Comment organiser le secours d’urgence dans un monde qui surchauffe? Projection dans un futur où les alertes sur le réchauffement climatique sont devenues une réalité quotidienne.

C’est la fin d’année au collège Henri Dunant de Meaux, et les élèves ont pris l’habitude de s’hydrater minutieusement avant chaque cours. Aujourd’hui, cependant, la professeure d’histoire a invité une intervenante extérieure : lorsqu’elle entre, les ados reconnaissent la croix rouge cousue sur sa chemise beige. Depuis le début de leur scolarité, le programme de prévention des risques s’achève sur la venue d’un ou d’une bénévole, de retour du terrain. Ils écoutent et comprennent : à une époque, les cours de SVT, de géographie et d’éducation civique paraissaient un peu nébuleux; après deux siècles d’anthropocène, leur application est quotidienne.

« Je reviens des Bouches-du-Rhône, où a été établi l’un des premiers camps de réfugiés climatiques d’Europe, près de Gardanne. Après l’été dernier, vous imaginez que nous ne sommes pas très sereins. » L’été dernier, comme les villages des environs, le camp de Gardanne a manqué d’eau. Les élèves s’en souviennent, ils ont suivi le ravitaillement et vu

les camions-citernes de la Croix-Rouge remonter de Marseille, chargés d’eau fraîche importée d’Écosse par cargo.

« Les choses continuent de se compliquer pour les animaux et les humains de la planète : nos efforts ne paieront que dans plusieurs années, quand vos enfants seront assis à votre place. La décennie passée a été la plus chaude jamais enregistrée au niveau mondial, et je ne vous surprendrai pas en vous disant qu’il fera bientôt 50 °C dans votre cour de récréation.

– Ce sera la semaine prochaine, intervient la prof. Nous ferons cours dans les caves anti-canicules construites l’année dernière. Vous penserez bien à porter vos uniformes thermorégulateurs, l’infirmière aimerait pouvoir suivre en direct vos variations de température corporelle. »

Le monde d’après, et après?

Pour les générations nées après 2050, l’engagement auprès de la Croix-Rouge coule de source : lorsque vient la redoutable saison sèche, que l’on n’appelle même plus « été » tant elle excède trois mois, c’est l’occasion d’aller au contact de ceux qui ont fui leur pays écorché par la chaleur et, en conséquence, par la guerre. À Meaux, c’est assez calme – sauf quand la Seine déborde et envahit tout, remplissant les gymnases où sont hébergées les familles déplacées. Mais sur les côtes et dans le Sud, on ne sait jamais quand la montée des eaux ou un incendie contraindra les gens à abandonner leur terrain et à rejoindre les infrastructures de la Croix-Rouge.

« En participant aux actions dès aujourd’hui, vous vous préparez au jour où c’est peut-être vous qui serez concernés, poursuit l’intervenante. Les personnes âgées sont nombreuses, et nous avons besoin de petites mains pour les accompagner dans des situations souvent traumatisantes. Depuis quelques années, nous les formons aux bons réflexes pour conserver un intérieur frais en période de canicule. Nous distribuons également des ventilateurs, seul moyen pour de nombreuses personnes de trouver le sommeil : n’hésitez pas à rejoindre les centres de distribution, c’est facile, et utile – nous ne pouvons pas continuer de combattre les dômes de chaleur avec la climatisation. Et dans les camps, nous veillons à ce que tout le monde ait accès à un lit, des draps et un kit d’hygiène, ainsi qu’au Wi-Fi et à des panneaux solaires portatifs qui alimentent ventilateurs… et téléphones portables.

– À une époque, c’était mal vu d’être sur son téléphone.

– Et ça l’est toujours, si c’est pour de mauvaises raisons. Mais n’oubliez pas qu’en cas de sinistre, vous devez garder le vôtre avec vous, avec votre gourde : il vous permet d’être mis en relation avec des médecins en distanciel et de les contacter en cas d’urgence, et il nous permet, à nous, de vous identifier.

– Dommage qu’ils ne puissent pas encore éteindre les feux! »

Sur tous les fronts

« L’exode estival des populations urbaines vers les forêts, où la température est de 4 ou 5°C plus basse qu’en ville, démultiplie les risques d’incendie à proximité des camps, c’est vrai. Mais ça, c’est encore aux pompiers de s’en charger!

– Est-ce qu’on peut vraiment faire quelque chose, Madame?

– Oui, bien sûr. Distribuer l’aide demande beaucoup de bras. Nous avons également besoin de personnel pour vacciner, la chaleur ayant apporté chez nous des moustiques et des maladies que l’on croyait réservées au continent africain, par exemple. De toute façon, nous ne pouvons pas nous permettre de baisser les bras ! Le plus dur est à venir, mais notre raison d’être reste la même, et nous continuerons de protéger les personnes, de les relever et de renforcer leur résilience. »

Fiction extraite de notre magazine “Imaginer demain” 

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