L’épidémie de choléra réapparue il y a un an, en février 2024, a affecté plus de 10 000 personnes et causé une centaine de décès aux Comores. Elle est aujourd’hui en passe d’être maîtrisée grâce à la sensibilisation des communautés et des actions menées depuis des mois dans les centres de traitement du choléra par les volontaires. Reportage.

Nous quittons la capitale, Moroni, par une petite route de forêt. Elle serpente au milieu des palmiers, bananiers, manguiers et badamiers. Entre les nombreux lacets surgissent des habitations rudimentaires faites de tôles ondulées et de bois récupéré. Sur le bord de la route, quelques enfants se rendent à l’école en file indienne. Après un ultime virage, nous découvrons l’hôpital Samba.

« C’est le premier des 7 Centres de traitement du choléra (CTC) ayant ouvert en février, au tout début de l’épidémie. Le choléra est réapparu après l’arrivée d’un bateau en provenance de Tanzanie transportant six passagers atteints de la maladie, explique Lailati Aboubakari, cheffe de la délégation de la Croix-Rouge française aux Comores. Je connais bien cet endroit car nous y avons travaillé durant toute la pandémie COVID-19, il y abritait le Centre de Prise en Charge. Nous avons participé par la suite à sa réhabilitation  en 2023. Son emplacement est stratégique. D’abord parce que nous sommes à moins de 10 minutes de Moroni et que cet hôpital est historiquement rattaché au CHU El-Maarouf de la capitale, mais surtout parce qu’il a été le plus renforcé dans la lutte contre les épidémies. 

Ce CTC, déjà utilisé pendant l’épidémie de Covid-19, est une annexe du bâtiment principal de l’hôpital. Pour y accéder, une première obligation : laver ses mains et ses chaussures avec une solution chlorée. Fayaz, l’un des quatre bénévoles du Croissant-Rouge comorien présent ce jour-là, s’en charge.

Une présence 24 heures sur 24

Nous pénétrons dans le petit bâtiment bleu tout en longueur, doté d’un couloir extérieur et pourvu de 7 chambres : 2 pour les enfants, 2 pour les femmes et 2 pour les hommes. Chacune d'entre elles accueille 2 ou 3 lits et est équipée de seaux à vomissement et de porte-perfusions. La septième chambre, elle, sert de bureau à l’équipe soignante, composée d’1 médecin et de 2 infirmiers, épaulés 24 heures sur 24 par des volontaires du Croissant-Rouge comorien. C’est ici que nous reçoit Tadjidine Mohamed, l’infirmier coordinateur de permanence.

« Avec le choléra, on doit prendre des précautions d’hygiène exceptionnelles. La prise en charge suit un protocole très strict, détaille-t-il. Tout d’abord on teste les patients pour vérifier qu’il s’agit bien du choléra. Ensuite on les oriente dans les chambres en fonction du niveau de gravité de leur état”. Les patients plan A ne présentent pas de déshydratation, les patients plan B sont encore capables d’aller aux toilettes, tandis que les patients plan C ne peuvent plus se déplacer. Pour les soins, les plans A et B sont réhydratés oralement avec du SRO, une solution de réhydratation orale composée d’eau, de sucre et de sel. Les plans C, les plus graves, sont directement perfusés. “Aujourd’hui nous traitons 3 malades dans ce cas. Comme Yousra, une petite fille de 3 ans qui est arrivée ce matin avec son papa. Elle était très fatiguée et souffrait de diarrhées. Mais elle va s’en sortir car nous l’avons traitée à temps. »

Hygiène et réhydratation : une prise en charge chronométrée

Dans une chambre contiguë, une infirmière aide une femme malade à se maintenir assise sur son lit. « Le choléra est une maladie diarrhéique aiguë, dont on peut mourir en quelques heures en l'absence de traitement et qui provoque une déshydratation, des vomissements et des diarrhées, explique la soignante. Nous gardons les malades entre 1 et 3 jours.Si la prise en charge est rapide, les gens se remettent vite sur pied. Depuis février, nous avons traité 682 cas avérés et enregistré 7 décès.” Le volet hygiène est tout aussi essentiel que les soins pour lutter contre la maladie. Ce sont les volontaires du Croissant-Rouge comorien, formés par la Croix-Rouge française qui s’en chargent au quotidien. “Ils préparent le chlore, les seaux à vomissement, traitent les déchets, désinfectent les toilettes. Cette mission est absolument cruciale ! », confirme l’infirmière.

Ali, 40 ans, est le superviseur des volontaires du Croissant-Rouge à Samba. « Tous les matins, j’emmène mes camarades sur le site et je leur montre comment préparer le chlore. Je vérifie également si les poubelles ont été vidées et si les chambres ont été décontaminées car il faut le faire 2 fois par jour », énumère-t-il. 

Sensibiliser les communautés : la clé pour lutter contre l’épidémie 

Direction Mitsamiouli, chef-lieu de la préfecture du nord de l’île de Grande Comore. Une heure de route en bord de mer, quelques plages désertes jonchées de détritus. Dans le quartier de Djao, Rasmata nous attend. Elle est agent de santé communautaire (ASC) au sein du ministère de la santé. Elle a été formée spécifiquement pour effectuer une mission de sensibilisation des communautés, qu’elle mène avec des volontaires. Depuis le début de l’épidémie de choléra, elle fait ainsi du porte-à-porte dans ce quartier pour vacciner et sensibiliser un maximum de familles. « Il y a eu beaucoup de malades ici, on a comptabilisé 32 cas en quelques jours. Au début, les gens avaient peur du choléra et ils refusaient le vaccin. Ce n’était pas simple de les convaincre de changer leurs habitudes, se rappelle-t-elle, mais on a réussi à gagner leur confiance. Il a aussi fallu leur inculquer des mesures d’hygiène élémentaires : se laver les mains avant les repas, mettre du chlore dans l’eau pour la rendre potable, utiliser un savon de douche, désinfecter la maison et surtout les toilettes... »

Pour sensibiliser la population, les volontaires se font souvent accompagner par les chefs de village ou par un notable, qui par leur statut facilitent les échanges avec les habitants. « Nous sommes 30 agents du ministère de la santé dans le district. Nous avons mené 3 campagnes de sensibilisation en juin, octobre et novembre. Je pense que nous avons approché plus de 500 personnes, poursuit Rasmata. La sensibilisation, ça marche ! Aujourd’hui, quand une personne présente des symptômes, elle va directement au centre de traitement du choléra. Avant, la population avait honte parce que c’est une maladie diarrhéique et qu’on n’a pas envie de parler de ce genre de choses. Je me souviens de l’histoire de cette petite fille de Moroni, qui m’a beaucoup marquée. Elle est morte parce que sa maman ne voulait pas l’emmener à l’hôpital. Après trois jours de souffrances, son papa a fini par l’y conduire mais c’était trop tard. Alors si j’ai mené ces actions de prévention, c’est pour éviter ce genre de drame. »

Texte : Fidel Balbona, journaliste/© www.lagencecdigital.com Photos : Marie Magnin

Le programme RIPOSTE en résumé

Ce programme pionnier créé par la Croix-Rouge française avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD), vise à anticiper, prévenir et réagir face aux risques épidémiques. Il contribue à améliorer la connaissance, les approches et les outils en matière de gestion des risques liés aux épidémies. Il permet ainsi de renforcer les capacités des acteurs institutionnels et de la société civile.

Il s'inscrit également dans une étroite collaboration avec la Fédération internationale des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, le Centre de référence Climat et le Centre de référence de préparation aux catastrophes, l'initiative "510" de la Croix-Rouge néerlandaise et la Fondation Croix-Rouge française pour la recherche humanitaire et sociale.

Il est aujourd’hui déployé dans 4 pays d’Afrique (Guinée, Cameroun, et République Démocratique du Congo, Tchad) ainsi que dans les deux plateformes d’intervention régionale de l’océan Indien et des Caraïbes (PIROI et PIRAC).

Je découvre le programme RIPOSTE

À lire dans le même dossier