Le 22 mars, Jean-Christophe Combe s’est rendu en Pologne, pour y rencontrer les acteurs engagés dans la crise ukrainienne, dont les représentants des Croix-Rouge polonaise et ukrainienne. Notre directeur général retient de ce déplacement le courage et le travail remarquables des volontaires. Mais aussi des défis colossaux à relever…

Pourquoi vous êtes-vous rendu en Pologne ?

L’objectif principal était de travailler et d’avancer sur la question de la coordination de l’aide humanitaire au sein de notre Mouvement international. C’est l’enjeu majeur aujourd’hui : délivrer une aide massive aux populations en Ukraine mais aussi en Pologne, où 2,5 millions de personnes se sont réfugiées pour fuir la guerre. Il était donc nécessaire d’échanger, notamment sur les aspects logistiques, avec les délégués de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ainsi qu’avec les représentants des Croix-Rouge engagées dans cette crise. Et puis, bien sûr, l’objectif était de nous entretenir avec les présidents de la Croix-Rouge ukrainienne et polonaise pour mieux évaluer leurs besoins sur le terrain.

Comment la Croix-Rouge ukrainienne gère-t-elle la situation ?

Lors de mes échanges avec la Croix-Rouge ukrainienne et sa vice-présidente, j’ai réalisé le courage extraordinaire des volontaires, en dépit du climat d’insécurité permanente et des événements qui les affectent directement. Je pense à ces hommes et ces femmes attachés à leur pays et qui font leur maximum dans un contexte extrêmement dangereux. J’ai pu mesurer également l’ampleur des défis représentés par les déplacements de populations à l’intérieur de l’Ukraine. Les gens ont besoin d’être relogés, soignés, assistés. Les biens de première nécessité manquent, les stocks s’épuisent. Ils constatent aussi la dégradation de la santé de la population. Les infrastructures civiles et le système de santé ont été détruits ou fortement appauvris. Ils manquent de médicaments, de matériel médical. Cette problématique sanitaire est un énorme défi pour nous. Elle est au cœur de notre stratégie à l’international et est d’autant plus justifiée dans ce conflit. Nous souhaitons porter cette dimension santé au sein du Mouvement international.

Du côté de la Croix-Rouge polonaise, comment cette crise est-elle gérée ?

La Pologne accueille environ 2,5 millions de personnes venant d’Ukraine, c’est colossal. Le travail de la Croix-Rouge polonaise est remarquable. Je suis frappé par la ténacité, la force de caractère des volontaires dont beaucoup s’inquiètent pourtant pour leur famille et leurs proches restés en Ukraine. Ils ne se plaignent pas, se concentrent exclusivement sur l’accueil des personnes. Cette solidarité est très grande également au sein de la société civile. Les gens ont ouvert leurs maisons, leurs écoles, leur système de santé… Cette solidarité de tous est importante face à un tel afflux de personnes. Toutes les nationalités sont représentées au sein de notre Mouvement. Il s’agit d’un engagement global du Mouvement international Croix-Rouge qui montre ici sa puissance, sa capacité exceptionnelle de réaction et d’action dans des situations de crises de grande ampleur.

Concrètement, que fait-on en Pologne, aux frontières de l’Ukraine ? Parvient-on à acheminer l’aide en Ukraine ?

C’était le deuxième objectif de mon déplacement : vérifier le circuit de l’aide humanitaire. En visitant l’un de nos entrepôts logistiques, j’ai pu constater que l’aide entre bien en Ukraine. Notre chaîne logistique est très bien organisée. Nous disposons d’entrepôts dans tous les pays frontaliers, ainsi qu’en Ukraine même. Le plus compliqué reste la distribution de l’aide sur le terrain qui est conditionnée par l’insécurité, que ce soit à l’est ou à l’ouest de l’Ukraine.

De façon plus globale, quelle suite envisageons-nous si le conflit s’enlise?

Nous sommes déjà en train d’imaginer la suite, en dépit des incertitudes. Nous avons défini plusieurs actions prioritaires. La première d’entre elles, c’est de donner des moyens de subsistance à la population, de part et d’autre des frontières. Nous réfléchissons déjà à la mise en place d’un système de Cash Transfer, autrement dit de distribution d’argent directement aux familles pour leur permettre d’acheter ce dont elles ont besoin pour être plus autonomes.

Nous devons également travailler rapidement à la structuration d’une offre de soins adaptée aux millions de personnes déplacées en interne ou à l’extérieur de l’Ukraine, là où les systèmes de santé ne sont pas aussi performants que les nôtres. En Ukraine, des maladies chroniques telles que la tuberculose ou la polio sévissent encore, par exemple. De même, le Covid-19 est toujours présent et peu de personnes sont vaccinées. À ces maladies s’ajoutent tous les troubles psychologiques et traumatismes liés aux conséquences de la guerre sur l’état de santé des personnes. Enfin, bien sûr, il faut soigner les blessés.

Nous avons la capacité d’agir à l’échelle du Mouvement, grâce à la générosité des citoyens. Nous devons et nous pouvons faire plus encore, en Ukraine et en soutien des Croix-Rouge mobilisées dans les pays frontaliers.

À lire dans le même dossier