Présents en Ukraine de 2006 à 2020, la Croix-Rouge française a rouvert une délégation à Kyiv en septembre 2022 où nous travaillons en collaboration avec la Croix-Rouge ukrainienne et les nombreux acteurs humanitaires déployés sur place. Giorgi Gigiberia, chef de la délégation Croix-Rouge française, nous raconte son quotidien et partage son admiration pour le courage des volontaires comme de la population.

Depuis combien de temps travaillez-vous au sein de la Croix-Rouge ?

Depuis une trentaine d'années, que ce soit au sein de la Fédération internationale, de la Croix-Rouge géorgienne, mon pays d’origine ou désormais de la Croix-Rouge française. Au cours de mes précédentes expériences, je me suis rendu en ex-Yougoslavie, en Éthiopie, au Soudan, en Afghanistan. Ma dernière mission avant l'Ukraine s’est déroulée au  Pakistan.

Quelle est la situation aujourd’hui en Ukraine, deux ans après le début du conflit ? 

Durant les premiers mois qui ont suivi l’invasion russe, les gens étaient extrêmement effrayés et dans un grand état de confusion. Puis ils ont commencé à prendre conscience de la situation. Les Ukrainiens sont de plus en plus confiants en leur capacité à faire face à cette guerre. Ils font preuve d'une résilience remarquable. Ils ont trouvé les moyens de vivre malgré les alertes aériennes quotidiennes, les attaques de drones qui peuvent surgir à tout moment de la journée et de la nuit. C’est comme si cela faisait partie de la vie quotidienne, surtout pour ceux qui sont restés à Kyiv.

C’est la même chose pour nos collègues de la Croix-Rouge ukrainienne, ils continuent leurs activités en faisant preuve d'une grande résilience et d’un grand courage. Mais attention, cela ne veut pas dire que la situation est normale, notamment dans la partie du pays située près de la ligne de front. Là-bas, les besoins sont énormes et augmentent de jour en jour. La situation y est dramatique, des gens meurent, sont blessés tous les jours, se retrouvent privés d’eau, d’électricité, de chauffage au cœur de l’hiver. 

Quelles sont vos conditions de vie et de travail à Kyiv ? 

Nous partageons notre bureau avec la Croix-Rouge danoise. La délégation française est composée de quatre personnes. Nous voyageons à travers le pays pour les besoins de nos missions dès que les conditions de sécurité le permettent, y compris en direction de la ligne de front vers Kharkiv ou de l'autre côté du pays, à Lviv, près de la frontière polonaise. La vie à Kyiv est acceptable, il y a des transports en commun, de l’électricité, du chauffage… Mais il ne faut pas sous-estimer l'impact psychologique de la menace, les alertes, les débris de missiles qui tombent sur les habitations après avoir été abattus par la défense antiaérienne.

Il y a encore quelques jours, un immeuble résidentiel a été frappé par des débris de drones. Des volontaires sont allés aider les services de secours, ils se sont occupés des blessés, ont fait face au chagrin et à la colère des habitants. Je ne parle même pas des volontaires sur la ligne de front qui accomplissent leur mission sous les tirs d’artillerie. Les risques qu’ils prennent tous les jours sont gigantesques, ils accomplissent un travail absolument remarquable.

Quels sont les projets actuels et futurs menés par la Croix-Rouge française en Ukraine ? 

Nous sommes en train de lancer un programme de formation au droit international humanitaire à destination de juristes, magistrats, avocats, membres des tribunaux, juges, forces de l’ordre… Du côté de Kharkiv, nous aidons des centaines de personnes âgées, des personnes handicapées qui ont besoin de tout. À Lviv, Kyiv et Dnipro, nous allons mettre en place un centre de formation aux premiers secours, toujours avec notre partenaire local, la Croix-Rouge ukrainienne. La Croix-Rouge française apporte là encore son savoir-faire et son expérience. Nous développons une plateforme en ligne pour apprendre les bons gestes. Nous renforçons aussi l’aide alimentaire à destination des populations, mais aussi la fourniture de produits d’hygiène, d'oreillers et de couvertures.

Dans la région de Kharkiv, entre fin février et avril, nous devrions prendre en charge au moins 3000 personnes. Près de 300 bénéficiaires de soins à domicile vont percevoir environ 80€ par mois pendant trois mois, pour leur permettre de survivre à des conditions difficiles et de couvrir leurs besoins essentiels.

Enfin, nous allons aider la Croix-Rouge ukrainienne à créer et mettre en place une école d’infirmière. Notre soutien va s’étaler sur plusieurs années et des personnels français viendront former nos homologues ukrainiens. 

Alexandre Duyck

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