Question : La restauration du lien social apparait comme essentielle et nécessaire à la lutte contre la précarité. Comment la Croix-Rouge française fait-elle pour y contribuer efficacement ?

Professeur Mattei : Quand vous entrez dans un local Croix-Rouge, où des personnes sont là pour accueillir, écouter, conseiller, accompagner…, un véritable lien social se crée de manière simple et naturelle. On peut l’observer au quotidien dans des dispositifs comme ceux de l’aide alimentaire. Ainsi en remplaçant la distribution de colis par des épiceries sociales, nous avons renforcé les conditions du lien social, tout en favorisant le retour à l’autonomie. Comme dans un supermarché ordinaire, les personnes vont se servir sur des rayons, choisissent les produits et passent ensuite à la caisse, mais pour payer un tout petit écot. Une personne que j’ai croisée un jour à la sortie d’une épicerie sociale m’a dit en me montrant ses sacs plein : « Il n’y a pas que ça à l’épicerie sociale. Je rencontre des gens avec qui je parle, avec qui j’échange et je partage ». La même chose se produit dans nos vestiboutiques.Le lien social c’est aussi ce que nous créons en écoutant les gens en difficulté, avec nos dispositifs de téléphonie sociale, Croix-Rouge écoute et Croix-Rouge écoute les détenus, quand on agit dans les prisons pour faciliter les visites ou l’accueil des familles en attente de parloir..., mais également quand on enseigne les gestes qui sauvent, quand on rend visite à des personnes âgées à leur domicile, lorsque l’on accueil des mineurs étrangers isolés… En fait, en œuvrant pour le mieux vivre ensemble, toute action caritative et humanitaire est créatrice de lien social.

Tendre la main c’est créer du lien social

Dès lors que vous tendez la main à celui qui est difficulté, dès lors que vous l’aidez à se relever, vous créez du lien social. Mais vous ne créez pas de lien social lorsque vous donnez votre obole en vous désintéressant de la personne. C’est d’ailleurs là que les associations jouent un rôle majeur.J’aimerais souligner ici que, dans le paysage associatif français, la Croix-Rouge est singulière, car elle couvre à peu près tout l’éventail des situations de précarité. Elle est engagée dans la lutte contre l’exclusion, pour la défense de l’enfant en danger, dans la lutte contre la dépendance qu’elle soit liée au handicap ou au grand âge, dans la lutte contre la précarité des migrants, celle des victimes de catastrophes naturelles… Elle est donc engagée quasiment sur tous les fronts et pour y répondre elle met en œuvre un très large éventail d’actions. Elle s’appuie en outre sur près de 700 établissements qui prennent en charge de manière durable – parfois même au long cours – des personnes en situation de très grande précarité : les femmes avec enfant en difficulté dans les relais maternels, les migrants en attente d’un accueil officiel en France dans les centres pour demandeurs d’asile, les victime d’un accident dans les établissements de soin de suite et de réadaptation…

Propos recueillis par Benjamin Lagrange

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