Le week-end dernier, le gouvernement a décrété le passage au « stade 3 » du plan de lutte contre le Covid-19. Outre la mobilisation complète du système sanitaire, cette étape s’accompagne d’un certain nombre de mesures à destination de l’ensemble de la population et implique une vigilance particulière pour les personnes fragiles. Eclairage avec le docteur Pascal Cassan, médecin conseiller national de la Croix-Rouge française.

La France est désormais passée au « stade 3 » du plan de lutte contre l’épidémie de Covid-19. Que pouvez-vous dire de cette nouvelle étape ?

Une chose est sûre : même si elles sont contraignantes, les mesures annoncées étaient inévitables. En effet, il y a eu ces derniers jours une montée en puissance du nombre de personnes infectées, qui ont présenté des symptômes tels qu’une toux sèche, des courbatures et une fièvre modérée. Toutes n’ont pas été testées – on ne réalise plus actuellement qu’un test que pour les formes graves –, et on peut donc penser que le virus circule plus largement au sein de la population. Limiter les interactions sociales est donc indispensable, pour éviter que des porteurs sains ou atteints d’une forme légère ne transmettent le virus à des personnes fragiles.

Que faire si on ressent les symptômes que vous avez évoqués plus haut ?

Si on ressent de la fièvre, des courbatures et que l’on tousse, on appelle son médecin traitant, et non le 15, et c’est lui qui réalisera une consultation à distance, décidera de venir au domicile du patient ou enverra une ordonnance par voie électronique. Dans ce cas, il faut rester chez soi, prendre régulièrement sa température, porter un masque pour protéger ses proches, respecter les mesures barrières et, bien sûr, prendre les médicaments prescrits par son médecin.

Dans quel cas doit-on appeler le SAMU ?

Il y a seulement deux raisons d’appeler le 15 : si la fièvre est importante (au-dessus de 39°) et qu’elle ne passe pas avec du paracétamol et/ou si l’on ressent une gêne respiratoire. Dans cette situation, appeler le 15 est une nécessité.

Alors que la prise d’anti-inflammatoires (comme l’ibuprofène) est contre-indiquée pour les patients atteints du Covid-19, la vente de paracétamol est désormais restreinte en pharmacie et suspendue sur Internet.

Qu’en pensez-vous ?

Je souhaite d’abord rassurer ceux qui seraient inquiets : il faut raison garder, il n’est absolument pas nécessaire de faire des stocks de paracétamol… Les pharmacies sont régulièrement approvisionnées et elles ne fermeront pas. Acheter dix boites d’un coup n’est donc pas utile, au contraire, cela peut en pénaliser d’autres. Par ailleurs je tiens à rappeler la nécessité de respecter les doses : pour un adulte, pas plus de 4 grammes par 24 heures ; pour un enfant, pas plus de 60 milligrammes par kilo et par jour. 

Quels sont les messages importants à rappeler au sujet des personnes fragiles ?

Premières personnes fragiles : les femmes et les hommes âgés de plus de 70 ans. Ces personnes doivent absolument rester chez elles, et ne surtout pas se voir confier la garde de leurs petits-enfants, qui pourraient être des porteurs sains. C’est d’ailleurs pour cela que tous les Ehpad ont fermé leurs portes aux visites : il n’y a aucune exception possible, d’autant plus lorsque les personnes sont atteintes d’autres pathologies (insuffisance cardiaque, rénale, hypertension artérielle, diabète). Plus il y a de facteurs de risque, plus la personne est vulnérable, plus elle doit être protégée. En outre, une autre catégorie de la population est particulièrement fragile : ce sont les patients qui ont déjà une insuffisance respiratoire, comme ceux qui sont atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).

Enfin, quelle est la situation pour les femmes enceintes ?

Aujourd’hui, on ne pense pas qu’il y a de risque spécifique pour les femmes enceintes. Des mères qui ont été infectées par le Covid-19 ont donné naissance à des enfants en parfaite santé. Même si des troubles respiratoires peuvent apparaître plus rapidement chez une femme enceinte, car la grossesse est en soi un facteur d’hypoventilation, il n’y a pas d’impact particulier sur les enfants. Les femmes enceintes ne font donc pas partie des personnes les plus à risque mais elles doivent rester vigilante par rapport à l’ensemble des signes de gravité, et en particulier la difficulté respiratoire. Enfin, comme pour tout le monde, la consigne est désormais de rester chez soi et, en cas de sortie, de respecter l’éloignement d’un mètre dans les commerces. Pourquoi un mètre ? Car les gouttelettes potentiellement porteuses du virus sont assez grosses et ne peuvent être projetées au-delà de cette distance.

Propos recueillis par Anne-Lucie Acar

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