Nathalie Smirnov : « On a beaucoup à apprendre de la Croix-Rouge ukrainienne »
Publié le 8 octobre 2025

Votre déplacement a donc débuté à Lviv…
Dans cette ville - magnifique -, on ne sent pas le poids direct de la guerre. Elle a été jusqu’ici épargnée par les combats, en revanche elle a accueilli des milliers de personnes déplacées et la branche locale de la Croix-Rouge ukrainienne y mène de nombreuses actions sociales et de secours au sens large : elle multiplie les formations de la population aux premiers secours, les visites à domicile des personnes isolées, les soins aux vétérans, aux blessés de guerre et aux familles en situation précaire, avec ses unités mobiles… Toutes ces actions ont été lancées dès le début du conflit en 2022.
Deuxième étape : Kyiv. C’était l’un des temps forts de votre déplacement : l’inauguration du centre de formation professionnelle aux métiers sanitaires et sociaux. Un projet que nous avons largement soutenu.
Oui, la Croix-Rouge française apporte un soutien important dans le domaine de la santé et du secours. Le ministère ukrainien de la Santé mène une vaste réflexion sur les parcours de formation du personnel médical pour faire face aux besoins énormes de soins dans le pays. Le nouveau centre de formation de personnel soignant que nous avons inauguré le 25 septembre accueille aujourd’hui des jeunes pré-bac, pour leur enseigner les soins d’urgence et les soins infirmiers de base - l’équivalent de notre préqualification au diplôme d’infirmier.
Les enjeux de santé sont immenses dans le pays et vont bien au-delà des capacités actuelles. La Croix-Rouge ukrainienne ambitionne de développer la formation continue et de faire de cette école un centre de référence national à long terme, s’alignant sur les standards européens.
Parallèlement, nous participons aussi au financement d’un centre de formation aux premiers secours ouvert à la population, à Kyiv également.
A propos de secours, vous avez eu l’occasion de vous rendre sur la plateforme logistique de Martusivska, au sud de Kyiv. A quoi ressemble-t-elle ?
C’est un peu l’équivalent de nos Plateformes d’intervention régionales. Ce sont plusieurs entrepôts stockant des biens essentiels, des matériels de première urgence, des tentes, des sacs de secours… en vue de répondre rapidement aux besoins. Tous les camions qui avaient permis la livraison de tonnes de kits de première nécessité depuis la France au début de ce conflit sont d’ailleurs sur place et servent aujourd’hui aux transports logistiques à travers la région. Notre emblème Croix-Rouge française figure encore très clairement sur chaque véhicule.
Et un grand centre de formation et d’entraînement pour les volontaires de la Croix-Rouge ukrainienne est en cours de construction sur ce même terrain ; il devrait être prêt à accueillir les premiers volontaires au printemps prochain.
Vous avez enfin fait halte à Irpin, plus au nord. Une zone qui a subi de lourdes attaques en février 2022.
La ville a subi d’intenses bombardements et attaques russes au début du conflit mais a été reprise un mois plus tard par les Ukrainiens. La Croix-Rouge ukrainienne y joue un rôle majeur. Elle a participé à l’évacuation des blessés et accompagné l’exode de la population au moment de sa prise. Puis, quand Irpin a été libérée, les volontaires ont participé à la reconstruction de la ville, déblayé les gravats pour que la vie reprenne ses droits, aussi vite que possible. Elle est en soutien des familles les plus fragiles aujourd’hui, apportant biens essentiels, soutien psychologique et accompagnement en réinsertion des vétérans revenant du front.
La branche locale nous a raconté son histoire, à travers un film extrêmement émouvant, retraçant les phases d’urgence, de secours, puis de reconstruction et de relèvement.
Vous avez évidemment rencontré nos homologues ukrainiens. Que retenez-vous de ces échanges ?
Que ce soit le président de la Croix-Rouge ukrainienne, le directeur général ou les équipes sur le terrain avec qui j’ai pu échanger, le point commun entre tous c’est la force et la fierté qui les habitent. Malgré les attaques permanentes de drônes ou de missiles, il n’y a aucune résignation. La Croix-Rouge ukrainienne qui a totalement changé d’échelle en 2 ans et demi, continue de se développer, et est devenue un auxiliaire des pouvoirs publics reconnu comme tel par les autorités. Elle occupe l’ensemble des champs de l’humanitaire, que ce soit dans le domaine des premiers secours, de l’action sociale, de la réinsertion ou de la préparation aux prochaines crises. On a beaucoup à apprendre d’elle, à la fois de son expertise et de sa capacité d’adaptation, d’autant plus dans le climat de tensions géopolitiques qui règne actuellement en Europe.