Sur une chaise ou en fauteuil roulant, le yoga s’invite à l’Ehpad
Publié le 10 octobre 2024

On se presse devant le portail de la Roseraie ce mercredi matin. Tapis de gym sous le bras, deux pétillantes Lyonnaises sont impatientes de rentrer : « On vient pour la séance de yoga, mais on est peut-être un peu en avance », plaisante Naïma, habitante du Vieux Lyon depuis 68 ans, qui ignorait jusqu’à présent que notre établissement organise des animations pour tous : « Quand j’ai vu cela dans le programme municipal, je me suis inscrite tout de suite ! ».
Un lieu de vie, ouvert sur la ville
Gérée par notre association depuis 2012, la Roseraie accueille 70 résidents dont l’état de santé nécessite une surveillance constante et des soins réguliers. Et leur bien-être est primordial. « C’est un lieu de vie où il y a de la joie, des activités intergénérationnelles et créatrices de lien social. Nous devons être ouverts sur l’extérieur, c’est aussi notre rôle », souligne Dalila Setti, sa directrice. Pour mener à bien cette mission, la Stéphanoise peut compter sur le dynamisme de son animatrice Anne-Sophie Hollebecque. Après avoir été chercher dans les étages une douzaine de résidents, la quarantenaire infatigable invite les cinq habitants du quartier à prendre place dans la salle polyvalente située au rez-de-chaussée. « Moi aussi, je devrais peut-être faire du yoga ! », sourie-t-elle entre deux allers-retours. Son objectif est clair : « Montrer qu’il y a encore de la vie ! L’Ehpad fait peur, les gens n’osent pas rentrer alors qu’en fait, ils sont bien accueillis ». En apportant à nos résidents des activités qu’ils ne peuvent plus faire dehors, l’animatrice fait venir la ville entre les murs de l’établissement..
Une première séance de yoga mixte et réussie
Résidents et habitants s’installent en cercle, sur une chaise ou en fauteuil roulant, un tapis à leurs pieds. Valérie, professeure d’hatha yoga au Centre socioculturel du Point du Jour à Lyon, inaugure son premier cours en maison de retraite. « Réunir des gens de différents horizons me tient à cœur », s’enthousiasme l’ancienne travailleuse sociale. Formée en yoga thérapeutique à Bombay, l’enseignante adapte sa pratique à la mobilité de ses élèves en toute sécurité. « Fermez les yeux et écoutez votre respiration » : l’échauffement commence dans le calme. Les participants sont attentifs. Certains se sont mis à l’aise, pieds nus. On étire poignets, bras, hanches et jambes. Résidente depuis deux ans à la Roseraie, Catherine se découvre une souplesse inattendue. Chacun à son rythme, tous s’essayent aux quelques postures proposées. On échange des sourires complices et on prend exemple sur les voisins. Jeannine, la doyenne centenaire de la séance, passe en position debout presque sans effort. Assisté par Anne-Sophie, Jean-Pierre relève le défi de se redresser quelques secondes, aidé de ses béquilles, alias « ses copines ». Le cours se conclut sur une relaxation musicale. Quelques-uns bâillent, les visages sont détendus, beaucoup sourient. Nicole, une habitante du quartier de 77 ans, est conquise : « J’aimerais bien avoir ce genre d’activité quand je serai en maison de retraite, c’est formidable ! Je reviendrai sans problème ». Côté résident, même constat pour Ginette : « J’ai tout fait, même le « Om » à la fin. Il faut bouger. Maintenant que je suis en fauteuil, je ne marche plus. Ce n’est pas évident. Je suis contente d’avoir été mobilisée ».

« Ça fait du bien de voir des gens de l’extérieur, de parler, le contact », Ginette.
Dans la salle à manger, les yogistes de la matinée débriefent. « Quand on vit avec des personnes âgées, on a envie de voir d’autres individus que des personnes âgées ! C’était très agréable d’être avec Valérie, la professeure. On a passé un bon moment », confie Catherine à Monique. Si de nouveaux cours ont lieu, ça vaudrait le coup ! », rétorque la sœur de 90 ans. Vingt religieuses et un prêtre habitent notre résidence. Cela ne doit rien au hasard. Avant de devenir un Ehpad en 1971, le lieu était occupé par la communauté du Sacré-Cœur depuis le XIXe siècle. À 83 ans, Brigitte se souvient parfaitement : « Je suis arrivée au pensionnat pour jeunes filles ici en 1950. C’est pour cela que j’avais envie de revenir dans mon grand âge en cette maison. Ce n’est pas toujours facile, heureusement qu’il y a les sœurs ».
Place au jeu !
Tandis que l’heure est à la relève et à la passation d’informations entre les équipes soignantes, Anne-Sophie déambule dans les couloirs pour accompagner les participants au loto de l’après-midi. « Je vous ai réservé votre place comme d’habitude », explique-t-elle à Joséphine qui a mis une jolie robe à fleurs rouge et blanche pour l’occasion. Dans la salle polyvalente, on s’affaire sur les derniers préparatifs. L’animatrice peut compter sur ses deux résidentes assistantes. Sur L’accordéoniste d’Édith Piaf, Mado, toujours prête la première, entame quelques pas de danse en triant les jetons. Dans son fauteuil, Madeleine n’a pas une minute à perdre : « Mais je travaille aujourd’hui, c’est moi qui tire les boules du loto. Je n’ai pas le temps de boire un canon ! », s’amuse la Grenobloise de 97 ans qui se réjouit de la multiplication des activités depuis l’arrivée d’Anne-Sophie.

« Premier numéro tiré : le 2 ! », lance l’animatrice au micro. Une bonne vingtaine de résidents participent. Ouverte aux familles, l’activité mensuelle fait carton plein. Il faut tenir la cadence. Chantal et Clélia, bénévole et stagiaire à la Roseraie, aident nos résidents à lire les numéros et à placer les jetons sur les grilles. Quelques-uns sont des compétiteurs. Guy est incollable pour donner le nom des départements associés aux chiffres annoncés. Il est challengé de près par Georges, venu rendre visite à Giselle, sa cousine. Ginette, quant à elle, ne rate jamais un loto : « j’aime jouer et je viens pour l’ambiance. J’ai gagné de belles choses », précise la Poitevine de 77 ans en montrant une jolie montre rose à son poignet. À sa droite, Christine est venue encourager son mari Alain, l’expert loto de notre maison de retraite. Sans surprise, le nonagénaire gagnera deux fois cette après-midi. Il offrira son premier cadeau, un collier, à son épouse, ravie.
Pérenniser les activités accessibles à tous
Alors que le loto touche à sa fin, pas de temps à perdre pour Anne-Sophie. Dès le lendemain, la résidence organise un nouvel atelier ouvert à tous durant lequel deux conteuses relateront l’histoire des Mères lyonnaises en cuisine. Malgré un planning à cent à l’heure, l’animatrice tire un bilan très positif de la journée : « Le yoga, c’était canon. En ramenant les tapis prêtés par le centre social Point du Jour, j’ai rencontré la directrice. Nous projetons d’organiser des cours réguliers ouverts à tous à la Roseraie l’année prochaine. Je suis hyper contente parce qu’elle pense à nous et qu’elle veut le faire ici ». Pérenniser les activités ouvertes sur la ville, c’est la mission que s’est donnée notre maison de retraite. Elle est en passe de la réussir : ce qu’attendent avec enthousiasme nos résidents. Pour sûr, ils répondront présents.