Dix jours après notre première rencontre, je retrouve Betty, qui vit avec sa famille sur le camp Dahomey, à Delmas. Elle raconte son quotidien et ses préoccupations, entre sa vie de maman et les quelques distractions qu’elle s’octroie puis m’invite à visiter sa maison, fissurée par le séisme, tout près du camp.

Quand je rencontre Betty en ce lundi après-midi, elle m’accueille avec son beau sourire, mais avoue au bout de quelques minutes: « Je me sens stressée en ce moment ». Peut-être est-ce parce la nuit d’avant, une secousse de 4,7 est venue réveiller sa famille et ses voisins, alors que tout le monde dormait, sur le coup des 4 heures du matin… « Il y des gens qui disent que c’est la fin du monde… Mais je leur réponds que si c’était la fin du monde on ne serait plus là… », dit-elle en souriant. « Moi je garde l’espoir ! »

On se retrouve bientôt sous sa tente, avec un peu d’intimité pour parler de tout et de rien, de sa vie ici sur le camp, de ses enfants, de ses occupations : « On n’a pas de boulot, alors on s’occupe comme on peut… » Betty a pu sauver un ordinateur dans sa maison et l’utilise pour regarder des DVD avec ses enfants. « Avec cinq ou six familles voisines on se cotise pour acheter du gaz pour la génératrice qui nous donne de l’électricité. Ca nous permet de regarder la télé par exemple… », raconte la jeune femme, qui sort alors 4 ou 5 films haïtiens, d’une petite table qui meuble sa tente. « Ce sont des films plutôt romantiques, des histoires d’amours». Son pêché mignon…

Betty est aussi une maman attentive : « Je ne veux pas que mes enfants s’éloignent et aillent jouer avec des enfants qu’ils ne connaissent pas. Ils sont là, ils jouent entre eux, ils regardent la télé… Je veux les avoir à l’œil, car on ne sait jamais ce qui peut arriver…». Officiellement, les écoles devraient rouvrir le 8 mars : « C’est ce qu’on a entendu du Gouvernement, mais concrètement on n’a pas eu de nouvelles des écoles… Alors je ne sais pas», avoue Betty. Le temps est comme suspendu ici… Surtout pour ceux qui n’ont pas de travail. Il faut s’occuper, tuer le temps alors que l’avenir est incertain : « Je ne sais pas quand on va pouvoir rentrer dans notre maison… Il y a beaucoup de travaux à faire… »

Le temps suspendu

Betty m’entraîne alors dans sa maison, à une cinquantaine de mètres d’ici. La bâtisse d’un étage est restée debout mais des fissures menacent son équilibre… La jeune femme presse le pas car les répliques persistent… A vue d’œil, il serait dangereux d’en réintégrer les murs… Betty s’arrête dans une pièce du rez-de-chaussée : « Ici c’était la salle informatique. Avec mon mari on avait acheté une trentaine d’ordinateurs, pour ouvrir un petit business… mais toutes les machines ont été cassées par le séisme », explique-t-elle au milieu des ordinateurs à terre.

Et la danse dans tout ça ? « Comme je te l’ai dit, la danse c’est ma passion… Une amie m’a proposé d’aller dans un club pour pratiquer, mais je n’ai pas envie... Tout ce qui me préoccupe en ce moment c’est notre futur. J’irai danser quand notre situation ira mieux… ». Petit moral aujourd’hui pour Betty, mais toujours aussi engagée dans la vie du camp : « Je continue bien sur à m’occuper de l’eau et des latrines avec le comité de gestion et la Croix-Rouge et aussi de la clinique mobile qui est venue ce matin d’ailleurs… » un rôle qui lui tient manifestement très à cœur.

Laetitia Martin Déléguée Info

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