© Christophe Hargoues Elle a débarqué à Strasbourg en juillet 2022 sur les conseils d’un ami qui vit ici. Sa fille Maria l’a suivie, les deux autres n’ont pas voulu quitter leur mari ni leur pays, plongé en plein conflit. Comme de nombreux ressortissants Ukrainiens, Zina est d’abord venue à la Croix-Rouge française pour ses démarches administratives et bénéficier d’une aide alimentaire. De cette rencontre est née une belle histoire. Aujourd’hui, Zina est bénévole et c’est ce qui la fait tenir debout.

La distribution alimentaire débute à 14 heures mais une demi-heure avant, une petite foule se masse déjà au portail de l’unité locale. Une certaine tension règne avant l’ouverture des portes, des enfants pleurent, des disputes éclatent. Les plus fragiles sont prioritaires. Une petite femme blonde se faufile parmi eux et argumente avec douceur mais fermeté pour rétablir le calme et expliquer la marche à suivre. Parmi toutes les nationalités présentes, nombre de ses compatriotes sont dans la file d’attente. Zina leur explique les consignes en ukrainien, ce qui les rassure immédiatement. Elle sait mieux que quiconque dans quel état d’inquiétude voire de détresse ils se trouvent, elle qui comptait parmi eux il y a 6 mois encore. Désormais, c’est en tant que bénévole qu’elle vient ici chaque semaine « pour aider un peu ces familles, rendre ce qu’on m’a donné lorsque je suis arrivée à Strasbourg en juillet dernier, avec ma fille dans une main, ma valise dans l’autre ».

Aider les autres pour ne pas tomber

Zina est une boule d’énergie. Elle irradie dans sa chasuble Croix-Rouge, s’active sans ménagement parmi les autres bénévoles, au milieu des étagères remplies et des cagettes de légumes. Elle rit à gorge déployée, Zina, et détend l’atmosphère avant le rush. Dès que les premiers arrivants affluent à l’entrée commence alors un ballet continu de sacs, de caddies, de paniers et de discussions dans toutes les langues. Zina s’est imposée par cette énergie et cette volonté d’aider qui l’habitent et elle a trouvé en ces murs une raison de se lever le matin. Le président de l’unité locale, Jean-Jacques Muller, l’a vite compris. Lui et son équipe ont repéré les qualités de Zina lors de son stage en immersion professionnelle. Durant ce stage de trois semaines, les personnes viennent pratiquer le français à travers des activités – domiciliation, aide alimentaire ou vestimentaire. « Zina a aussitôt exprimé son désir d’être bénévole », se souvient le responsable de la structure, « et on a accepté, même si son français laisse encore à désirer ! Elle est incroyable ! »

Zina ne cesse de dire sa reconnaissance envers la Croix-Rouge française et la France qui l’a accueillie avec tant de bienveillance. Pour gagner un peu d’argent, elle travaille à l’Arasc, qui est à la fois une entreprise d’insertion et une association d’aide à domicile sur le territoire de Strasbourg. « Je m’occupe de personnes âgées. Elles ne me comprennent pas toujours, moi non plus, mais on s’aime beaucoup et on se fait du bien ! », dit-elle en joignant les mains sur son cœur.

« Elle sourit, maman »

Comme sa ville d’origine, Odessa, qui fut l’un des premiers objectifs visés par “l’opération militaire russe”, elle est toujours débout. Zina résiste. À la peur permanente pour ses deux filles et sa petite fille restées en Ukraine et qu’elle appelle tous les jours. À la tristesse de voir sa famille déchirée par ce conflit. À l’incertitude quant à l’avenir.

« Je suis incapable de me projeter, d’imaginer un retour possible. Je vis au jour le jour, j’attends juste la fin de la guerre », dit-elle, les yeux embués. « Dans mon pays, il y a cette expression : ‘’Elle sourit, maman’’. Ça veut dire que tout va bien. Oui, mais derrière le sourire, il y a tout ce qu’on cache », avoue-t-elle, la voix tremblante. Zina porte sa chasuble comme une carapace, son sourire comme une arme contre l’inquiétude et le désespoir. Chacun fait comme il peut.

Géraldine Drot

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