Un an et demi après le séisme du 12 janvier, 700 000 Haïtiens vivent encore dans les camps de Port-au-Prince. La problématique de l’habitat demeure cruciale, d’autant plus que la saison cyclonique a commencé.

Dans les camps, il s’agit toujours de répondre à des besoins de première nécessité, tandis que dans les quartiers, nos programmes obéissent à une logique de développement dans la durée. Deux stratégies, visant chacune à améliorer du mieux possible les conditions de vie des populations. Le point avec Florent Del Pinto, chef de mission en Haïti durant 18 mois.

Une nouvelle épidémie de choléra sévit actuellement et la saison des cyclonique a commencé.

La Croix-Rouge française est-elle en mesure de répondre à ces nouvelles menaces ?

Florent del Pinto : En ce qui concerne l’épidémie de choléra, nous avons réactivé immédiatement notre dispositif de prévention mis en place dans les centres de santé lors de la première crise, en octobre 2010. Mais la maladie étant devenue endémique en Haïti, il faut malheureusement s’attendre à la voir resurgir chaque année à la saison des pluies. En outre, il y a effectivement un fort risque de catastrophes pour les semaines et les mois à venir, lié à la saison cyclonique.

Nous sommes prêts à répondre à ces urgences. D’une part, nous disposons de stocks de contingence (abris d’urgence, produits de première nécessité, kits hygiène, etc.), d’autre part, nous poursuivons notre campagne de sensibilisation à la réduction des risques de catastrophes dans les camps. Néanmoins, nous nous heurtons à l’absence de bâtiments surs pour abriter les populations en cas de cyclone.

Comment analysez-vous le travail mené par la Croix-Rouge française depuis 1 an et demi ?

F. P. : Cette mission est atypique à tous les égards. Tous les standards universels d’aide humanitaire (normes SPHERE) ont volé en éclat avec ce séisme. Il a fallu sans cesse innover, adapter nos réponses à un contexte inédit : par l’ampleur de la catastrophe, concentrée presque exclusivement sur une ville, Port-au-Prince ; par la surpopulation, l’extrême urbanisation mais également la grande vulnérabilité des habitants.

A cela s’ajoute la faiblesse de l’Etat et la quasi absence de services publics. En dépit de ces difficultés, la Croix-Rouge française a su répondre efficacement à l’urgence en déployant le plus gros dispositif de son histoire et a fait preuve d’une grande réactivité. Aujourd’hui, elle demeure la plus importante équipe Croix-Rouge en Haïti avec 35 expatriés mobilisés et 450 employés locaux. Son expertise est reconnue au niveau de la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Quelles sont nos activités aujourd’hui sur le terrain et les principaux défis à relever ?

F.P. : Nous sommes face à une urgence humanitaire permanente. Les conditions de vie restent très précaires dans les camps et les populations sont fortement exposées aux risques de catastrophes, qu’elles soient naturelles ou sanitaires. Nous poursuivons donc sans relâche nos actions, même si les solutions proposées ne sont pas satisfaisantes : nous sécurisons les abris avec des tôles ou des poutres ; nous changeons les installations endommagées ; il faut également maintenir des conditions d’hygiène les plus favorables possible par la vidange des latrines, la gestion des déchets, le drainage des canaux, l’évacuation des eaux usées, etc.

Cette situation va malheureusement perdurer des années. Mathématiquement, il est impossible de reloger toutes les personnes déplacées à Port-au-Prince. Il manquait déjà 250.000 logements avant le séisme !

A propos de l’habitat, comment avancent nos programmes dans les quartiers ?

F.P. : Notre objectif est de favoriser le retour des personnes déplacées dans leur quartier d’origine. A Delmas 9 et 33, par exemple, les camps de rue ont totalement disparu, la population a pu intégrer de nouveaux logements. Au total, nous avons construit 1 150 abris de transition à Port-au-Prince, après avoir déblayé 250 parcelles de gravats avec l’aide de plus de 350 personnes.

Notre stratégie d’approche quartier intègre, en plus d’un toit, des services : bornes fontaines ou réservoirs pour l’accès à l’eau potable, latrines familiales, soins via la réhabilitation de centres de santé. Nous souhaitons par ailleurs mettre en place des activités génératrices de revenus pour recréer le tissu économique et favoriser ainsi le retour à l’autonomie des personnes. De plus, la réhabilitation des maisons jaunes, endommagées par le séisme, va commencer dans les prochains mois. Irons-nous plus loin dans le processus de reconstruction ? Nous nous posons aujourd’hui la question des limites de notre mission.

Propos recueillis par Géraldine Drot

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