Depuis le 13 mars, les Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) de la Croix-Rouge française ont fermé leurs portes en raison de l’épidémie de Covid-19. Une organisation s’est rapidement mise en place pour que certains cours soient assurés à distance, tandis que de nombreux étudiants ont été déployés en renfort dans les EHPAD. L’IFSI de Mantes-la-Jolie a été l’un des premiers à se lancer dans cette dynamique et, à ce jour, la majorité de ses apprenants est mobilisée.

"Se rendre utile au plus tôt et mettre en pratique les enseignements reçus"

"Dès le début de la crise, j’ai fait le choix de proposer à nos étudiants de partir aider sur le terrain, tout en sécurisant leur parcours d’apprentissage." Frank Gautier, directeur de l’IFSI Croix-Rouge de Mantes-la-Jolie (78), n’a pas attendu les recommandations de l’ARS pour organiser le déploiement de ses apprenants dans les établissements ayant besoin de renfort. Bien entendu, il a d’abord recensé les personnes à risque, tout en prenant contact avec les EHPAD de son territoire, notamment ceux gérés par la Croix-Rouge française. "Les étudiants étaient tous volontaires : pour eux, c’était logique de pouvoir se rendre utile au plus tôt et mettre en pratique les enseignements reçus", explique–t-il.

Malgré les questionnements inévitables sur la nature de l’épidémie et sur ses conséquences, les élèves aides-soignants et infirmiers sont donc allés grossir les rangs des personnels de santé dans différents établissements du département. En parallèle, le directeur de l’IFSI et son équipe pédagogique proposent aux élèves un accompagnement de qualité, répondent à leurs questions et confirment que ces expériences s’inscrivent bien dans leur cursus de formation. En effet, si cette épidémie est venue bousculer les agendas, elle n’en reste pas moins une occasion d’apprendre, de pratiquer, d’aider. "La notion de service sanitaire à la nation fait partie intégrante des études, ajoute Frank Gautier. En outre, en tant qu’institut de formation de la Croix-Rouge française, contribuer à répondre à cette crise s’inscrit tout simplement dans nos valeurs, dans notre raison d’être" Un soutien qui se poursuivra activement dans les prochaines semaines.

Marine Chapon, étudiante en 2e année, et Mélinda Evrat, étudiante en 3e année, ont été déployées depuis le 16 mars dans des EHPAD de la Croix-Rouge française des Yvelines. Elles témoignent.

Marine Chapon, étudiante en 2e année, mobilisée à l’EHPAD Croix-Rouge française Stéphanie, à Sartrouville

"Etudiante en deuxième année à l’Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) Croix-Rouge de Mantes-la-Jolie, je devais initialement partir en stage au Sénégal au mois de mars… Un départ qui a été annulé en raison de l’épidémie de Covid-19, mais j’ai vite trouvé une autre mission. En effet, le directeur de notre institut a proposé aux étudiants de la filière soins infirmiers d’aller renforcer les équipes des EHPAD de la Croix-Rouge française dans le département. Je n’ai pas hésité à me porter volontaire. Personnel absent, malade, à risque ; résidents fragilisés, isolés, angoissés… Il y avait un vrai besoin de personnels supplémentaires et cela faisait sens par rapport au métier que j’ai choisi d’exercer.

J’ai démarré à l’EHPAD Stéphanie (Sartrouville) le 16 mars et, à ce moment-là, je ne savais pas grand-chose sur la situation. Je n’avais donc pas de crainte particulière. En tant que future infirmière, c’était pour moi évident d’aller là où je peux aider, là où je peux être utile. Une fois sur place, j’ai tout de même ressenti un certain stress quand j’ai vu que les masques manquaient : c’est pour se protéger soi, mais surtout pour protéger les résidents et leurs proches ! Nous avons finalement reçu les équipements nécessaires, ce qui m’a rassurée. Quoiqu’il en soit, j’ai la chance d’être soutenue par mes parents : quand je leur ai dit que j’allais être mobilisée dans un EHPAD, ils n’ont pas cherché à m’en dissuader. Je leur ai expliqué que c’était important pour moi de faire des soins, d’être présente aux côtés des résidents dans cette période difficile.

De plus, même si personne ne peut souhaiter une telle crise, ce que je vis en ce moment est évidemment très formateur. Pas au niveau des gestes purement techniques, car je suis réquisitionnée en tant qu’aide-soignante, mais au niveau humain, incontestablement. Gestion des émotions, du stress, présence soutenue aux côtés de résidents qu’il faut entourer, écouter, rassurer… Cela demande des savoir-être qui me seront utiles pour l’avenir. Et, si jamais une situation similaire se reproduit, je serai mieux préparée pour y faire face…"

Mélinda Evrat, étudiante en 3e année, mobilisée à l’EHPAD Croix-Rouge française Champsfleur, au Mesnil-le-Roi

"En 3e année à l’Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) Croix-Rouge de Mantes-la-Jolie, je vis ma dernière année en tant qu’étudiante puisque la formation se déroule sur trois ans. Évidemment, je ne pensais pas que cette fin de scolarité se passerait ainsi, mais personne ne pouvait le prévoir. Le 13 mars, notre IFSI a fermé ses portes par mesure de précaution, puis on m’a demandé si j’étais disponible pour partir renforcer l’équipe d’un EHPAD Croix-Rouge dans les Yvelines. Est-ce que je vais bien ? Est-ce que je n’ai pas de pathologie particulière ? Est-ce que mes proches sont en bonne santé ? Une fois que j’ai répondu par l’affirmative à ces quelques questions, c’était parti.

J’ai reçu mon ordre de mission – renforcer le personnel de l’EHPAD Champsfleur au Mesnil-le-Roi – et me suis organisée avec une autre étudiante, également déployée dans cet établissement, pour les trajets. Ainsi, depuis le 16 mars et au moins jusqu’au 30 avril (la mission sera probablement prolongée), je suis présente aux côtés des résidents et viens renforcer l’équipe. J’effectue les toilettes, les changes, l’assistance pour la prise des repas en chambre… C’est davantage une mission d’aide-soignante que d’infirmière mais le plus important est de répondre aux besoins, qui sont immenses. De plus, j’aime parler avec les résidents, être présente à leurs côtés, alors je n’hésite pas à passer dans les chambres dès que j’ai le temps. Certains sont très conscients de la situation et c’est indispensable d’être là pour les écouter, les réconforter, prendre leur température… Même plusieurs fois par jour, si c’est ça qui les rassure !

Je vis avec ma mère, qui est assistante maternelle, alors je suis bien sûr extrêmement vigilante sur les gestes barrière, l’hygiène et la prévention. Ceci dit, il n’était pas question pour moi de rester sans rien faire pendant cette période : j’ai choisi d’être infirmière pour être utile, aider les patients, soulager la peine… C’est ce que je fais au quotidien dans le cadre de mon travail à l’EHPAD, en essayant d’apporter un peu de joie aux résidents. Je suis d’un naturel plutôt timide à l’extérieur mais, quand je suis avec les patients, je parle avec eux, je fais des blagues... Le relationnel est fondamental, et encore plus en ce moment, alors que les visites sont interdites depuis plus d’un mois maintenant."

À lire dans le même dossier