Afghanistan: une crise oubliée qui menace des millions de vies
Publié le 26 août 2025

À Islam Qala, principal poste-frontière avec l’Iran, cette scène se répète inlassablement, incarnant une crise silencieuse et largement méconnue, qui témoigne d’une vague de retours sans précédent.
Un mouvement de population inédit
Depuis le début de l’année, plus de 1,6 million d’Afghans ont franchi la frontière depuis l’Iran ou le Pakistan. Les prévisions pour 2025 sont déjà dépassées, et certaines journées ont vu plus de 40 000 personnes arriver à Islam Qala. D’ici la fin de l’année, ce chiffre pourrait atteindre 3 millions. Nombreux sont ceux qui racontent avoir quitté leur maison du jour au lendemain, dans un contexte de politiques de plus en plus restrictives dans les pays voisins.

« Bien sûr, toutes les mères s’inquiètent pour leurs enfants et pour l’avenir, témoigne Fahima, spécialiste de la malnutrition et accompagnatrice en santé mentale au Croissant-Rouge afghan. Mais pour l’instant, leur principale préoccupation est simplement de survivre à leur première nuit ici. Il fait plus de 40 degrés, il n’y a pas d’ombre et aucun endroit sûr où dormir. »

Témoignages de vies bouleversées
Jawad, 21 ans, a passé plusieurs années en Iran avant d’être forcé de rentrer en Afghanistan. Son inquiétude est d’abord pour son père, atteint d’un grave problème rénal, dont le traitement reste incertain ici, tant sur le plan médical que financier. « Certains membres de ma famille sont nés en Iran et n’ont jamais mis les pieds dans ce pays. Recommencer ici sera très difficile pour eux. Nous n’avons nulle part où dormir, juste nos valises et les couvertures que j’ai utilisées pour fabriquer une tente contre le soleil brûlant. »

Latifa, elle, est revenue avec ses trois filles après six années passées à Téhéran. Son angoisse principale : la perte d’accès à l’éducation pour ses enfants. « Elles ne pourront pas aller à l’école ici. Comment vais-je leur expliquer cela ? Comment construire une vie meilleure alors que même les droits fondamentaux nous sont refusés ? »
Comme eux, chacun a sa propre histoire, mais tous partagent une même réalité : l’incertitude face à l’avenir. Et pour l’heure, cet avenir est relégué au second plan, la priorité reste de trouver un abri, de la nourriture, de l’eau potable et un minimum de sécurité.
Un système humanitaire sous tension
Ce retour massif se heurte à une réalité, l’Afghanistan traverse déjà l’une des crises humanitaires les plus graves au monde. Les ressources sont limitées, les services publics débordés, et près de la moitié de la population dépend d’une aide extérieure pour se nourrir et se soigner.

Aux points de passage, le Croissant-Rouge afghan, avec le soutien du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, distribue chaque jour plus de 6 000 repas chauds, de l’eau potable et prodigue des soins médicaux grâce à des équipes mobiles. Ces dernières assurent des consultations ambulatoires, tandis que des équipes spécialisées en santé mentale offrent des premiers secours psychologiques et des conseils aux personnes les plus fragilisées.

Face à cette situation critique, nous avons également déployé un spécialiste des opérations humanitaires pour venir renforcer les équipes sur place. Pendant plusieurs mois, il apportera son expertise et son appui aux équipes afghanes et internationales sur le terrain. Ce déploiement a été rendu possible grâce au financement du Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Depuis avril, plus de 226 000 personnes ont déjà bénéficié d’une assistance humanitaire de la part du Croissant-Rouge afghan et du Mouvement, mais l’arrivée quotidienne de nouvelles familles exerce une pression croissante sur les ressources des organisations humanitaires sur place. Sans financement supplémentaire, même les services de base, comme les repas à la frontière, pourraient être compromis. Une aide urgente est indispensable pour poursuivre ce travail vital.

Un impératif de reconstruire des vies
Pour beaucoup, le retour ne marque pas la fin du parcours, mais le début d’un nouveau défi : trouver un logement, un emploi et un environnement sûr pour leurs enfants. Parmi eux, les filles et jeunes femmes font face à une incertitude particulière, notamment en matière d’éducation, dans un contexte où leur accès à la scolarisation reste très limité. Au-delà de l’aide d’urgence, un travail de longue durée est nécessaire pour accompagner ces millions de personnes afin qu’elles puissent reconstruire leur vie dans la dignité et nourrir l’espoir d’un avenir durable.
