10 ans des attentats du 13 novembre : Une cérémonie en hommage à tous nos bénévoles engagés
Publié le 20 novembre 2025
“Je suis ému de me retrouver devant vous ce soir”. Ainsi débute le discours de Denis Soriot, président de la délégation territoriale de Paris. Sous le Dôme éclairé des Invalides, dans ce lieu chargé d’Histoire, l’émotion prime sur le protocole. Dix ans après cette tragique nuit du 13 novembre 2015, l’heure est au rassemblement. Une marée orange fait face à la tribune : plus de 100 bénévoles, portant fièrement notre croix rouge dans le dos. Tous étaient mobilisés le soir des attentats. Cette cérémonie organisée en leur honneur est pour chacun d’entre eux l’occasion de se souvenir, de se réunir et de célébrer son engagement. “Ce que nous honorons ce soir, c’est le premier de nos principes, que vous avez incarné envers et contre tout : le principe d’humanité (...) Il nous relie, même dans les moments les plus tragiques. Nous honorons aujourd’hui la solidarité, la force du collectif, l’esprit de fraternité dont vous avez fait preuve il y a 10 ans (...) Nous savons le courage et le sacrifice qui ont été les vôtres. Le monde entier sait le courage et le sacrifice qui ont été les vôtres”, salue Claude Girardi, vice-président de la Croix-Rouge française.
Claire était secouriste bénévole en 2015. Ces derniers jours ont été difficiles à vivre. Les commémorations nationales, les témoignages de victimes diffusés dans les médias, elle a préféré les éviter. Elle se dit traversée par différents sentiments : la tristesse des souvenirs, quand ils refont surface, et la fierté d’avoir su prendre soin des victimes. Aujourd’hui, elle assume le simple plaisir des retrouvailles. “Cette cérémonie est vraiment la bienvenue. Il n’y a jamais eu ce temps d’échanges ces dix dernières années. Ça fait du bien de retrouver toutes ces têtes connues, de se rappeler qu’on était là ce soir-là, que nos actions ont compté, et que dix ans plus tard, elles comptent encore. Qu’on ne nous a pas oubliés”.
Célébrer l’engagement collectif
L’union, après le chaos, Laetitia en avait besoin, même 10 ans après. Le jour des attentats, elle était mobilisée en Seine-Saint-Denis. Elle se souvient avec effroi de cette nuit noire où la communication avec les volontaires mobilisés au Stade de France s’est interrompue : “À ce moment précis, la seule chose que tu souhaites, c’est que tout le monde soit vivant et qu’on se retrouve tous à la fin.” Le sentiment de cohésion ressenti en 2015 l’a confortée dans son engagement. Aujourd’hui directrice territoriale de l’urgence et du secourisme du 93, elle aime encadrer les nouveaux bénévoles et grandir à leurs côtés. Mais elle n’oublie pas ceux qui, marqués par cette terrible nuit, ont préféré quitter la Croix-Rouge et le secourisme. “Ils étaient là eux-aussi. Nous sommes nombreux à penser à eux”.
À eux, et à tous les autres volontaires qui, par centaines, le 13 novembre et les jours qui ont suivi, ont transporté, accueilli, écouté, accompagné. L’hommage rendu aux Invalides leur est aussi adressé. Alors que toutes les délégations d’Ile-de-France s’apprêtent à orner leur drapeau d’une “médaille des opérations agrafe attentats du 13 novembre 2015”, Claude Girardi tient à distinguer l’engagement collectif. Il adresse aussi cette médaille “à celles et ceux qui ont assuré la continuité opérationnelle, logistique et humaine dans les heures et les jours qui ont suivi (...) afin de rappeler que cette réponse a été multiple, structurée et incarnée par vous tous”.
Après le chaos, quels enseignements ?
Aussi dramatiques soient-ils, les événements de 2015 ont ouvert un nouveau chapitre dans notre approche de la sécurité civile. Le 13 novembre, nous avons déclenché pour la première fois le dispositif ARAMIS, conçu pour affronter des attaques simultanées, mobiles. Après les attentats, nous l’avons repensé pour donner naissance au Plan de préparation aux nouvelles menaces (PPNM). Parmi ses objectifs : mieux protéger les volontaires. En 2015, Laurent Simeoni était responsable opérationnel du pôle Santé à Paris. Aujourd’hui coprésident de la commission urgences, il souligne l’importance de l'accompagnement psychologique : “Dans les jours et les semaines qui ont suivi les attentats, nous avons mis en place les premières consultations avec des professionnels de santé pour les bénévoles présents sur le terrain. Aujourd’hui, ces activités ont été pérennisées. La santé psychologique de nos bénévoles est mieux prise en compte. C’est aussi ça, protéger”. “Après les attentats, la perception du secouriste a changé, confirme Denis Soriot. L’idéologie secouriste a longtemps perpétué l’idée que nous étions confrontés à la douleur, que c’était normal, qu’il fallait endurer. La dimension sacrificielle de l’engagement, ça, c’est fini !”
La prise en charge psychologique des victimes s'est, elle aussi, améliorée. Claire est devenue directrice locale de l’urgence et du secourisme à Paris. L’expérience du 13 novembre lui a permis d’acquérir de nouvelles compétences. Avec ses équipes, elle s’attache par exemple à prendre soin des “impliqués”. Autrement dit, celles et ceux qui ne souffrent d’aucune blessure physique mais de potentiels traumatismes. “En France, seules les associations agréées de sécurité civile savent le faire et sont équipées pour le faire. C’est l’une de nos spécificités. Pendant les attentats, nous avons été appelés en renfort dans les cellules d’urgence médico-psychologiques mises en place par le SAMU, nous avons appris à écouter, à détecter les signes de polytraumatismes, et depuis nous avons créé des modules de sensibilisation au soutien psychologique pour nos bénévoles”.
Les secouristes se disent aujourd’hui mieux préparés à l’urgence. “Chaque situation de crise apporte ses enseignements. Le COVID a aussi changé nos pratiques. Nous sommes capables d’intervenir rapidement sur le plan logistique. Elles nous ont permis d’être beaucoup plus réactifs par exemple dans le Val-de-Marne, quand la population a été confrontée aux inondations”, témoigne son directeur territorial de l’urgence et du secourisme, Guillaume Saintyves.
Ce 14 novembre 2025, la fierté a effacé la peur. Si la nuit du 13 est toujours présente dans les esprits, les regards semblent résolument tournés vers l’avenir. Dans la cour pavée de l'Institution nationale des Invalides, l’air est étonnamment doux. On observe quelques yeux humides, beaucoup d’accolades. On entend l’éclat des rires, les verres qui s'entrechoquent. Comme en écho aux autres terrasses parisiennes, dix ans après, la vie a repris.