C’est véritablement après 1940 que la Croix-Rouge à travers ses membres devient un microcosme de la société française. La guerre a suscité un grand élan de solidarité national. Chacun donne de son temps à sa manière, de la confection de colis et de lainages pour les prisonniers de guerre au secours des victimes des bombardements, en passant par l’accueil des rapatriés des camps…

La guerre et les secouristes

Beaucoup de bénévoles prennent des risques durant la seconde Guerre Mondiale, comme ces convoyeuses qui intègrent des enfants juifs aux groupes d’enfants éloignés en train vers les campagnes, les arrachant ainsi à la déportation. Tout comme ces secouristes qui perdent la vie, durant les combats de la libération, malgré le brassard qui les distingue et aurait dû les protéger...

Le secourisme est un facteur important d’une plus grande ouverture au bénévolat. Les dirigeants de la Croix-Rouge poussent à un recrutement plus massif : il faut ouvrir les rangs, apprendre au plus grand nombre à apporter les premiers secours, être à l’écoute des besoins de la population…

Ces arguments seront le grand leitmotiv de l’après-guerre, avancés en novembre 1951 par le premier bénévole d’entre tous, le Président de la Croix-Rouge française, Georges Brouardel : « Si l’on veut une Croix-Rouge qui soit de plus en plus populaire, très largement ouverte à tous, ou chacun puisse travailler côte à côte avec l’artisan, l’employé et l’ouvrier, il faut développer le secourisme. »

Ouverture, démocratisation, parité

Comme les infirmières avant guerre, les secouristes représentent par la suite l’essentiel des effectifs bénévoles.

Dès 1956, un nombre important d’ouvriers, apprentis, employés se mêlent aux étudiants, médecins et ingénieurs. Au sein des camps de chefs d’équipes, les futurs responsables, venus de toute la France, également répartis entre hommes et femmes, ont en moyenne entre 20 et 25 ans.

L’association se positionne aussi comme une force morale : « Etre membre de la Croix-Rouge, c’est s’efforcer soi même d’être un homme, mais c’est aussi s’employer à ce que chacun le soit ou puisse le devenir, dans la plénitude de ses moyens » (Vie et Bonté n°74, avril 1956).

Libres et conscients de leur choix d’engagement, ils prêtent serment. Le secourisme permet aussi de « donner à la jeunesse l’occasion de fournir dans nos rangs un effort bénévole, d’affirmer sa personnalité et de jouer un rôle positif » (André François-Poncet, Président de la Croix-Rouge française, 1965).

Cette jeunesse du bénévolat, surreprésentée chez les secouristes, est appelée de tout cœur par tous les présidents successifs, mais, jugée trop remuante, n’est pas toujours du goût des bénévoles de l’ancienne école. La question est ouvertement discutée, et si l’on refuse « les préjugés et la méfiance des personnes vivant plus dans le passé, qui restent attachées au caractère aristocratique de la Croix-Rouge des origines » (André François-Poncet, 1967) on rappelle aussi à l’ordre les garçons aux cheveux longs et les filles en mini-jupes !

Toutefois, en 1970, en dépit de la « crise de la jeunesse » qui secoue la société, 25% des bénévoles ont moins de 25 ans, 50% entre 25 et 37 ans.

Parallèlement, la nécessité de la diversité s’impose. En octobre 1960, à Alger en pleine guerre de décolonisation, on nomme pour la première fois un directeur départemental musulman, originaire d’Algérie.

En 1970 comme en 1956, on constate que toutes les catégories socioprofessionnelles sont représentées. L’équilibre d’avant-guerre est définitivement inversé : la Croix-Rouge compte moins de membres issus des classes dirigeantes, en faveur d’une plus grande représentation des classes moyennes et ouvrières.

Interaction, échange, adaptation

Au début des années 1970, le bénévolat au sein de la Croix-Rouge fait l’objet d’une autocritique en vue d’étudier son adaptation à l’évolution du monde moderne. Une politique unique de volontariat applicable aux salariés comme aux bénévoles est envisagée. Les jeunes retraités qui peuvent apporter des compétences professionnelles en tant que bénévoles sont particulièrement visés dans les recrutements.

Enfin – c’est un constat de longue date –, la bonne volonté ne suffit pas. Les volontaires doivent ainsi être orientés dans les branches qui répondent à leurs compétences. A cela s’ajoute la création de formations spécifiques qui leur permettent d’évoluer et de s’épanouir à la Croix-Rouge. En ce sens, 1975 est une année de réflexion générale.

Dans les années 1980, face à la montée de l’individualisme dans une société de consommation en crise, face aussi à la désagrégation des liens traditionnels, le bénévole trouve dans l’équipe qu’il intègre un nouveau cercle, un nouveau sens social. L’association écoute ses bénévoles qu’elle ne conçoit pas uniquement comme des troupes agissantes. Enfin, on trouve de plus en plus parmi les bénévoles d’aujourd’hui, des bénéficiaires d’hier.

C’est un véritable dialogue qui s’instaure, pour mieux recruter, mais aussi pour répondre aux attentes des volontaires.

Dans ce lieu de démocratie par excellence qu’est l’association, l’engagement est libre et l’échange primordial. La multitude des aspirations individuelles est un gage de richesse dans les réflexions, avec un objectif commun à toutes : la solidarité. L’engagement bénévole est ainsi devenu un acte de citoyenneté essentiel.

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