Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) lance à nouveau un appel urgent en faveur de la protection des civils de Gaza. Où qu’ils soient, à l’hôpital, en train d’être évacués ou qu’ils restent sur place, le respect du droit international humanitaire est une obligation pour toutes les parties au conflit. Le CICR ne cesse de le marteler : les Etats ont le devoir de protéger les civils et de permettre une aide humanitaire inconditionnelle. Interview de Frédéric Joli, porte-parole du CICR à Paris.

Quelle est la situation humanitaire à Gaza aujourd’hui ?

La situation est absolument dramatique et insoutenable. Comment accepter que des hôpitaux se transforment en champs de bataille ou doivent fermer faute d’électricité ? Que des blessés, des malades, des médecins soient pris pour cibles ? Comment accepter que des ambulances subissent des tirs alors qu’elles sont censées sauver des vies ? La réalité aujourd’hui est celle-là : chaque jour, des gens meurent à Gaza faute de soins, d’eau, de nourriture ; faute de sécurité et d’une assistance humanitaire à la hauteur des besoins. On ne devrait pas voir ça. Nous sommes les témoins d’une véritable tragédie.

On ne peut plus soigner les malades, opérer les blessés. L’aide humanitaire arrive au compte goutte alors qu’il faudrait des moyens énormes. Les pénuries s’aggravent de jour en jour, au nord comme au sud, où affluent des milliers de personnes totalement démunies. Les trêves sont trop courtes et aléatoires. Nous n’avons pas assez de véhicules pour apporter une aide vitale à des personnes vulnérables de plus en plus nombreuses. Nous ne disposons pas d’assez de temps pour faire des allers-retours entre le nord et le sud. Les évacuations se font dans des conditions extrêmement dangereuses. Nos convois sont pris pour cibles… Les moyens de combat utilisés ne sont tout simplement pas compatibles avec l’obligation de protéger les civils et le personnel humanitaire, comme le stipule le droit international humanitaire (DIH).

Etes-vous en contact avec les personnes détenues par le Hamas ?

Nous n’avons pas pu les visiter ni avoir accès à eux comme l’exige pourtant notre mandat. Nous continuons à en faire la demande auprès des autorités palestiniennes et menons des négociations avec toutes les parties au conflit, en toute confidentialité et dans une démarche strictement humanitaire. A défaut d’un droit d’accès, nous demandons des informations sur leur état de santé, leurs conditions de vie afin de donner des nouvelles aux familles dont nous connaissons la douleur. Celles-ci ont été reçues dans nos bureaux à Genève et à Paris, notamment. Nous ne sommes qu’un intermédiaire neutre dans un contexte compliqué et violent. Nous n’intervenons pas dans des négociations politiques. Nous nous appuyons sur notre force de conviction et notre expérience qui ont d’ailleurs porté leurs fruits dans d’autres conflits - en Colombie, au Yémen ou au Soudan, par exemple. Il faut garder espoir. Nous avons obtenu la libération de quatre personnes il y a quelques semaines et nous faisons tout pour qu’il y en ait d’autres. C’est l’une des missions historiques du CICR.

Que font les volontaires du CICR sur le terrain à Gaza ?

D’un point de vue opérationnel, nos 130 volontaires présents à Gaza font leur maximum. Ces dernières semaines, nous avons déployé une équipe chirurgicale qui apporte un soutien précieux à l’hôpital européen, dans le sud de Gaza, même s’ils doivent prioriser les urgences et faire avec peu de moyens. Nous avons apporté du matériel médical et d'autres fournitures essentielles pour soutenir les services de soins de santé d'urgence. Nous avons pu également évacuer des personnes blessées via Rafah, seule et unique porte de sortie vers l’Egypte. Mais encore une fois, c’est très insuffisant par rapport à une situation humanitaire catastrophique.

Que peut le droit international humanitaire dans ce conflit ?

Notre rôle est de rappeler aux Etats leurs responsabilités. En signant les Conventions de Genève, ils se sont engagés à épargner et à protéger les civils dans les conflits, à les distinguer des militaires. Il y a des principes fondamentaux de précaution et de proportionnalité à respecter. Le DIH n’est pas une option, un gadget, c’est un droit qui protège les civils et garantit une aide humanitaire inconditionnelle. C’est la raison pour laquelle le CICR appelle sans relâche à l’arrêt des hostilités et à l’acheminement régulier et sans entrave de moyens conséquents pour sauver des vies. Il reste un négociateur neutre entre les deux parties au conflit pour obtenir la libération des personnes détenues.

Il ne faut pas renoncer. Toute initiative est bonne à prendre. Néanmoins, ce ne sont pas les humanitaires qui régleront ce conflit. La solution est politique. Aux Etats de prendre leurs responsabilités.

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