en plus de mon activité professionnelle, j’effectue en moyenne cinq postes par semaine, équivalent à 40 heures. La fatigue est présente mais nous essayons de nous préserver. Six camions sillonnent quotidiennement le département, dont un uniquement dédié et équipé au transport de patients atteints du Covid-19.

Au quotidien, on alterne entre les activités traditionnelles de prompt secours (chutes, blessures, etc.) et les activités supplémentaires liées au contexte actuel (réponses téléphoniques, conciergerie, transport de personnes atteintes du Covid-19, etc.). Suite à un appel au 15, nous intervenons au domicile des appelants ou sur la voie publique. En général, l’équipe est composée de quatre personnes : un chauffeur, un chef d’intervention et deux équipiers secouristes. S’il y a suspicion de Covid-19, deux d’entre nous (chef d’intervention et équipier secouriste) sont amenés à se protéger davantage en se revêtant d’équipements supplémentaires (combinaison, masque, lunettes, surblouse, gants, sur-chaussures, etc.). Eux seuls interviennent auprès du patient pour réduire l’éventualité d’une contamination. S’il n’y a pas de suspicion, nous restons en uniforme habituel. Ensuite, nous prenons les paramètres vitaux de la personne tout en la questionnant et transmettons un bilan au médecin régulateur qui décide, ou non, de son hospitalisation. Selon les situations et les éventuels actes médicaux effectués par le SAMU venu en renfort, nous assurons (ou non) son transport sanitaire vers une structure hospitalière disponible. Notre intervention s’arrête là où commencent les soins médicaux.

Le SAMU a besoin de nous et des autres acteurs associatifs pour prendre en charge un maximum de personnes. En ce moment, on se sent vraiment utiles au quotidien, on voit vraiment notre valeur ajoutée. Par exemple, il y a quelques jours, le régulateur secouriste du SAMU a dû refuser une trentaine d’interventions alors que nous tournions déjà à plein régime. Imaginez si la Croix-Rouge n’avait pas été là en soutien ! Le renfort que nous apportons au SAMU lui permet de ne pas être embolisé, de se concentrer sur les cas les plus graves, c’est essentiel.

La dimension de soutien psychologique est également très importante, elle constitue une des facettes de notre intervention au domicile des personnes. Nous vivons une période anxiogène et les familles ont besoin d’être rassurées, écoutées. C’est pourquoi nous prenons toujours soin d’expliquer ce que nous faisons, quelle va être la prise en charge, etc. Notre approche, fidèle aux valeurs de la Croix-Rouge française, est avant tout humaine.

Cette approche humaine, nous devons aussi et avant tout nous l’appliquer à nous-mêmes. Les interventions peuvent être stressantes voire éprouvantes. C’est pourquoi après chaque intervention, nous débriefons, nous partageons notre ressenti pour savoir si nous sommes aptes, ou non, à retourner sur le terrain. Aucun jugement entre nous, chacun doit faire avec ses propres limites, il faut apprendre à se préserver. 

Ce qui me touche en ce moment, c’est l’implication profonde de tous les bénévoles. On s’entraide, on se rend disponibles pour tenir nos engagements et donner le meilleur de nous-mêmes afin d’aider au mieux le SAMU et le personnel hospitalier. »

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