Tchad : une clinique mobile au secours des populations qui manquent de tout
Publié le 14 novembre 2025
Quel est le contexte humanitaire dans la région ?
L’est du Tchad accueille un nombre très important de réfugiés soudanais. Ils ont fui une guerre civile qui a entraîné l’une des pires crises humanitaires et de déplacement au monde. Dans cette partie du pays, le climat est extrêmement sec, il pleut à peine deux mois par an, les récoltes ne suffisent pas à nourrir les habitants, et l’arrivée massive de réfugiés a encore accru la pression sur les ressources locales. L’eau, les abris, les soins… tout manque.
Beaucoup de réfugiés ont fui dans la panique, laissant derrière eux leur maison, leurs biens, parfois leurs proches. Ils se retrouvent dans des villages d’accueil ou des camps, hébergés par des familles tchadiennes déjà très modestes. La plupart sont des femmes seules avec leurs enfants, séparées de leurs maris souvent restés au Soudan. Ces personnes ont besoin de soins, de nourriture, de protection, mais aussi parfois d’une simple écoute. Ce sont des vies brisées qu’il faut aider à reconstruire.
En matière de santé justement, pourquoi avons-nous mis en place une clinique mobile ?
Dans cette région, un des plus gros défis est celui de l’accès aux soins. Les centres de santé sont rares et très éloignés. Dans l’aire de santé de Bali, par exemple, une trentaine de villages dépendent d’un seul centre. Certaines familles doivent marcher 30 à 40 kilomètres avant de voir un infirmier. Les besoins dépassent largement les capacités des structures existantes.
Nous avons mené une évaluation en juin 2025 qui nous a permis de cibler deux aires de santé : Bali et Marassabré. La clinique mobile se déplace dans plusieurs localités — Bali Centre, Wiwat et le camp de réfugiés de Marassabré. Elle offre des consultations générales, des soins pédiatriques, des consultations prénatales et postnatales, ainsi qu’un soutien psychosocial pour les enfants et les femmes traumatisés par la guerre. Les soins sont gratuits et accessibles à tous, qu’ils soient réfugiés ou membres des communautés locales.
En trois mois, la clinique mobile a réalisé près de 4 000 consultations. Nous avons effectué 13 évacuations de patients graves, tous soignés avec succès. Ces résultats montrent à quel point le besoin est immense, mais aussi combien une action ciblée et coordonnée peut sauver des vies.
Et pour les cas les plus graves, comment se déroule la prise en charge ?
Lorsqu’un patient a besoin d’une prise en charge plus lourde, une ambulance le transporte gratuitement vers l’hôpital de référence le plus proche, situé à Guéréda, à environ 57 kilomètres. Tous les frais médicaux sont pris en charge par la Croix-Rouge, et nous apportons aussi une aide alimentaire au malade et à son accompagnant. C’est essentiel, car beaucoup viennent de loin et n’ont ni argent ni famille sur place. Cela garantit un vrai continuum de soins, malgré les distances et le manque d’infrastructures.
Y a-t-il une histoire qui t’a particulièrement marquée ?
Oui, plusieurs. Je pense à une femme atteinte de leishmaniose, une maladie provoquée par un parasite et à l'origine d'affections très invalidantes. Elle souffrait depuis plusieurs jours sans pouvoir dormir. Nous l’avons évacuée vers l’hôpital de Guéréda, où elle a reçu les soins nécessaires. En une semaine, elle allait mieux et a pu rentrer chez elle. Et puis, il y a cet enfant de 5 ans, arrivé dans un état de malnutrition sévère et de paludisme compliqué. Il était presque inconscient. Grâce à un donneur trouvé dans sa famille, il a pu être transfusé. Quelques jours plus tard, il riait à nouveau et reconnaissait sa maison : « C’est chez moi ! » Ces moments-là donnent tout leur sens à notre engagement.
Le soutien psychosocial occupe une place importante dans vos activités. En quoi est-ce essentiel ?
Parce que les blessures psychologiques sont profondes. J’ai en tête une jeune femme d’une trentaine d’années qui avait vu son oncle tué sous ses yeux au Soudan. Depuis, elle vivait dans la peur constante des hommes. Grâce au suivi psychosocial à la clinique, elle a pu se reconstruire peu à peu. Nous avons aussi mis en place un espace dédié aux enfants, avec des activités récréatives et des jeux. C’est un lieu où ils peuvent rire, jouer, et commencer à guérir du traumatisme de la guerre.
Cette clinique mobile n’est déployée que durant 3 mois. Quelle est la suite envisagée ?
Cette expérience nous a permis de mesurer l’ampleur des besoins, et nous avons déjà soumis une nouvelle proposition pour prolonger et élargir nos activités. La région de Guéréda compte à elle seule cinq camps de réfugiés, et une seule clinique mobile ne suffit pas. Nous espérons pouvoir en déployer d’autres dans les mois à venir.

Cette initiative a été rendue possible avec la participation du Centre de crise et de soutien (CDCS) du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Nous l’avons déployée dans le cadre du projet PHARE-u, un partenariat de réponse d’urgence entre le CDCS et la CRF. Le PHARE-u permet de financer des projets à court terme, destinés à répondre rapidement aux urgences.