L’image de l’ange blanc, issue de la Grande Guerre, a traversé toutes les époques. Il faut dire que l’infirmière a été de toutes les guerres et grandes tragédies. Elle est aussi inextricablement liée à l’histoire de notre association et son passé d’auxiliaire des services de santé des armées.

La guerre de 1914-1918 va marquer un tournant dans la reconnaissance du statut et du métier d’infirmière qui se démocratise à travers le développement des dispensaires-écoles et la création d’un diplôme d’Etat en 1922. Que reste-t-il de cet héritage ? Comment ont évolué le métier et la formation ? Y-a-t-il une spécificité Croix-Rouge ? Béatrice Fetiveau, directrice de notre institut de formation en soins infirmiers (IFSI) Paris Didot, nous livre son regard à l’occasion de la Journée internationale de l’infirmière.

Béatrice Fetiveau, directrice de notre institut de formation en soins infirmiers (IFSI) Paris Didot
Béatrice Fetiveau, directrice de notre institut de formation en soins infirmiers (IFSI) Paris Didot

QUEL REGARD PORTEZ-VOUS SUR L’HISTOIRE DES INFIRMIÈRES, SUR LEUR ENGAGEMENT DANS LES CONFLITS ET LES GRANDES CATASTROPHES ? EST-CE IMPORTANT POUR VOUS DE MAINTENIR CETTE MÉMOIRE, CET HÉRITAGE ?

J’ai une admiration sans borne pour ces femmes qui s'engagaient bénévolement pour soigner les soldats blessés ou malades, par patriotisme et par charité, parfois au péril de leur vie. Elles adhéraient à la Croix-Rouge pour la cause. Notre ancrage dans l’histoire de ces infirmières est très fort. Vous savez, l’IFSI où nous nous trouvons se trouve dans le berceau du premier dispensaire-école de la Croix-Rouge créé en 1899, à deux pas d’ici, dans le quartier Plaisance. Nous nous inscrivons dans les pas de Léonie Génin, sa fondatrice, qui prendra ensuite la tête du premier hôpital-école de la Croix-Rouge française et formera plusieurs générations d’infirmières. Léonie Chaptal, instigatrice de la formation d’assistante sociale en France, fait aussi partie de la première promotion. Et puis, nous conservons des liens de partenariat importants avec tous les hôpitaux de l’armée, du fait de notre statut d’auxiliaire des services de santé de l’armée . En ce sens, il y a indéniablement un fil rouge entre hier et aujourd’hui.

EST-CE IMPORTANT POUR VOUS DE MAINTENIR CETTE MÉMOIRE, CET HÉRITAGE ?

Absolument, et je m’efforce de rappeler nos valeurs aux étudiants à chaque rentrée ! Je les préviens qu’en portant une blouse avec l’emblème de la Croix-Rouge, ils deviennent membres de l’association et se doivent de l’honorer, de respecter ses principes et d'être irréprochables. Et puis, je les invite à participer aux cérémonies du ravivage de la flamme sous l’Arc de Triomphe. Ce moment solennel où défilent les bénévoles et les étudiants des centres de formation est très fort et nous rappelle chaque année l’engagement des personnels soignants durant les guerres passées. Cela touche beaucoup nos étudiants. Ils prennent alors conscience de leur particularité et de leur appartenance à la Croix-Rouge française. Cela fait parfois écho à leur propre engagement, même si aujourd’hui, on parle plutôt de motivation. Leurs parents y sont sensibles eux aussi, ils se sentent en confiance.

QU’EST-CE QUI FAIT LA SPÉCIFICITÉ DE NOS FORMATIONS JUSTEMENT ? NOTRE EMBLÈME EST-IL TOUJOURS AUSSI RICHE DE SENS DANS LES MÉTIERS DU SOIN ?

Il y a indéniablement une "école Croix-Rouge" reconnue dans le milieu professionnel pour la qualité de son enseignement et pour ses valeurs : la rigueur, la droiture, l’humanité, les qualités morales… sont toujours de mise. D’ailleurs, nous ne cherchons pas à former de purs techniciens mais de futurs professionnels capables de prendre en charge la personne de façon holistique, en tenant compte de son environnement social, familial, de son parcours, de ses difficultés… La personne dans son entièreté. Nos étudiants qui ont pu expérimenter les maraudes, par exemple, auront un regard différent lorsqu’ils se retrouveront en poste aux urgences ! Ce supplément d’humanité, cette sensibilité, c’est en quelque sorte notre marque de fabrique et c’est ce que nous essayons de transmettre.

Par ailleurs, nous nous attachons à proposer un accompagnement personnalisé des étudiants. Nos formateurs prêtent une attention particulière aux élèves en difficulté. Nous les aidons à monter en compétences, à rebondir lorsqu’ils ont été en situation d’échec scolaire, à leur donner un environnement stable quand ils ont connu des parcours accidentés. Et puis, nous les mettons en relation avec des unités locales et l’épicerie sociale de Paris quand ils sont en situation de précarité.

ON EST DONC LOIN DE L’INFIRMIÈRE-ICÔNE ISSUE DE L’ARISTOCRATIE, QUI S’ENGAGEAIT POUR SERVIR UNE CAUSE, N’EST-CE PAS ?

En effet, les temps ont changé ! La création du diplôme d'État en 1922 a été le premier jalon pour une profession qualifiée et salariée. Jusque tard, nos écoles ont conservé une image de formation quelque peu élitiste, à forte vocation.. L'intégration du cursus de formation dans Parcours Sup il y a trois ans a considérablement modifié le profil des étudiants. Nous sommes entrés dans un système universitaire ouvert à tous.Les élèves viennent donc de milieux sociaux différents et ont des niveaux scolaires très disparates. Et puis, leurs exigences sont plus fortes. Les jeunes ne veulent plus travailler la nuit, le week-end, faire des heures supplémentaires… Ils ne sont pas prêts à tous les sacrifices. Ceci dit, nous assistons à un regain d’inscriptions lors de chaque crise. Ce fut le cas après les attentats de 2015 comme lors des crises sanitaires récentes, que ce soit la grippe H1N1 ou en période de Covid-19. Alors, l’envie de s’engager pour la Croix-Rouge et la fierté de participer à une mission de santé publique sont bien réelles. Les étudiants retrouvent le sens du métier.

ENTRE L’INFIRMIÈRE D’HIER ET CELLE D’AUJOURD’HUI, QU’EST-CE QUI PERDURE FINALEMENT DANS LA FORMATION ?

Le principal : l’empathie et le prendre soin, au-delà de l’acte médical ; la dimension humanitaire en filigrane. Notre formation repose depuis toujours sur un savant mixage entre la théorie et la pratique. Les premières infirmières avaient déjà l’obligation d’effectuer des stages en hôpital civil ou militaire pour mettre en œuvre leurs connaissances. Des compétences techniques sont exigées, certes, mais la posture, la relation au patient comptent tout autant. Tout cela s’apprend, et c’est aussi ce qui donne tout son sens aux métiers du soin.

Le musée de la Grande Guerre de Meaux  rend hommage aux infirmières mobilisées durant le conflit de 1914-1918 à travers une exposition intitulée « Héroïnes silencieuses de la « Infirmières, héroïnes silencieuses de la Grande Guerre » (jusqu’au 31 décembre 2023).

Pendant toute la durée de l'exposition, un tarif réduit est appliqué aux infirmiers sur présentation d'un justificatif à l'accueil du musée. L'entrée du musée est gratuite tous les 1ers dimanches du mois.

Géraldine Drot

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