C’était un 11 octobre, à 4 h du matin. Notre village a été attaqué et nous avons pris la fuite. Je vivais avec mes deux femmes et treize enfants mais dans la violence de l’attaque, j’ai perdu la trace de cinq d’entre eux. Ils sont aujourd’hui portés disparus.

Après notre fuite, nous avons passé trois jours sur la route à la recherche d’un lieu sûr, trois jours sans rien à manger. Avant, j’étais un homme prospère, et voilà qu’aujourd’hui je dépends entièrement de l’aide humanitaire. J’ai perdu mon bétail et toutes mes richesses. Je possédais plusieurs chèvres, deux chevaux, et une telle quantité de mil que je ne pouvais même pas la dénombrer. Il m’arrive de passer des journées entières sans manger, car je n’ai ni argent ni nourriture. Je n’ai pas de terre à cultiver. Alors je fabrique des sacs en espérant les vendre entre 1 et 2 euros l’unité. Personne ne les achète pour le moment, car les gens n’ont pas d’argent ici, mais je garde espoir. C’est ce qui me fait tenir : l’idée qu’un jour je pourrai à nouveau nourrir mes enfants grâce à mon travail.

Quand nous sommes arrivés au Tchad, l’une de mes femmes était enceinte. Un jour, elle ne se sentait pas bien. Je n’avais pas d’argent et l’hôpital se trouvait à 60 km, alors les humanitaires sont venus nous aider et l’ont évacuée. C’est dans ces conditions qu’elle a accouché. Depuis l’accouchement, il lui arrive encore de se sentir malade. Alors je l’amène à la clinique mobile de la Croix-Rouge, où elle peut recevoir un traitement gratuit. Sans ce soutien, nous aurions dû payer pour des soins, et voyez-vous, je n’ai rien à vendre ni personne pour me faire crédit. Je suis conscient que, par manque de moyens, j’aurais pu la perdre.

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