TRIBUNE - Alors qu’une étape a été franchie le 9 mars avec la destruction d’un hôpital pédiatrique à Marioupol, Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française, rappelle qu’il est plus qu’urgent de laisser les associations venir en aide aux civils.

Médusés, sidérés. Alors que nous la pensions appartenir au passé, nous avons redécouvert le 24 février dernier l’effroyable réalité de la guerre, ici sur le sol européen. Un bouleversement géopolitique, un retour sur nos écrans d’images glaçantes. Des femmes, des enfants, des hommes, contraints de vivre au rythme des sirènes, des déflagrations et des descentes aux abris, ou de fuir leur pays.

Depuis le déclenchement du conflit en Ukraine en 2014, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est mobilisé pour porter secours aux victimes, protéger et soutenir l’ensemble de la population de la zone.

Ces derniers jours, une étape dramatique a été franchie et plus que jamais la Croix-Rouge française s’engage aux côtés de ses Sociétés nationales sœurs, de la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et du CICR. Nous apportons des soins et distribuons des biens de première nécessité (vêtements chauds, produits d’hygiène, nourriture, médicaments) ou encore du combustible pour le chauffage… Pour renforcer la capacité de toutes et tous à faire face, nos volontaires organisent aussi des formations aux premiers secours dans les abris, des collectes de dons de sang, soutiennent les pompiers et unités médicales ou de protection civile ukrainiens. Il y a en effet urgence à fournir une aide humanitaire et un soutien psychosocial à ces populations en grand danger.

Car ce sont les civils qui paient le prix fort. Les bombes frappent des zones urbaines, particulièrement peuplées, des infrastructures vitales et les privent progressivement d’eau, d’électricité et de nourriture. Les personnes vulnérables, personnes âgées ou malades, dans l’incapacité de partir, sont prises au piège de l’horreur. Et puis, il y a ceux qui ont décidé de rester, et qui voient au fil des heures leur quartier, leurs écoles, leurs hôpitaux, se transformer en ruines.

Et parce que le droit international humanitaire a pour objectif de limiter ces souffrances au cœur des conflits armés, nous devons aujourd’hui faire entendre sa voix. La Croix-Rouge s’efforce et s’efforcera toujours de panser les maux causés par la guerre. D’en protéger les victimes. Il s’agit là de notre mandat historique, confié par les États il y a plus de cent cinquante ans, et nous y restons fidèles en Ukraine.

Le droit international humanitaire, une lumière dans l’obscurité

Non, la guerre ne permet pas tout. Les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels sont les fondements du droit international humanitaire, qui régit la conduite des conflits armés et vise à limiter leurs conséquences. Ces règles établissent ce qu’on peut et ce qu’on ne peut pas faire en temps de guerre.

Le droit est clair : tous les acteurs impliqués dans le conflit ont l’obligation légale de s’assurer que les opérations militaires soient planifiées et conduites de manière à garantir la protection des civils et de leurs biens. Notre devoir est ici de rappeler ces règles. Notre devoir est de remettre de l’humanité là où elle est malmenée. Et bien sûr, de venir au secours des victimes, tout en respectant scrupuleusement le principe de neutralité qui implique de ne pas prendre part aux hostilités, ni aux controverses d’ordre politique liées à ce conflit armé. Cette neutralité, qui est au cœur de nos principes fondateurs, demande également de s’abstenir de toute ingérence, directe ou indirecte, dans les opérations militaires en cours.

Nous ne portons aucun jugement sur les causes de la guerre et ne prenons pas parti dans ce conflit. Mais être neutre, ce n’est pas rester indifférent et silencieux, c’est porter la voix des plus vulnérables et marteler les règles de la guerre pour éviter un lourd bilan humain, des dommages irréversibles et de terribles souffrances.

Mettre en sécurité les victimes de la guerre

C’est pourquoi nous demandons aux parties de ce conflit de respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire. Il est de leur devoir de garantir la protection de la population civile et de toute personne ne prenant pas part aux combats.

Nous demandons solennellement à l’ensemble des parties de développer et respecter les accès humanitaires pour éloigner, en toute sécurité, les civils qui le souhaitent des zones de combat. Il est aussi primordial d’autoriser et de faciliter le passage rapide et sans encombre d’une aide humanitaire impartiale. Nous demandons également des garanties de sécurité pour un accès plus sûr des travailleurs humanitaires et de tous les volontaires qui souhaitent s’engager dans des missions de soutien aux populations meurtries.

Enfin, nous appelons avec insistance au respect de notre emblème qui protège les blessés, les malades et ceux qui les soignent, en toute neutralité et impartialité. Cet emblème protecteur est un ultime rempart contre l’absurdité de la guerre, une croix rouge ou un croissant rouge comme symbole d’espoir.

Dans les moments les plus sombres, dans l’obscurité et le chaos, le droit international humanitaire est bien plus qu’une protection juridique. Il permet de préserver l’essentiel, notre humanité. Nous exigeons son respect.

Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française

Photo : Vadim Ghirda/AP/SIPA

Retrouvez la tribune dans le Télérama.fr

À lire dans le même dossier