Les premiers à adhérer aux idées de Dunant en France et à s’investir pour la réalisation de ses projets font partie d’une élite aristocratique de l’époque. C’est auprès d’eux que le fondateur a prospecté pour constituer un réseau influant, en mesure de consacrer du temps mais aussi des moyens.

Des origines aristocratiques

Au XIXème siècle, l’ensemble des familles françaises est concerné par l’absence quasi-totale de soins aux soldats qui donnent leur vie. De hauts militaires vont porter cette cause, aristocrates souvent, hommes de loi (Louis Renault), hommes de science, dont le propre médecin de Napoléon III, mais aussi des industriels et des financiers (Alphonse de Rothschild).

Ils font, de fait, profiter l’association de leur expérience, de leurs réseaux sociaux mais aussi de leurs biens... Leur rôle est de trouver des financements pour acquérir du matériel de secours aux blessés de guerre, provoquer des innovations en la matière, susciter des vocations au volontariat, trouver du personnel sanitaire en cas de conflit.

Lorsqu’éclate la guerre contre la Prusse en 1870, suivie des évènements de la Commune, ils sont en mesure de provoquer sur l’ensemble du territoire la création de 400 comités de bénévoles.

Les volontaires sont au rendez-vous, collectent des fonds, envoient secours et messages familiaux aux prisonniers de guerre, montent des ambulances.

Une histoire de femmes

La Société de secours aux blessés militaires (SSBM), est affaire d’hommes, cependant, la base active va vite se constituer de femmes !Marquées par le départ au combat de leurs fils et maris, ces femmes patriotes voient dans la Croix-Rouge l’occasion de participer à la défense de la France. En soignant les soldats blessés elles jouent ainsi un rôle à part entière.

Si elles ont leur place au sein des comités – au vestiaire et à la communication –, elles veulent surtout être actives et opérationnelles en cas de conflit. Or, face au manque d’hommes volontaires disponibles et aux lacunes en matière de formations aux soins, elles poussent à la création de l’enseignement sanitaire.

Cette volonté sera à l’origine des premières formations d’infirmières, dont le rôle sera salutaire pour les hôpitaux militaires en 1914-1918 !

Malheureusement, au lendemain de 1870, la proposition n’est pas entendue dans un premier temps par la SSBM. Les meneuses font donc sécession et créent leur propre association en 1879 : l’Association des Dames Françaises, première société de femmes à porter secours aux blessés militaires en France. Une seconde scission suit en 1882, donnant naissance à l’Union des Femmes de France. Ces trois associations composeront, jusqu’à leur fusion en 1940, la Croix-Rouge française.

Composition des premiers réseaux bénévoles

Le principe judéo-chrétien de charité est très présent dans la société française du XIXème siècle et la Croix-Rouge en propose une approche nouvelle.

Se côtoient ainsi à la Croix-Rouge, Catholiques, Protestants et Juifs, unis dans un même but. Les premiers membres actifs sont les notables locaux : députés, maires, instituteurs, hommes de loi et de médecine, grands propriétaires, industriels....

On trouve par exemple, dans les grandes régions industrielles, les dirigeants de société comme Kœchlin-Schwartz (Alsace), Wendel (Lorraine), Cointreau (Angers), Polignac (Reims). Les mères, épouses et filles y sont très actives.

L’éducation morale et domestique des jeunes filles de bonne famille passe aussi par l’apprentissage des soins, qu’elles acquièrent en passant le diplôme simple de dame infirmière. Cette base leur sera très utile lorsque nombre d’entre elles décideront de s’engager auprès de la Croix-Rouge au cours des deux guerres mondiales.

Parmi elles, de grands noms : la fille de Georges Clémenceau, la mère de Saint-Exupéry, de grandes aristocrates, les mères de grands hommes qui s’engageront à leur tour, comme René Cassin ou Louis Pasteur Vallery-Radot. De grandes anonymes aussi, généralement femmes de tête et au fort tempérament.

Démocratisation

Lorsqu’en 1919 la Croix-Rouge se donne comme nouvelle mission le soutien sanitaire des populations civiles, elle attirera de nouveaux visages et une plus grande diversité parmi ses membres.

La majorité de la population travaille en effet de 10 à 12 heures par jour, 7 puis 6 jours par semaine...

Ceux qui s’investissent à la Croix-Rouge sont ceux qui disposent de moyens suffisants pour ne pas avoir à travailler. Cependant, la volonté d’ouverture au plus grand nombre, quelle que soit leur origine, est grandissante.

L’engagement bénévole va peu à peu attirer la bourgeoisie, puis les classes moyennes. Si l’instauration des congés payés et de la semaine de 40 heures en 1936 donnent aux classes populaires la possibilité de donner de leur temps, c’est au cours de la seconde guerre mondiale que cet appel à toutes les bonnes volontés va jouer le plus et sera déterminant pour la suite.

1939-1945 est une phase charnière pour la démocratisation de l’accès au bénévolat et pour une plus grande parité entre les hommes femmes.

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