Projet REPAIR - L'histoire de Cynthia
Publié le 15 avril 2025

« Je suis originaire de la République démocratique du Congo (RDC). Je travaillais comme infirmière à Goma, mais ma famille a été persécutée par le régime en place et nous avons dû fuir. J’ai quitté la RDC en 2014 et j’ai trouvé refuge en Afrique du Sud avec mes deux enfants – mon fils, qui avait trois ans à l’époque, et ma fille, qui en avait quatre.
Je travaillais dans un salon de coiffure pendant la journée et, le soir, je travaillais avec la Croix-Rouge, où je m’occupais de personnes qui avaient besoin d’aide à domicile. En mars 2018, mon mari nous a rejoints à Pretoria et a ouvert un petit magasin. La vie n’était pas facile, nous étions souvent menacés parce que nous étions étrangers, mais nous nous en sortions.
En août 2019, des violences ont éclaté. Ce soir-là, mon mari n’est pas rentré à la maison. Je l’ai cherché avec l’aide d’amis congolais, mais il n’y avait aucun signe. Dans les jours qui ont suivi la disparition de mon mari, j’ai commencé à me sentir visée à mon tour.
À la mi-septembre 2019, j'ai décidé de quitter l’Afrique du Sud avec nos deux enfants. Un passeur a organisé pour nous un vol de Pretoria à Paris. À notre arrivée en France, j’ai immédiatement déposé une demande d’asile. N’ayant toujours pas de nouvelles de mon mari, j’ai déposé une demande de recherche auprès du bureau de rétablissement des liens familiaux (RLF) de la Croix-Rouge à Amiens en France en décembre 2021. Les bénévoles de la Croix-Rouge m›ont aidée à remplir les formulaires et ont transmis la demande de recherche au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Pretoria.
Fin décembre 2022, un ancien ami d’université de mon mari a envoyé un message via le site Internet « Trace The Face » du CICR, indiquant que mon mari vivait avec lui au Botswana. Après vérification, la Croix-Rouge du Botswana a confirmé qu’il s’agissait bien de mon mari. J’ai appris cette nouvelle en janvier 2023 – je ne m’y attendais pas, mais nous avons immédiatement commencé à penser à la réunification familiale. Mes enfants et moi avions obtenu la protection subsidiaire en août 2022, nous étions donc éligibles, mais nous devions agir rapidement car le permis de séjour de mon mari au Botswana allait expirer au début du mois de mars 2023.
La Croix-Rouge française a contacté le CICR à Pretoria et la Croix-Rouge au Botswana pour se renseigner sur le renouvellement du permis de séjour de mon mari, ou pour trouver un autre moyen pour qu’il puisse entamer la procédure de réunification familiale.
Mais lorsque la Croix-Rouge du Botswana a contacté les autorités pour clarifier cette information, elle les a alertées de sa situation irrégulière et il a été convoqué par les services de l’immigration. Après plusieurs heures de discussion, et avec l’aide de son ami, les autorités ont accepté de prolonger son séjour d’un mois, mais seulement en échange d’une compensation financière.
Pour demander la réunification familiale, nous devions prendre rendez-vous avec le poste consulaire français compétent. Or, il n’était pas possible d’entamer la procédure au Botswana car le poste consulaire français n’y délivrait pas de visa de long séjour. Face à ces difficultés et à l’urgence de la situation – le permis de séjour de mon mari était à nouveau sur le point d’expirer – nous avons commencé à examiner les possibilités pour mon mari de demander un visa pour la France dans un autre pays. La situation en Afrique du Sud était encore trop dangereuse en raison de la violence persistante à l’encontre des étrangers, et cette option n’était donc pas envisageable.
Malgré les risques encourus, la seule option que nous pouvions envisager était que mon mari retourne en RDC et qu’il reste caché pendant qu’il demande son visa là-bas. La Croix-Rouge française nous a aidés à constituer son dossier de demande de visa et à prendre rendez-vous avec l’ambassade de France à Kinshasa.
Il devait quitter le Botswana pour se rendre en RDC à la fin du mois d’avril, mais après son départ, nous avons de nouveau perdu le contact. Pendant des semaines, nous ne savions pas s’il s’était passé quelque chose pendant le voyage ou s’il était même arrivé en RDC.
A la mi-mai 2023, j’ai reçu un appel du Bureau RLF à Amiens : mon mari était arrivé en France quelques jours plus tôt. Il était arrivé par ses propres moyens à Paris et cherchait à nous rejoindre à Amiens. Entre surprise et soulagement, j’ai réalisé qu’il ne s’était pas rendu en RDC, ni au rendez-vous avec l’ambassade de France.
J’ai attendu d’entendre sa voix pour croire que c’était lui avant de le dire aux enfants. Ils ont beaucoup souffert de la séparation d’avec leur père, surtout notre fils qui a été particulièrement affecté par son absence.
D’autres difficultés sont apparues à son arrivée : il n’était pas entré dans le pays par la procédure de réunification familiale et n’avait pas de droit de séjour. Comme mes enfants et moi-même bénéficions de la protection subsidiaire, le principe de l’unité familiale ne s’applique pas et il n’a pas non plus le droit de demander le séjour par cette voie. Il a dû déposer sa propre demande d’asile, seul moyen pour lui d’obtenir le droit de séjour, même si nous – sa famille – sommes déjà ici ».
*le nom a été modifié