Depuis plus d’un an et demi, la Croix-Rouge ukrainienne est sur le pont de jour comme de nuit. Au département des premiers secours, le quotidien revêt la forme d’un challenge constant face à l’urgence de sensibiliser le plus grand nombre aux gestes qui sauvent. Rien que l’année dernière, 100 000 citoyens ukrainiens ont été formés. Rencontre avec Nadiya Yamnenko, cheffe du département des premiers secours de la Croix-Rouge ukrainienne, qui nous en dit plus sur les défis auxquels elle est confrontée depuis l’escalade du conflit armé.

En quoi est-ce primordial de former la population ukrainienne aux gestes de premiers secours ?

Il faut comprendre qu’aujourd’hui en Ukraine, personne n’est en sécurité nulle part. La plupart du temps, ce sont les infrastructures civiles qui sont visées par les missiles. En cas d’urgence, il est possible d’appeler une ambulance lorsque l’on se trouve en zone urbaine. En revanche, dans les villages, les routes sont souvent détruites. L’accès aux secours devient alors très compliqué, sans parler du couvre-feu en vigueur dans l’ensemble du pays. A partir de 21h, vous êtes seuls s’il vous arrive quelque chose dans la rue. C’est pourquoi il est si important qu’un maximum de personnes, y compris les enfants, sache maîtriser les gestes de premiers secours et acquérir les bons réflexes.

Nous nous efforçons de donner au plus grand nombre la possibilité d’apprendre les gestes qui sauvent, mais également de parfaire ses connaissances en la matière grâce à notre nouvelle application mobile. Surtout qu’il est possible de l’utiliser hors-ligne, ce qui est très pratique lorsque nous avons des coupures de réseau.

Le conflit armé a-t-il eu des conséquences directes sur vos activités de premiers secours ?

Notre plus grand défi a été d’adapter nos activités. Dès les premiers jours qui ont suivi l’invasion, nous avons commencé à proposer des sessions de formations en ligne ou encore dans des abris anti-aériens. Nous avons également produit beaucoup de contenus vidéos pour le grand public.

En 2022, nous avons formé 100 000 personnes dans l’ensemble du pays. C’est une grande fierté et une première pour la Croix-Rouge ukrainienne ! Nous poursuivons nos efforts sans relâche malgré les nombreux obstacles auxquels nous faisons face. Certains de nos locaux ont été bombardés, notre matériel endommagé… Une partie de nos formateurs a également choisi de se rendre utile au sein d’autres Sociétés nationales, d’autres sont malheureusement décédés.

Nous disposons aujourd’hui de 500 formateurs en premiers secours et 43 formateurs de formateurs. Nous avons mis en place des formations courtes à destination du grand public, pour apprendre les gestes clés à adopter en cas de traumatismes, d’hémorragies, ou encore d’engelures. Nous développons également de nouveaux modules dans l’optique de rendre nos formations accessibles aux personnes en situation de handicap.

Aussi, nous avons constaté que lorsqu’il faut fuir la guerre, les gens emportent deux choses avec eux : leurs papiers et leurs animaux. Nous avons donc développé des activités de premiers secours pour animaux de compagnie et accueilli deux chiens formateurs au sein de notre équipe. Lorsque l’on est en capacité d’aider nos animaux, on se sent utile.

En juillet dernier, la Croix-Rouge ukrainienne a signé un accord de coopération avec la Croix-Rouge française pour renforcer le développement des premiers secours. Comment se traduit cette collaboration sur le terrain ?

Cet accord est très important car notre collaboration va s’étaler sur trois années. Pour notre département des premiers secours, il s’agit du plus grand soutien jamais reçu (6,5 millions d’euros). Cette coopération va notamment permettre de construire un centre de formation à Kyiv doté d’équipements modernes accessibles à nos publics en situation de handicap. Nous prévoyons également de créer une plateforme de e-learning afin de proposer des formations premiers secours à distance. Et bien sûr, renouveler notre matériel.

Crédit photo : Croix-Rouge ukrainienne

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