Le besoin de liens sociaux n’a jamais été aussi fort, et c’est peut-être la raison pour laquelle les cadres traditionnels de l’action militante et associative sont remis en question. L’avènement des réseaux sociaux a également facilité la structuration et démultiplié la portée de nouveaux mouvements. Que racontent ces nouvelles formes d’engagement du devenir de l’action sociale ?

Le climat et les discriminations, au cœur des luttes

Marches pour le climat, actions spontanées de désobéissance civile par les activistes écologistes d’Extinction Rebellion, collages féministes sur les murs des villes… Les mobilisations des dernières années traduisent un fort dynamisme de la société et renouvellent les façons de s’engager. La lutte pour le climat et celle contre les violences discriminatoires, notamment sexistes et racistes, se placent au premier plan des mobilisations. Ces enjeux sont portés par de nouveaux acteurs ainsi que par des mouvements plus ou moins organisés. Le fourmillement idéologique de notre début de siècle se traduit par l’apparition de nouveaux acteurs plus radicaux comme Black Lives Matter, #NousToutes ou L214, qui sont une partie de ces nouveaux laboratoires de l’engagement. Mais à l’aube des années 2020, l’engagement se veut protéiforme, plus immédiat, ancré dans le quotidien des citoyens, avec des liens renouvelés aux associations traditionnelles

Mobilisation 2.0

Nouveaux acteurs, nouvelles règles : les modes d’action évoluent eux aussi. Dans ces années 2020, les engagements se veulent plus spontanés, plus horizontaux, à l’image des réseaux sociaux sur lesquels ils s’organisent. En permettant l’émergence d’actions « coup de poing » à moindre coût, les outils numériques sont devenus un vecteur important du renouvellement de l’engagement. À titre d’exemple, la pratique du « name and shame » (littéralement « nommer et couvrir de honte ») consiste à dénoncer publiquement des marques ou des entreprises pour des pratiques environnementales ou sociales considérées comme honteuses, et à appeler au boycott. Le travail forcé des Ouïghours dans l’industrie textile chinoise est ainsi rigoureusement dénoncé sur Instagram. Au-delà des actions de communication de grande ampleur, les outils numériques augmentent de manière exponentielle la portée des mobilisations et permettent aux groupes de se structurer en ligne. C’est le cas du mouvement de dénonciation des violences sexistes et sexuelles #MeToo, qui s’est incarné autour d’un hashtag regroupant des milliers de témoignages venus du monde entier. Une sensibilisation aux enjeux qui peut ensuite se traduire par un engagement associatif ou militant.

Un engagement qui se veut plus immédiat, direct et radical

Ces nouvelles formes de mobilisation bousculent les modes traditionnels d’engagement, habituellement structurés autour des grands acteurs humanitaires et des associations. Plus éphémère et volatil, l’engagement se déploie plus pour une cause que pour une institution qui la défend. Pour autant, cela traduit davantage une recomposition de l’engagement : les grandes associations, grâce à leur réseau de bénévoles formés et compétents, continuent de constituer des tiers de confiance. Durant la crise sanitaire, l’élan de solidarité qui a traversé le pays témoigne de la volonté d’engagement des Français. Un rapport du Sénat nous apprend en effet que les associations ont reçu deux fois plus de sollicitations de la part de bénévoles potentiels, notamment des femmes et des jeunes, pendant le premier confinement. Cependant, tout reste à faire pour pérenniser cet engagement et profiter de cet élan national pour instaurer une véritable culture d’entraide et de solidarité.

Une jeunesse qui a soif d’engagement

Les jeunes générations sont plus promptes à boycotter certaines marques en raison de leurs pratiques environnementales ou à refuser de postuler dans les entreprises qui ne correspondent pas à leurs engagements. Les générations les plus jeunes sont aussi plus enclines à modifier leurs pratiques de consommation à cause de l’impact environnemental : 37 % des 18-24 ans qui mangent bio le font pour des raisons de bien-être animal, tandis que la santé individuelle prime pour les autres tranches d’âge. L’environnement est ainsi devenu un enjeu majeur pour les 18-30 ans : 32 % d’entre eux le placent en tête des priorités, devant l’immigration et le chômage, soit la proportion la plus forte jamais enregistrée sur cet indicateur en quarante ans d’enquête. Des chiffres qui, au regard de l’urgence écologique, apportent une lueur d’espoir.

Les entreprises face aux attentes de la société

Et les entreprises dans tout cela ? Depuis quelques années, de plus en plus d’entreprises privées s’engagent et développent leur « responsabilité sociétale ». Concrètement, cela signifie qu’elles cherchent à mettre en place des actions à impact environnemental, social ou éthique. Acteurs en quête de légitimité, elles nouent des partenariats de plus en plus stratégiques avec certaines associations, jusqu’à parfois tenter de les remplacer. L’économie sociale et solidaire a le vent en poupe, certes, mais les attentes des citoyens sont réelles, et ces derniers débusquent bien volontiers les initiatives relevant du greenwashing (un engagement écologique de façade). L’occasion, pour les entreprises, de prendre pleinement conscience du rôle qu’elles ont à jouer au sein de la société ?

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