Florent Del Pinto, chef de délégation de la Croix-Rouge française (CRF) en Haïti nous parle de la situation, presque deux mois après le séisme du 12 janvier. Alors que la saison des pluies commence, Florent revient sur les projets en cours de la CRF qui poursuit ses distributions d’abris, ses projets d’eau, d’assainissement et de santé et nous parle aussi du plus long terme.

Quelles sont les préoccupations actuelles en Haïti ?

La préoccupation majeure est l’arrivée de la saison des pluies, qui a commencé de façon anticipée, la majorité des Haïtiens n’ayant pas de tentes ou de bâches en plastique pour se protéger. L’urgence est donc de procurer des abris temporaires à la population.

D’autant que la saison des pluies va rapidement laisser place à la saison cyclonique. On risque d’enchaîner plusieurs phases d’urgence tout en devant gérer la reconstruction et la réhabilitation à plus long terme.

Où en est aujourd’hui la Croix-Rouge française ?

Selon une approche intégrée, partout où nous intervenons, nous distribuons une aide globale : eau, latrines, douches, soins médicaux, distribution d’abris et d’articles de première nécessité…

A Port-au-Prince et à Delmas, nous couvrons les besoins en eau potable de près de 150.000 personnes sur 65 sites de distribution. Nous avons également déjà construit 570 latrines familiales sur une vingtaine de grands camps de rassemblement. Nous sommes par ailleurs en train d’installer 400 douches sur les mêmes sites, afin de prévenir les risques d’épidémie liées à la promiscuité et aussi à la saison des pluies. Idem pour l’abri, nous avons déjà distribué plus de 1200 tentes et 1800 bâches en plastique aux familles les plus vulnérables à Port-au-Prince et poursuivons notre effort.

En termes de santé, nous avons deux dispensaires qui fonctionnent six jours sur sept à Pétion-ville et Delmas, où le nombre de consultations atteint plus de 250 patients par jour. Aujourd’hui, selon les médecins (haïtiens) qui travaillent dans nos dispensaires, les blessures lourdes ont été remplacées par des pathologies liées justement à la promiscuité et aux problèmes d’hygiène, comme les infections cutanées ou urinaires.

Nous continuons aussi nos activités de soutien psychosocial avec les enfants d’une part et nous mettons en place des groupes de paroles pour les adultes.

La Croix-Rouge française participe également avec d’autres Croix-Rouge partenaires (Croix-Rouge finlandaise, Croix-Rouge suédoise , Croissant Rouge Qatari) aux équipes de réponse à l’urgence dans le secteur de la Santé, sous coordination de la Fédération Internationale de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge. Ces équipes, fixes ou mobiles, sont engagées, auprès des populations regroupées dans les camps spontanés installés dans la ville de Port-au-Prince, dans l’offre de soins de santé primaire et la vaste campagne de vaccination organisée par l’Organisation Mondiale de la Santé et le Ministère de la Santé haïtien

A plus long terme, quels sont les projets de la CRF à Port-au-Prince?

La Croix-Rouge française soutient la Croix-Rouge haïtienne depuis plus de dix ans, sur des thématiques comme l’eau et l’assainissement, l’abri, la santé ou la réduction des risques de catastrophes. Forts de cette relation de confiance, nous serons assurément présents aux côtés de la société nationale dans les années à venir.

En eau et assainissement, nous allons poursuivre notre activité à Port-au-Prince, en raccordant nos installations de distribution d’eau potable au réseau de la ville.

En santé, l’objectif est de pérenniser l’activité des deux dispensaires en place ou de les rattacher à des structures existantes. Nous sommes par ailleurs en train de lancer un projet avec l’hôpital Ofatma , en partenariat avec la Croix-Rouge haïtienne, le ministère de la Santé et des Affaires sociales, ainsi que Handicap international, avec la création d’un service de médecine physique, de rééducation et réadaptation, pour prendre en charge les patients traumatisés par le séisme et faciliter leur réinsertion, en particulier les personnes amputées.

Allez-vous intervenir hors la capitale ?

Oui, nous allons travailler sur d’autres zones affectées par le séisme, Petit-Goâve et Léogâne (en cours d’évaluation, notre engagement reste à confirmer) où nous allons participer à la réhabilitation des réseaux d’eau. Dans le bas Artibonite, zone historique de collaboration entre la Croix-Rouge haïtienne et la Croix-Rouge française, nous allons reprendre nos activités qui avaient été suspendues après le séisme. Nous allons aussi lancer des évaluations pour l’ouverture de nouveaux projets dans le Nord de l’Artibonite.

En santé, conformément à notre logique d’approche intégrée, nous allons travailler à Petit-Goave, en renforçant des structures de santé primaire et des postes de premiers secours en zone rurale. A moyen et long terme, nous allons aussi nous engager dans un partenariat avec l’hôpital de la ville.

Enfin, nous allons supporter la Croix-Rouge haïtienne dans l’installation d’un camp à Croix-des-Bouquets, toujours selon une approche intégrée. L’idée est d’avoir un camp à taille humaine, où nous pourrions installer des familles vulnérables et créer, avec des abris semi-pérennes, des structures d’eau et assainissement, des soins de santé, du soutien psychosocial, de l’éducation… Il s’agit aussi de créer des activités génératrices de revenus afin que ce site ne soit pas seulement un camp « dortoir ».

L’objectif est bien de sortir la population d’une logique de survie, de lui offrir des perspectives d’avenir social et économique, en impliquant directement la communauté dans l’action.

La commissaire européenne à l’aide humanitaire salue le travail de la Croix-Rouge française

La commissaire européenne à l’aide humanitaire, Kristalina Georgieva, était en visite officielle en Haïti en début de semaine et a pu visiter l’un des camps de rassemblement où la Croix-Rouge haïtienne et la Croix-Rouge française ont déployé l’aide en termes d’eau et assainissement et en abris. Dans ce camp de Charbonnière, sur la commune de Delmas, la Croix-Rouge française a installé des réservoirs d’eau potable pour desservir quelques 10.000 personnes, construit latrines et douches pour la communauté et distribué près de 400 tentes.

Mardi 2 mars, accompagnée par une délégation de la Commission européenne et l’équipe de la Croix-Rouge française, la commissaire a pu apprécier le travail réalisé. « Mme Georgieva a particulièrement apprécié nos systèmes d’assainissement et notre approche communautaire qui vise à responsabiliser les populations et à les impliquer dans l’installation, la gestion et la maintenance des structures. », selon Florent Del Pinto, chef de délégation en Haïti.

Laetitia Martin Déléguée Info

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