Assis autour de la large table grise, les bénévoles sont prêts à décrocher le combiné. Nous sommes ici sur le plateau téléphonique de Croix-Rouge bonjour, dédié à la crise en Ukraine. Grâce à ce dispositif, réfugiés, associations et toute personne voulant aider peuvent joindre nos volontaires pour s’informer. Et parfois, simplement, discuter.

“La première question que j’ai eue, c’était par rapport à la protection temporaire. La jeune femme, d’une trentaine d’années, arrivait en région parisienne et voulait avoir des informations pour bénéficier de cette protection, mise en place par l’Etat”, raconte Lucie, bénévole sur le plateau téléphonique de Croix-Rouge bonjour.

Croix-Rouge bonjour est sorti de terre en à peine 3 semaines. Et a pour objectif d’organiser l’accueil des personnes fuyant le conflit à travers une palette de services, dont une plateforme téléphonique. Ici ce sont les bénévoles qui décrochent le combiné et répondent du mieux possible aux questions de celles et ceux voulant aider les réfugiés, mais aussi des réfugiés eux-mêmes.

Course d’orientation

“Les bénévoles sont arrivés le lundi 28 mars sur la plateforme”, précise Estelle Kasidis, chargée de mission orientation. Cette ligne téléphonique est principalement  dédiée aux aidants - c’est-à-dire les personnes qui, à titre privé, veulent par exemple héberger des familles chez elles - mais aussi aux bénévoles de la Croix-Rouge ainsi qu’à toute autre association ayant besoin d’informations.

Depuis son lancement, quelques demandes spécifiques s’imposent : “Je veux héberger des personnes fuyant l’Ukraine, quelle est la marche à suivre ? Que dois-je faire pour me signaler en tant qu'hébergeur ? J'accueille actuellement une famille, mais je ne souhaite plus l’héberger, comment puis-je faire ?”, énumère la chargée de mission. Sans oublier les questions relatives à l’accès à la nourriture, aux soins et aux démarches administratives. 

Bagage émotionnel

Derrière le côté quasi-logistiquede ces appels, l’émotionnel se mêle, inévitablement. “Dernièrement, on a eu le cas d’un monsieur qui souhaitait faire venir une amie Ukrainienne de longue date et sa fille. Il a pleuré pendant une demi-heure au téléphone. Il n’avait pas spécialement besoin de nous pour avoir des informations, il avait déjà tout en main. Mais il voulait parler, être écouté”, se remémore Estelle Kasidis.

C’est pourquoi la formation des bénévoles répondant au téléphone est primordiale. Avant de venir sur site, ils doivent obligatoirement se former en ligne sur les premiers soutiens psychologiques, le deuil, etc. “Ici, on prend le temps de faire les choses, d’écouter, de communiquer les bonnes informations, et de comprendre les demandes implicites et explicites. Car les aidants qui nous téléphonent ont besoin d’aide : l’idée est de leur proposer également des solutions pour eux, pas seulement pour les familles qu’ils reçoivent”.

“J’étais à la Croix-Rouge pendant le conflit”

Si le processus de formation est long pour espérer être paré face aux situations exposées, Estelle Kasidis constate un investissement intense de la part des bénévoles. C’est le cas de Lucie, présente depuis l’ouverture de la ligne : “Je suis très contente de faire cette mission”, confie-t-elle. Lors de ses appels, les “orientations” se sont bien passées, “à chaque fois j’ai eu l’impression que les informations étaient accueillies avec beaucoup de gratitude et de soulagement. Je voyais une différence de ton entre le début de l’appel - où les gens sont assez tendus - et la fin”.

Même son de cloche du côté d’Anastasia, qui, à son grand regret, n’a pas encore décroché le téléphone. “J’espère prendre un appel aujourd’hui !”, s'enthousiasme-t-elle. “Je ne pouvais plus rester à la maison à regarder les nouvelles. Je suis Russe, j’ai ressenti beaucoup de choses vis-à-vis de mon pays et je voulais agir, pour dire plus tard à mes enfants ‘J’étais à la Croix-Rouge pendant le conflit’”. Et ajoute, sourire aux lèvres : “c’est peut-être prétentieux, mais je suis très fière de moi, je suis fière d’être ici”.

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