14-18

Août 1914, quand sonne le tocsin de la déclaration de guerre, la Croix-Rouge française se prépare depuis des décennies à soutenir l’effort du Service de santé de l’armée auprès des malades et blessés militaires. C’est son rôle premier, celui pour lequel la Croix-Rouge a été créée après la bataille de Solferino.

Engagées dès les premiers jours de la mobilisation en août 1914, les trois sociétés qui composent la Croix-Rouge Française – SSBM, ADF, UFF – mettent en place hôpitaux auxiliaires et des infirmeries et cantines de gare, mobilisent les infirmières qu’elles ont formées et développent de nombreuses actions sur tout le territoire.

La Croix-Rouge française auxiliaire du Service de santé des armées

Depuis 1878, plusieurs décrets successifs (1884, 1892, 1913) émanant du ministère de la Guerre règlementent le fonctionnement, à l’arrière du front, des trois Sociétés de la Croix-Rouge française auprès du service de santé de l’armée en cas de conflit. En prévision d’une guerre, elles ont pour mission, par le biais de leurs comités locaux, d’obtenir des locaux pour installer des hôpitaux auxiliaires (structures spécifiques à la Croix-Rouge), de former du personnel sanitaire, de constituer un stock de matériel et de linge et de constituer un « trésor de guerre » pour parer à leur fonctionnement. La SSBM, en outre, est chargée de la mise en place d’infirmeries de gare, dont l’emplacement est déterminé par le Service de santé des armées. Celui-ci avalise le projet de chaque hôpital auxiliaire et prendra la tutelle de l’ensemble des structures au moment du conflit, l’organisation, la gestion et le fonctionnement restant à la charge de la Croix-Rouge française qui devra lui rendre des comptes.

Un réseau prêt à affronter la guerre

Forte de 192 000 adhérents, de près de 900 comités locaux et de la confiance de l’armée, la Croix-Rouge française entre dans la guerre prête à recevoir les flots de soldats blessés. Tout au long de ces quatre ans de guerre, elle mettra en place près de 1 500 hôpitaux auxiliaires dans la zone arrière, 89 infirmeries de gare et 90 cantines de gare, fonctionnant avec 68 000 infirmières diplômées. La Croix-Rouge se dote partout où elle intervient d’un matériel de pointe, qu’il s’agisse de radiographie, de stérilisation des instruments ou de rééducation en passant par l’aménagement des convois d’automobiles chirurgicales. Elle sera présente jusque dans les tranchées dans les cantines du front, par les colis qu’elle envoie aux soldats, mais aussi par le biais de ses infirmières que l’armée réclamera en nombre toujours croissant : 3 000 d’entre elles seront engagées dans des hôpitaux militaires.

Dans les infirmeries et les cantines de gare, elles soignent et ravitaillent les soldats de passage, blessés, convalescents ou en permission. Beaucoup de civils réfugiés également. Avec le changement de tactique et l’enterrement de la guerre dans les tranchées en 1915, on décide de ne plus évacuer systématiquement les blessés vers l’arrière et de les soigner sur place. Les soldats malades et convalescents affluent toujours. Si l’activité de ces structures se réduit quelque peu auprès des blessés militaires, elle ne fait qu’augmenter en faveur des populations civiles en exode.

L'infirmerie de gare à Folligny (Manche) 1914-1918
L'infirmerie de gare à Folligny (Manche) 1914-1918

Sur tous les fronts

Du côté de la zone des armées, dès les premiers jours, alors que l’on se bat de Somme aux Vosges, les avant-postes de la Croix-Rouge sont constitués par les postes de secours aux frontières. Organisés depuis 1911, ils sont munis de matériels, de voitures aménagées ou d’équipages de fortune, de brancardiers et d’infirmiers. Sept postes fonctionnent en Woëvre, 93 aux avancées du Grand Couronné à l’Est de Nancy, déployant 2 000 brancardiers face à la première bataille de la Marne. À Reims déjà, après le premier bombardement, ils ont relevé les blessés entre les lignes. Tout au long de la guerre de mouvement, ils vont devoir s’adapter, déplaçant leur centre d’action au rythme des batailles. Quand certainement formations reçoivent l’ordre de se replier, nombre d’hôpitaux auxiliaires créées dans les villes de la zone des armées sont maintenus et vivent les arrivées sanglantes des blessés du front et les incursions allemandes. Des infirmières sont même prises en otage, au mépris des Conventions de Genève.

Car elles aussi, désormais, sont au front, réquisitionnées de façon croissante par l’armée, elles servent dans les hôpitaux d’évacuation (HOE) situés en arrière des lignes, dans les « Autochirs », voitures automobiles chirurgicales. Cet engagement les mène au cœur du danger, partout où se battent les soldats alliés : dans les garnisons du Maroc, aux Dardanelles, à Moudros et Salonique, en Roumanie… Elles sont actives aussi bien dans des bâtiments installés, des baraquements que sous des tentes d’expédition ou des camps improvisés, des ambulances fixes ou mobiles, à bord des navires hôpitaux. Certaines y perdront la vie, beaucoup se réengageront après la guerre dans les dispensaires des comités locaux.

Les journaux de la Croix-Rouge française durant la Grande guerre

L’entrée en guerre stoppe la publication du bulletin que la SSBM distribue à ses membres depuis 1865. Le bulletin, trimestriel, reparait en juillet 1916. Jusqu’en juillet 1920, chaque numéro va relater l’activité de la SSBM dans une région militaire, avant de reprendre son activité normale jusqu’en 1939. Les volumes de 1916 à 1918 sont en ligne sur le site internet de la Bibliothèque nationale de France.

Pour son activité plus spécifique de recherche des soldats disparus, le comité central de la Croix-Rouge française, composé des trois associations, édite mensuellement un bulletin d’information de février 1915 à décembre 1917. La collection complète est en ligne.

Enfin, les infirmières de la SSBM, rassemblées au sein de l’Association mutuelle des infirmières (AMI) que rejoindront bientôt les infirmières de l’ADF et de l’UFF, éditent, elles aussi, un bulletin. Durant la Grande guerre, il relaie notamment les témoignages d’infirmières en poste.

Du soin des blessés à la mémoire des combattants : Verdun

Le 29 mai 2016 a eu lieu la cérémonie de commémoration internationale du centenaire de la Bataille de Verdun. Présidée par le président de la République française et la chancelière de la République fédérale d’Allemagne, elle s’est déroulée à la nécropole nationale de Douaumont, où reposent les restes de 130 000 soldats inconnus tombés durant les combats. Si la Croix-Rouge française a contribué au soin des blessés de la bataille, elle a aussi été partie prenante de l’élévation de ce monument.

Une tradition mémorielle

Dès le conflit franco-allemand de 1870, la Croix-Rouge française prend en considération les soldats tués au combat. Elle assure l’achat de cercueils en chêne pour les officiers morts dans ses ambulances. Au lendemain de la guerre, elle organise l’Œuvre des tombes, dédiée à la mémoire des 18 000 soldats français décédés en captivité en Allemagne. Légitime consolation aux larmes de milliers de familles dont les proches ont péri en exil. Elle part à la recherche de ces morts sans sépulture décente et dresse des monuments dans les cimetières de 171 villes, grâce notamment aux dons de leurs frères d’arme.

En France aussi, la Croix-Rouge contribue à l’érection de monuments aux morts de cette guerre et à la célébration de services religieux. Une pratique mémorielle dans le respect des croyances religieuses, dans une France où croire en Dieu et en sa patrie est souvent indissociable. Dans la capitale, une messe annuelle est célébrée par l’archevêque de Paris à Saint-Sulpice, à la Madeleine ou en la cathédrale Notre-Dame, en présence des plus hautes instances de la Croix-Rouge française, de préfets, de généraux, de diplomates, des représentants du président de la République, des ministres de la Santé, de la Guerre, de la Marine et des Colonies. Au niveau local, ces messes de requiem rassemblent chaque année des autorités et notabilités civiles et militaires. Cette tradition religieuse perdure bien après la Seconde guerre mondiale. Depuis, elle s’est muée par la présence de porte-drapeaux aux cérémonies officielles et, bien sûr, chaque année depuis 1923, par le ravivage de la flamme du Soldat inconnu.

Douaumont, une mémoire commune

21 février 1916, la bataille de Verdun éclate. Elle va durer 10 mois. 306 000 soldats français et allemands sont tués ou portés disparus, 412 000 sont blessés. Sur ces terres ensanglantées, après-guerre, l’idée germe du monument qui deviendra un haut lieu de la mémoire de la Grande guerre. La Croix-Rouge française s’est tout naturellement engagée auprès de Monseigneur Ginisty, évêque de Verdun, dans la réalisation de l’ossuaire de Douaumont.

Lorsqu’en février 1919 est commémoré au Trocadéro le troisième anniversaire de la bataille, Monseigneur Ginitsy expose son projet : « Quant à la réalisation de ce plan, elle serait l’œuvre de la France entière, et même du monde. Et si l’évêque de Verdun en jette l’idée au vent, il appartient aux grandes sociétés militaires, fédérations, Croix-Rouge, Souvenir français, etc. de seconder cette initiative et d’apporter leur concours. »

Jusqu’en 1940, les présidents nationaux successifs de l’association font partie du comité de patronage de l’ossuaire. Son comité d’action, composé notamment des présidentes de la Société de secours aux blessés militaires (SSBM), de l’Association des dames de France (ADF) et de l’Union des femmes de France (UFF), œuvre pour recueillir des fonds. C’est la princesse de Polignac, veuve de guerre, présidente depuis 1914 du comité de Reims et future vice-présidente nationale de la SSBM, qui centralise les dons aux côtés de l’écrivain Henry de Montherlant.

Les premières pierres de l’ossuaire provisoire sont posées le 22 août 1920. Le transfert à l’ossuaire définitif a lieu en 1927. Il est inauguré officiellement par le président de la République en 1932. Dans la chapelle, parmi les vitraux dessinés par George Desvallières, la représentation d’une infirmière de la Croix-Rouge rappelle le sacrifice des personnels de santé durant les combats. L’artiste l’a réalisée en mémoire des « infirmières tombées à l’ennemi » lors du bombardement de l’ambulance de Dugny (1917). Mémoire mêlée dans un destin commun, celui de la guerre, où les combattants donnaient leur vie et la Croix-Rouge plus que des soins.

A voir aussi : le site internet de l’ossuaire de Douaumont

Sur le site de la Bibliothèque nationale de France, à lire en ligne ou à télécharger : L’Écho de l’ossuaire de Douaumont et des champs de batailles , publié à partir de 1921.

Les chiffres-clés durant la Première Guerre mondiale

Le personnel & les structures

  • 68000 infirmières mobilisées
  • 105 infirmières tuées
  • 2 500 infirmières blessées
  • 10223 infirmières décorées
  • 1 480 hôpitaux auxiliaires
  • 117K lits
  • 89 infirmeries de gare
  • 90 cantines de gares

Liste des infirmières Croix-Rouge décédées en 14-18

À lire également